« Il y a une certaine poésie dans le fait de survoler la ville »
L’inauguration en novembre dernier du premier téléphérique urbain à Brest met en lumière un mode de transport en passe de simplifier les déplacements urbains de ces prochaines années. En plus de favoriser la mobilité, les télécabines offrent des points de vue unique sur la ville et son environnement.
« Brest inaugure une nouvelle ère pour le téléphérique 100 % urbain, conçu comme un moyen de transport public à part entière. » L’architecte et urbaniste Jean-Robert Mazaud, fondateur du cabinet d’architecture S’PACE et co-fondateur avec Antoine Grumbach de la Société d’études et d’ingénierie des nouvelles écomobilités (Seine), salue l’arrivée à Brest du téléphérique.
« On a la sensation extraordinaire de pouvoir franchir des obstacles, d’avoir le dessus » se plaît-il à rappeler, lui qui est l’auteur d’un ouvrage consacré au sujet et qui paraîtra en avril, Les Tramways du Ciel (Archi Découverte). Près de 1850 personnes peuvent aujourd’hui enjamber quotidiennement la Penfeld, le fleuve qui sépare la ville portuaire en deux. L’objectif prévu est de transporter à terme 650 000 passagers par an.
Le téléphérique devrait petit à petit s’imposer
Le coût global du téléphérique a été évalué à 19,1 millions d’euros (en incluant études et travaux d’infrastructures) alors que la construction d’un troisième pont aurait coûté entre 30 millions et 60 millions d’euros, selon Brest métropole océane (BMO). « Alors que la France possède un champion mondial des téléphériques avec Poma, ce mode de transport ne s’est pas développé ici dans l’urbain contrairement à de très nombreux pays, d’Alger à New York, de Coblence à La Paz » rappelle Jean-Robert Mazaud. Mais pour lui aucun doute, le téléphérique devrait petit à petit s’imposer : « Les villes sont congestionnées et il est impossible de percer de nouvelles avenues ou de contourner des obstacles ».
« Le temps d’une pause, dans et au-dessus de la ville »
Le groupe français Poma a réalisé les téléphériques urbains de Grenoble, de New York, de Barcelone, de Rio de Janeiro et de Medellin (Colombie). « Il y a une certaine poésie dans le fait de survoler la ville, de pouvoir voyager en ayant un œil sur ce qui se passe autour de soi. Et puis il y a aussi l’effet « cocooning », on est dans une bulle avec un sentiment de sécurité, le temps d’une pause dans et au-dessus de la ville » décrit Jean Souchal, Président du Directoire du groupe Poma. La dimension du plaisir lié à ce mode de transport éco-responsable et plus économique joue également en sa faveur.
À Toulouse, un téléphérique Sud au dessus de la Garonne
La cité rose a confirmé en décembre dernier la livraison en 2020 d’un téléphérique qui reliera l’université Paul Sabatier à l’Oncopole (Institut Universitaire de Cancer de Toulouse) en passant par le CHU Ralingue, trois pôles générateurs de déplacements dans la ville. Ce téléphérique urbain Sud sera long de 2,6 kilomètres. « Notre objectif est de concevoir une liaison entre les lignes de métro au sud de la ville pour faciliter les déplacements » souligne Jean-Michel Lattes, président du syndicat mixte des transports en commun (SMTC). Grâce au téléphérique, la durée moyenne du trajet passerait à huit minutes, contre trente par la route et quarante-cinq en transports en commun.
« Il y a aura inéluctablement du transport par câble dans les villes de demain. »
Pour le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, le « transport à câbles urbains » s’inscrit « parfaitement dans les enjeux de la transition énergétique, tant sur le plan de l’économie d’énergie que sur celui de la diminution de la pollution atmosphérique » et permet de « désenclaver des quartiers à l’accès difficile ». En région parisienne, le Téléval effectuera une liaison aérienne de 4,5 kilomètres pour désenclaver le plateau de Limeil-Brévannes en le reliant à Créteil et à la ligne 8 du métro. Le début des travaux est prévu entre 2019 et 2021. Douze autres projets de télécabines sont à l’étude dans le cadre du Grand Paris, notamment entre Boulogne et Velizy-Villacoublay dans les Yvelines ou entre Orsay et le plateau de Saclay en Essonne.
« L’avenir des villes se bâtira en troisième dimension. Le sol est saturé, on ne peut plus construire en sous-sol, la mobilité se fera dans le ciel. L’urbanisation poursuit sa croissance dans tous les pays du monde, et il y a aura inéluctablement du transport par câble dans les villes de demain » assure Jean Souchal.
À paraître le 20 avril 2017 :
Les Tramways du Ciel, Jean-Robert Mazaud, éditeur Archi-Découverte, 424 pages.