Le patrimoine vernaculaire, une opportunité pour la ville durable
Dans un précédent billet, nous nous interrogions sur la place du patrimoine indésirable dans nos villes. Il est un autre type de patrimoine qui peine à trouver sa place, le patrimoine vernaculaire, celui que l’on appelle le « petit patrimoine » en opposition à notre glorieux patrimoine. Souvent vue comme le parent pauvre du patrimoine, cette architecture est alors qualifiée de « folklorique » ou « spontanée » car n’étant pas le fruit d’un grand architecte. Pourtant, qu’ils soient à usage domestique (habitat, boutique…), agricole (cabane de vigne, grange…) ou préindustriel (moulin, tuilerie, forge…), ces bâtiments peuvent présenter de nombreux avantages et leur réhabilitation pourrait être un atout pour la ville durable. Quelle est donc la place de ce patrimoine ? Pourquoi et comment le réhabiliter ?
Un patrimoine méconnu
Derrière ce terme (qui peut paraître barbare) de vernaculaire se cache une réalité multiple et souvent méconnue. Car ce patrimoine est lié à une architecture traditionnelle, rurale, édifiée avec des matériaux locaux et des savoir-faire ancestraux propres à une région. Il est donc caractéristique d’une époque, d’une aire géographique et peut avoir différentes utilisations.
Ce patrimoine nous renvoie davantage à nos particularités régionales (voire micro-régionales) qu’à une unité nationale, plutôt l’apanage du patrimoine tel qu’on l’entend traditionnellement. Et difficile d’envisager qu’une maison traditionnelle du Marais Poitevin a une valeur patrimoniale, comme un château de la Loire. Ce qui fait que ce patrimoine, souvent non protégé, se retrouve la plupart du temps à l’abandon. Envisager une réhabilitation du patrimoine vernaculaire est aujourd’hui difficile : mise en sécurité, mise aux normes, travaux de rénovation… Tout cela a un coût, ce qui explique que le maître d’ouvrage a tendance à penser à d’autres solutions.
Un patrimoine à réinventer
Pourtant, ce patrimoine est une composante de la mémoire et de l’identité du lieu sur lequel il est implanté. Il contribue à la fierté locale et permet aux habitants de se fédérer autour de valeurs communes.
De plus, à l’heure où l’on prône un retour à l’authenticité et à la sobriété, le patrimoine vernaculaire peut présenter des atouts indéniables pour le tourisme durable et le développement local.
La préservation du patrimoine vernaculaire prend également tout son sens dans un contexte de ville durable. Effectivement, pour résister à l’étalement urbain, il faut densifier villes et villages en reconstruisant le patrimoine sur lui-même. Cette réappropriation du bâti est possible à partir du moment où l’on repense différemment ce patrimoine. La prise en main de l’espace vernaculaire devient alors un pilier de l’innovation pour l’avenir. En effet, la sauvegarde de notre patrimoine local engage de nombreux enjeux : dynamisme d’un territoire, réutilisation de la matière propre, identité locale, enjeux de mémoire, etc. Il ne s’agit donc plus de restaurer, de rénover ou de réhabiliter mais bien de réinventer ce patrimoine vernaculaire.
Réinventer par le design
Parmi les différents professionnels ayant un rôle dans la rénovation urbaine, les réflexions que portent un designer peuvent permettre de réconcilier les usagers avec leurs ressources vernaculaires. Et c’est justement à cette problématique liée au bâti ancien que Julie Barré, étudiante en deuxième année de cycle master Ville durable à l’École de design Nantes Atlantique, s’est intéressée. Pour elle « la réhabilitation du petit patrimoine est une richesse à exploiter. Le rôle du designer est d’imaginer une réhabilitation rapide et démultipliable à grande échelle à l’aide d’un procédé constructif économique et répondant aux contraintes patrimoniales, de travailler à l’échelle humaine, de sensibiliser la population, de valoriser l’identité du bâtiment, de redynamiser un territoire en attribuant un nouvel usage et en réintégrant des matériaux et savoir-faire locaux ».
Ainsi, pour son Projet de Fin d’Études, Julie propose une réhabilitation d’un hangar dans le Marais Poitevin. Ce projet nommé « Fragment Poitevin » cherche à promouvoir l’identité du bâtiment en s’inspirant de la richesse du territoire qui l’entoure. Elle a imaginé des caissons innovants et fonctionnels qui, intégrés à un lieu, viennent le structurer tout en le réhabilitant. A l’intérieur, différents espaces permettent de sensibiliser les usagers, promeneurs, cyclistes ou curieux, à ce patrimoine local. Julie propose donc un projet innovant permettant une réhabilitation rapide, économique mais surtout démultipliable dans d’autres circonstances.
Par Zélia Darnault, enseignante