En zone inondable, différents choix
Face au risque d’inondation, deux types de stratégies de politique urbaine se distinguent. La première vise à résister à l’aléa. Les zones habitées sont sécurisées à l’aide de déversoirs et de digues qui ne sont pourtant jamais à l’abri d’une défaillance. Une autre stratégie est d’accepter et intégrer le risque en s’adaptant afin de permettre un retour à la normale le plus rapidement possible après l’inondation. Le manque de foncier constructible dans certaines villes justifie ainsi, sur des terrains exposés aux faibles crues, l’édification de bâtiments montés sur pilotis ou dotés d’un rez-de-chaussée inondable. Les maisons flottantes sont également une solution, comme à Amsterdam, dans le nouveau quartier d’IJburg.
Au Japon, une caverne anti-inondation
Tokyo est une ville très exposée aux risques d’inondation. Dans le contexte d’urbanisation galopante qui accentue l’imperméabilisation des sols, les pouvoirs publics mettent en oeuvre des dispositifs sophistiqués et innovants pour protéger les populations. Les autorités ont réalisé ainsi un grand complexe souterrain, le Metropolitan Area Outer Underground Discharge Channel, à une trentaine de kilomètres au nord de la ville, dans une cuvette où les inondations provoquaient régulièrement de lourds dégâts. Si les précipitations abondent, ce réseau d’infrastructures récolte le surplus d’eau de plusieurs rivières et le transfère dans le fleuve Edo de façon ciblée.
Long de 6,3 kilomètres, un tunnel de plus de 10 mètres de diamètre suit une route nationale à 50 mètres de profondeur. Il relie cinq silos de 70 mètres de haut à un important réservoir de stockage de 250 000 m3. Tout n’est pas automatisé : trois personnes se relayent dans une salle de contrôle en cas de crues de manière à activer au mieux les pompes. La période la plus critique se situe entre juin et novembre. Depuis la mise en fonctionnement de l’installation, l’équipe a été mobilisée sept fois par an en moyenne. Le système n’évite pas la totalité des dommages sur les maisons mais permet de limiter considérablement les dégâts.
Une île de logements à Ostwald dans le Bas-Rhin
Faire des faiblesses d’un site sa force. Créer, sans heurt, de la singularité en surmontant les difficultés : ce paradigme de la ville résiliente s’exprime à toutes les échelles du futur écoquartier « Les Rives du Bohrie », en périphérie de Strasbourg, sur la rive gauche de l’Ill, dans sa plaine d’inondation. À proximité de l’étang du Bohrie et du ruisseau de l’Ostwaldergraben, l’opération se fond dans un paysage de 50 hectares répondant aux aspirations d’harmonie avec la nature. Son parti pris engage à reconsidérer le rapport au sol et à accepter la présence saisonnière de l’eau. La conception technique du projet mobilise à cet effet remblais et autres dispositifs lacustres. Décollés de la surface inondable, plus d’un mètre au-dessus du sol naturel, les bâtiments du secteur baptisé « l’île » sont construits sur cinq plateformes reliées par des pontons au cœur de l’écoquartier qui regroupe immeubles collectifs et équipements.
La composition volumétrique, alternant maisons en bandes et petits collectifs, joue des différences de gabarit et offre des points de vue variés sur la nature déclinée ici en tableaux : prairies, espaces de maraîchage, boisements… Le projet, qui fait la part belle au bois, est conçu dans tous ses aspects pour répondre aux enjeux écologiques d’une ville durable. À la livraison, en 2017, il reviendra aux habitants d’intégrer et de défendre leur nouveau mode de vie, détaillé dans une charte de l’écocitoyen que chaque nouvel arrivant devra s’engager à respecter ! Parmi les objectifs de cette charte : accepter de laisser sa voiture dans un parking-silo situé à 200 mètres de certains logements.
Lieu : écoquartier des Rives du Bohrie, à Ostwald, en périphérie de Strasbourg
Programme : 330 logements dont 30 % sociaux, parking-silo de 400 places
Aménageur : SAS des Rives du Bohrie
Maîtrise d’ouvrage : Bouygues Immobilier / NLE / Batigère / Habitat de l’Ill
Maîtrise d’oeuvre : JAP (Jourda architectes et partenaires) / AJEANCE / dwpa
Surface de l’écoquartier : 50 ha dont 1 000 logements environ et 30 ha de terres naturelles
Surface maximale de l’opération : 24 500 m²
Calendrier : livraison de la 1re tranche de « l’île », 2017
Frédéric Mialet, architecte et commissaire de l’exposition Réver(cités), et Eve Jouannais, journaliste.
Eléments initialement présentés dans l’exposition « Réver(cités), villes recyclables et résilientes » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 12 octobre au 4 décembre. Plus d’informations dans la visite virtuelle de l’exposition.
Vos réactions
architecte quartier inondation