Les villes étudiantes, un modèle urbain attractif ?
Les universités font partie intégrante de nos villes, et constituent des éléments majeurs et attractifs pour nos espaces urbains. Entre dynamisme local, attractivité économique et touristique, développement culturel ou encore innovations en tout genre, de nombreuses villes tirent un énorme profit des universités et de leurs étudiants.
Mais quelles sont ces villes étudiantes qui attirent ? Quel est vraiment le rôle des universités et de ceux qui les fréquentent dans la vie d’une ville ?
Petit retour dans le temps, au Moyen-Âge, où l’histoire des universités françaises commence. Au XIIè siècle, les écoles de Paris commencent à acquérir une certaine réputation auprès des étudiants qui demandent alors à rejoindre ces écoles au succès grandissant. On compte parmis elles l’école de la cathédrale de Notre-Dame, où est enseigné la théologie, ou encore celle de la Montagne Sainte-Geneviève plus axée sur la logique. La réunion de ces deux écoles aux enseignements différents va former l’Université de Paris, qui proposera quatre facultés : la théologie, le droit canon, la médecine et enfin l’art.
Ayant connus de nombreux bouleversements et adaptations aux cours des siècles qui ont suivi, l’enseignement et nos universités ont évolué et se sont exportés sur l’ensemble du pays en attirant de plus en plus de jeunes avides de connaissances. D’abord réservé à une certaine élite sociale, l’enseignement s’est développé et a fortement gagné en accessibilité ; aujourd’hui, n’importe quel demandeur peut accéder aux universités à moindre frais !
Les universités font aujourd’hui partie intégrante de nos villes, tant par leur architecture souvent imposante, que par le savoir et la connaissance qu’elles fournissent. Mais pour qu’une université gagne en réputation et en rayonnement, encore faut-il y trouver des étudiants ! Ces derniers représentent l’âme de certaines villes. Ils participent à leur dynamisme, via la culture, l’art, l’innovation, le sport, l’atmosphère urbaine qu’ils créent… Mais alors par quelles méthodes, par quels biais, quels processus, ces étudiants font de nos villes des espaces plus attractifs où il fait souvent bon vivre ? Ville étudiante et universitaire rime-t-elle avec ville attractive ?
Le super-pouvoir des étudiants en ville
En effet, l’étudiant transforme nos villes, parfois même la façonne. En France comme dans le reste du monde, ville étudiante fait souvent bon ménage avec bien-être et bonne qualité de vie. Nous connaissons de réputation les grandes villes universitaires comme Paris, New York ou encore Londres, mais qu’en est-il des villes de taille plus modestes où l’étudiant est au cœur de l’urbain et de ce qui en découle ?
De nombreux classements sont fréquemment publiés au sujet des villes les plus accueillantes et attractives. Une corrélation ressort d’ailleurs à de multiple reprises : une ville qui attire est souvent une ville dans laquelle la vie étudiante est bien ancrée dans son fonctionnement, à l’image de Lyon ou Toulouse, mais aussi de Rennes et Angers.
L’étudiant apporte en quelque sorte sa pierre à l’édifice : il représente pour certaines villes/centre-ville une part importante de la population, ce qui vient directement influer la vie de quartier. Développement culturel, importante vie associative, engagement politique, innovation, mais aussi véritables lieux de vie et de partage, comme les bars, ces villes reflètent une atmosphère à la fois calme et vivante qui séduit les futurs étudiants.
Actifs de la consommation et des sorties en tous genres, les étudiants permettent également de renforcer le capital économique d’une ville. Et oui, étudier c’est une chose, mais se détendre en est une autre et l’étudiant a su s’imposer comme un pilier majeur de l’économie de loisirs dans nos espaces urbains. Bars, cafés, clubs… des lieux fortement prisés par les étudiants et qui participent activement à l’économie d’une ville. Et si c’est dans un sens, ça l’est également dans l’autre. En effet, ces espaces de consommation et de sortie sont vecteur d’emplois ! De nombreux petits jobs ou emplois à temps partiels sont occupés par des étudiants les soirs et les week-ends, ce qui a un effet très positif pour l’économie des villes. Les morceaux de ville, les quartiers associés à la vie estudiantine bénéficient donc d’une réputation active, créative, festive.
Evidemment, lorsque l’on parle de bars et de sorties, on ne peut laisser de côté un élément phare qui constitue les villes étudiantes : la scène musicale. Les villes universitaires sont génératrices de culture et de dynamisme artistique en tout genre, et la musique est la branche artistique la plus développée par les étudiants. Un espace urbain où l’on croise des groupes de musique, des DJs, ou encore des fanfares, attire par son atmosphère dynamique.
Et inversement, une scène musicale bien ancrée en ville va stimuler la créativité artistique et musicale, notamment auprès des étudiants. Il existe aujourd’hui de nombreux collectifs de musique issus d’initiatives étudiantes, qui vont venir proposer différentes types de soirées, de concerts, et ainsi renforcer d’autant plus le côté attrayant que peut générer une ville. Par exemple, la ville de Rennes, réputée pour ses nombreux bars et son dynamisme étudiant, connaît un grand nombre d’événements musicaux tout au long de l’année. Outre les Trans-Musicales et leur fameux bars en Trans, le festival étudiant de l’INSAA, le Rock’N Solex, s’impose depuis une cinquantaine d’année comme un événement de référence dans l’Ouest. Avec un format de tremplin étudiant, ce festival permet de faire découvrir des jeunes talents locaux au grand public et ainsi de promouvoir l’attractivité de la ville.
Ville étudiante, ville engagée ?
Les villes étudiantes rayonnent par l’événementiel et les initiatives issues de toutes formes d’art. Mais au delà de cette relation culturelle et économique que les étudiants apportent à nos villes, ces derniers participent d’une autre manière à l’évolution de nos entités urbaines. C’est notamment à travers l’engagement, politique ou associatif, que l’étudiant s’exprime et permet de faire parler sa ville et ses habitants.
Cet engagement peut prendre plusieurs voies, plusieurs angles. Les étudiants ont de réputation été très engagés politiquement. D’ailleurs, nos rues se souviennent de Mai 68 ! Ces mouvements étudiants participent à dynamiser nos villes, à les façonner et à les renouveler pour les faire évoluer. Bien évidemment, cela ne se passe pas toujours de manière pacifique… Mais l’engagement ne passe pas que spontanément par l’action de descendre dans les rues pour manifester. En effet, de nombreux étudiants s’engagent via des associations, qui connaissent aujourd’hui un véritable essor. C’est donc via celles-ci et sur une base de volontariat que les étudiants participent à l’attractivité de leur ville, et cela par un biais social, culturel ou encore sportif !
Le projet “Volontaire en résidence” lancé par l’AFEV permet lui, à des volontaires, souvent étudiants, d’agir sur le climat scolaire. Ce programme d’aide permet à un ou une jeune de s’impliquer tout au long de l’année scolaire au sein d’un établissement de l’éducation prioritaire pour venir en aide à des jeunes élèves souvent en difficulté en les accompagnant tant dans leur vie de tous les jours que dans leurs devoirs scolaires. Ce programme permet d’une part de leur faire profiter de certains loisirs, y compris des droits à la ville dont ces jeunes en difficulté ne bénéficient pas forcément. Par ailleurs, c’est aussi un moyen de stimuler l’entraide en ville et le partage de connaissances, et ainsi d’inciter les étudiants à prendre part au bon fonctionnement de la ville.
Les villes étudiantes sont également sujettes à l’innovation. Et oui, les universités et les écoles s’impliquent pleinement en matière d’innovation ! De nombreux concours et challenges ont vu le jour pour stimuler l’esprit d’initiative auprès des étudiants, dans le but de proposer de nouvelles solutions à nos villes. C’est le cas du Challenge GreenTicCampus, organisé en France depuis 2010. En quoi consiste-t-il ? Il propose aux étudiants de toute la France de se dépasser pour créer un concept innovant, qui viendrait s’inscrire dans une démarche pour un campus plus vert. Ce projet ayant pour but d’améliorer le cadre de vie en ville et sur les campus, s’est déjà vu prometteur en matière d’innovation.
Des étudiants de l’Ecole d’ingénieur EPF basée à Paris ont proposé en 2014 le projet Smart Light, consistant à prouver que l’on peut optimiser l’éclairage naturel via des modélisations thermique et 3D. Dans un registre un peu moins technique, des étudiants de l’Université des sciences de Luminyde à Marseille ont proposé la Fabrikabroc, un service de récupération des déchets à des fins de rénovation et de revalorisation. L’objectif est de réutiliser un maximum d’objets et de matière afin de réduire la quantité de déchets en développant des lieux de stockage et de transformation, et d’expression créative ; un bon moyen de concilier écologie et art !
Ces concours proposés par des grands groupes ou les municipalités, permettent de faire participer d’une certaine manière les jeunes et les étudiants à la réalisation de la ville de demain. Entre innovations technologiques, éco-responsables ou encore artistiques, les étudiants prennent par à la conception de l’urbain, et sont aujourd’hui toujours plus acteur de la ville. Et cet investissement urbain contribue à engendrer et développer l’attractivité des villes étudiantes, et ainsi faire de celles-ci un écosystème attirant pour les autres citadins et où le bien-être se fait sentir.
Mais ces villes ne sont-elles pas vouées à rester des villes étudiantes ? Ne sont-elles pas uniquement des espaces urbains de “transit”, où une fois les études terminées, les étudiants les quittent pour de nouveaux horizons ? Parviennent-elles vraiment à enraciner cette jeunesse ?
Car avec leur forte popularité, les villes étudiantes peuvent à l’inverse se voire perdre de l’attractivité. Augmentation des loyers, vie étudiante prenant trop de place dans l’écosystème urbain, ras le bol de certains locaux quant aux nuisances des festivités que cela induit … Le risque est bien que ces villes deviennent uniquement des zones de passage, où il y fait bon vivre seulement pour quelques années. Se pose donc la question de l’installation durable de ces jeunes, notamment vis-à-vis de l’emploi et des opportunités pour les jeunes actifs.
D’ailleurs, certaines villes vont dans ce sens et combinent aussi bien l’aspect étudiant de leur fonctionnement que l’offre d’un cadre de vie idéal pour les jeunes actifs. S’en suit alors une transition entre études et début de la vie active et professionnelle. C’est par exemple le cas de Bordeaux, Aix-en-Provence, Lyon ou Toulouse, ont su faire leurs preuves en matière d’attractivité pour les jeunes diplômés. Les critères visés sont divers tel que le coût de la vie, des investissement immobiliers ou encore du bonheur au travail. Comment rester des villes accessibles en termes de prix ? De quelles manières impulser une véritable réflexion pour les jeunes actifs, leur permettant de bien y vivre, mais aussi d’appréhender au mieux leurs premiers pas dans la vie professionnelle ?
Et si la clé résidait des liens toujours plus étroits entre ville et universités ? Les relations qui existent entre les étudiants, le tissu associatif et les entreprises locales semblent être les fondements d’une ville qui ne s’arrête pas uniquement à la vie étudiante et qui constitue un véritable pôle attractif pour toutes les catégories d’âges. Le parcours étudiant peut ainsi peut-être tendre d’autant plus vers une véritable expérience de la ville, un apprentissage pour les citoyens urbains de demain.