Zéro déchet à Paris en 2020 : le lab
Du 9 au 11 avril, la deuxième édition du festival Learn Do Share s’est tenue dans les locaux de l’ESCP Europe, à Paris, sur le thème « Les villes du futur ». Au programme notamment : un lab citoyen intitulé « Paris zéro déchet ». Témoignage du cinéaste et architecte Mathieu Pradat, qui a participé à ce challenge.
« Trois jours pour explorer le pouvoir du storytelling et les nouvelles formes de narration, susciter l’inspiration et encourager l’action. » Telle est l’ambition du festival Learn Do Share, dont la deuxième édition, organisée début avril à Paris, a permis d’explorer la thématique des villes du futur. Dans ce cadre, un lab de deux jours était organisé sur le thème « Zéro déchet à Paris en 2020 ». Un format original, au croisement du hackathon et du think tank, qui a permis à une quarantaine de personnes d’inventer des solutions et de créer de nouvelles formes de narration autour d’une problématique sociale sensible. Le tout en s’appuyant sur une méthode collaborative et ludique dite de « l’Operating System », utilisée dans certaines universités et dans les makerspaces pour résoudre des problèmes. Architecte et cinéaste, cocréateur de la société de production La Prairie, Mathieu Pradat a pris part à ces deux jours de brainstorming et de création collective. Il nous raconte son expérience, en partant de quelques mots clés.
Mixité
« Le lab a duré deux jours. Une bonne trentaine de personnes y ont participé, avec une vraie mixité sur le plan sociologique puisqu’il y avait des artistes, des architectes, des entrepreneurs, etc. Il y avait, semble-t-il, presque autant de femmes que d’hommes, et de toutes les nationalités puisque le lab était en anglais : une majorité de Français, bien sûr, mais aussi des Néerlandais, des Canadiens, des Italiens, une nigériane… »
Amont
« Le matin du premier jour, nous avons assisté à deux interventions pour nous « mettre dans le bain ». Ça nous a fourni pas mal d’éléments de contexte intéressants, notamment sur la nécessité de mieux gérer les déchets en amont en travaillant sur un meilleur conditionnement des produits. Les entreprises, notamment, peuvent vraiment améliorer la synergie entre elles pour limiter les déchets. On a pris conscience également du fait que le secteur de la construction est toujours l’un de ceux qui produisent le plus de déchets dans le cadre urbain, notamment à Paris. Il y a encore beaucoup à faire pour mieux gérer les rebuts de construction sur les chantiers. C’est un point qui m’a particulièrement intéressé. En effet, les chantiers sont des moments d’actions concertées avec un client, une entreprise, un architecte et il y est tout à fait possible d’organiser la gestion des produits de démolition plus efficacement. Je pense, en particulier, aux petits et moyens chantiers sur lesquels il semble il avoir une belle marge de progression… »
Intelligence collective
« Après cette phase introductive, nous avons pris part à un atelier de production d’idées sur les moyens de réduire les déchets. Concrètement, nous avons noté toutes nos idées, bonnes ou mauvaises, sur des post-it. Ensuite, on a regroupé ces idées en plusieurs grandes problématiques, et on a tracé une grande ligne horizontale pour distinguer les propositions de solutions positives des constats plus négatifs. Nous avons alors pris part à un « world café ». Il s’agit d’une méthode d’intelligence collective qui permet de créer un réseau de dialogues collaboratifs. Des petits groupes discutent autour d’une table, puis chacun va d’une table à une autre pour échanger de nouvelles idées. Là, on devait évoquer une expérience personnelle de réutilisation positive d’un déchet et réfléchir aux solutions possibles pour une meilleure gestion des déchets dans notre rue et dans notre ville. »
Expérience
« Nous avons développé et articulé ces idées dans de nouveaux petits groupes de cinq personnes environ, sous la forme d’un récit organisé de manière circulaire et plaçant chaque problème et chaque solution sur les différents morceaux d’un cercle découpé en huit parties intitulé « Wheel of Reasonning ». Le cercle se lit en sens horaire sous la forme « Il était une fois un problème… Voici pourquoi, mais sa solution est identifiée… telles en sont les raisons… » C’est assez ludique et efficace comme exercice. Notre groupe travaillait sur l’hypothèse que tout déchet constitue une nouvelle ressource. Pour retranscrire ses idées, chacun a pris la parole pour raconter sa petite histoire avec des éléments de langage préinscrits dans une « roue de la raison » (« changement », « menace », « opportunité », « solution », etc.). Une façon ludique et personnalisée de présenter différentes expériences, en s’attachant à prévoir une issue heureuse à ces histoires. L’idée forte qui est ressortie de ces échanges, c’est que les déchets sont une matière première à part entière. »
Storytelling
« Nous avons ensuite travaillé en binômes pour témoigner d’expériences au cours desquelles des actions individuelles ont permis des changements importants. Puis, par petits groupes, nous nous sommes concentrés sur les notions de prototypage et de narration, en réfléchissant au storytelling, à la mise en contexte des idées majeures qui avaient déjà émergé. C’est comme ça qu’a émergé collectivement l’idée d’une poubelle intelligente et connectée au cloud. »
Prototypage
« La dernière demi-journée a été consacrée à la phase de prototypage. Nous avions à notre disposition quelques outils basiques, du scotch, de la glue, un cutter, des ciseaux, et nos déchets de la veille. Nous avons confectionné des maquettes un peu frustres, mais qui synthétisaient bien nos idées. Là encore, chaque groupe avait la possibilité de retravailler et enrichir les projets des autres groupes (voir le descriptif des projets ci-dessous). »
Appropriation
« Le dimension participative et surtout collective de ce lab est très américaine dans l’esprit. Nous avons eu recours à des méthodes d’apprentissage et de production d’idées intuitives, ludiques, qui peuvent paraître assez éloignées de notre tradition française mais qui me paraissent surtout complémentaires de notre manière de faire et auxquelles nous pouvons apporter notre culture critique. Maintenant, j’espère que ces solutions pourront trouver des débouchés. Faire entrer ces bonnes idées dans une phase plus concrète dépend de la motivation des participants du lab, mais aussi de la ville de Paris, qui était partenaire de l’événement. En tout cas, ce lab est une expérience utile, qui fait bouger les mentalités des personnes qui y participent, et qui semble pouvoir rayonner au-delà de ce simple moment de partage et de créativité collective. »
Les projets :
Tri’Lib
Une poubelle à compartiments équipée d’un écran qui informe les utilisateurs sur les différentes catégories de déchets et le nombre de points qu’ils peuvent gagner en les triant correctement. Ce dispositif serait complété par un réseau de stations implantées tous les 200 mètres dans les rues de Paris pour permettre aux citoyens de suggérer des améliorations possibles du système et de nouvelles idées sur la meilleure gestion possible des déchets.
My Smart Bin
Une poubelle de tri automatisée, qui mesure la quantité de déchets jetés quotidiennement et la compare à celle de ses voisins et de ses amis.
Made in Paris
Un système de tri automatique connecté à Internet qui incite à recycler certains déchets en échange de récompenses.
The Win Bin
Une poubelle personnalisée, équipée de capteurs intelligents, et connectée à un jeu social qui permet de gagner des bons d’achat et des coupons de réduction sur certains produits.
Paris’Belle
Un réseau social interactif pour inciter les parisiens à atteindre l’objectif « zéro déchet en 2020 ».
The Money Maker Bin
Un dispositif électronique fourni par la ville de Paris et connecté au cloud, qui permet de scanner les produits que l’on s’apprête à jeter et de mesurer la quantité et la nature des déchets jetés par les Parisiens.
Le site officiel de Learn Do Share
Retrouvez les débats et conférences du festival Learn Do Share sur Youtube