Le Welcome City Lab à Paris : innover pour être attractif !
L’incubateur dédié au tourisme, c’est son idée et c’est une première au monde ! Cet ancien directeur de cabinet de l’adjoint au tourisme à la mairie de Paris, durant le mandat de Bertrand Delanoë a eu la bonne idée de miser sur les entreprises de tourisme innovantes. C’est avec le soutien du maire de l’époque qu’il lance donc le Welcome City Lab. Depuis, de nombreux émissaires venues des métropoles du monde entier, tentent de s’inspirer de ce que Laurent Queige, le délégué général du Welcome City Lab, a initié dans la capitale : associer l’innovation et le potentiel des start-up à l’expertise des acteurs clés du tourisme pour dynamiser la métropole. Rencontre avec ce visionnaire du tourisme urbain de demain.
Pour commencer, pouvez-vous nous raconter l’histoire du Welcome City Lab ?
Il y a trois ans de plus en plus de jeunes entrepreneurs arrivaient dans le monde du tourisme sans y être pourtant destinés à la base. Plusieurs types de profils se dégageaient et j’en ai rencontré de nombreux lorsque j’étais directeur de cabinet à la délégation au tourisme de la ville de Paris. En 2003, je recevais au moins un entrepreneur par semaine. Ils me demandaient conseil ou m’appelaient au secours, car leur intégration dans le monde du tourisme était difficile. Et les choses évoluant, dans les années 2012-2013, ce n’était plus seulement un rendez-vous par semaine que je faisais de ce type, mais un rendez-vous par jour !
Le constat que je commençais à faire était le suivant : si vous n’étiez pas issu du secteur du tourisme et que vous ne connaissiez pas les codes des professionnels de ce secteur, votre idée pouvait être pertinente et pourtant vous pouviez ne pas réussir à décoller. La raison ? Personne ne vous écoutait, personne ne vous recevait et personne ne vous répondait jamais…. Ces jeunes me disaient donc qu’ils allaient arrêter leur business, changer d’orientation, ou bien partir à l’étranger, car il était trop difficile de développer ici leur entreprise. C’est à ce moment-là que je me suis convaincu qu’il fallait faire quelque chose. Et cela passait par la création d’un lieu de rencontre entre les professionnels classiques du monde du tourisme et ces jeunes créateurs d’entreprise. C’était en 2012 où j’ai découvert le monde des incubateurs.
Aujourd’hui, si je pouvais donc résumer en quelques mots le Welcome City Lab, ce serait avant tout un message positif auprès de la jeunesse : vous pouvez créer une boite, n’écoutez pas ceux qui vous disent qu’en France c’est trop compliqué, car c’est possible. Des lieux existent pour vous accompagner et d’autre part, le secteur du tourisme est un domaine d’activité économique fondamental pour Paris.
Cela fait trois ans que le Welcome City Lab existe, quel bilan tirez-vous de l’existence d’une telle structure ?
Généralement dans le monde des incubateurs, on dit qu’il faut cinq ans pour juger de l’efficacité du modèle. Mais nous avons d’ores et déjà incubé plus de soixante entreprises en trois ans, dont 90 % d’entre elles sont en activité, ont créé au total plus de 400 emplois et levé au total 25 millions d’euros auprès de fonds d’investissements.
Par ailleurs, nous avons développé de nombreuses relations entre les start-up et les grands comptes. Je peux donc dire que notre incubateur correspond à une vraie demande. Et pour finir il apparaît clairement que nous avons aujourd’hui un rôle de pédagogie dans le monde du tourisme.
En parlant de pédagogie, au-delà de ce que vous apportez aux start-up, qu’est-ce que le Welcome City Lab apporte à la ville ?
On la fait bouger ! Paris est leader sur le tourisme mondial depuis de nombreuses années et comme tout leader qui l’est depuis très longtemps il a tendance à s’endormir sur ses lauriers. Le Welcome City Lab est un stimulant pour que Paris se réinvente, s’ouvre sans cesse à de nouvelles innovations et soit convaincue que son niveau de lead n’est pas acquis éternellement, surtout si la ville n’est pas capable de se remettre en question.
On sent bien que selon vous, l’innovation permet à une ville d’être plus attractive. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Tout simplement parce qu’une ville qui innove correspond à l’état du marché, qui évolue lui, beaucoup plus rapidement que les professionnels. Souvent les professionnels du tourisme ne connaissent pas leurs clients. Ils leur servent toujours les mêmes produits et les mêmes services, sans s’interroger sur leur évolution.
Pour vous donner un exemple, si AirBNB fonctionne aussi bien à Paris, c’est notamment parce que les hôtels parisiens ne développent pas de produits qui s’orientent vers les familles avec enfants, alors que dans d’autres capitales et dans d’autres hôtels, c’est le cas, on y trouve des chambres communicantes… A Paris ce type de chambres n’existe pas dans les hôtels classiques. Que font donc les familles ? Elles s’orientent vers des locations de type appartement.
Selon vous, les villes qui réussissent sont-elles celles qui sont les plus attractives et les plus innovantes en terme de tourisme ?
Ce ne sont pas forcément les leaders qui réussissent le plus, ce sont parfois les challengers qui ont plus de « niaque ». Lyon par exemple, est un challenger. Les villes que je considère comme des challengers, ont une stratégie très dynamique et vont attirer vers elles des investisseurs, des visiteurs mais aussi des étudiants, car elles auront compris l’importance d’attirer des jeunes, qui sont un public prescripteur pour les autres générations. Les villes qui réussissent ne sont donc pas celles qui possèdent, à un instant T, toutes les qualités requises pour attirer des visiteurs. C’est un savant mélange d’atouts qu’elles possèdent déjà et d’une volonté réelle d’en avoir des supplémentaires. Il n’y a donc pas que les leaders qui réussissent, bien au contraire. Nous sommes dans un monde très mouvant, et l’héritage du passé ne fait pas de vous un leader. La capacité à vouloir vous améliorer sur tel ou tel point devient de plus en plus importante.
Pour reprendre le cas de Lyon, il y a quelques années encore, la ville n’était pas connue comme une destination touristique majeure. Et pourtant ses décideurs ont réfléchi aux moyens qu’ils devaient se donner pour répondre à cette ambition… Aujourd’hui, Lyon est devenue une destination qui compte.
Est-ce que la solution pour le développement touristique des villes serait donc pour elles de choisir une caractéristique pour laquelle elles seraient reconnues et de l’investir à fond ?
Je pense qu’il ne faut pas forcément se limiter aux clichés que l’on vous attribue. Pour vous en parler, je prendrai cette fois-ci l’exemple de Paris. Le positionnement de Paris est le suivant : une ville de musées, de patrimoine et de monuments. C’est un atout, mais Paris n’est pas que cela dans la réalité… Au Welcome City Lab, les start-up ne sont pas là pour vendre les musées et les monuments de Paris, mais au contraire pour attirer les touristes une deuxième et une troisième fois … Ce qui implique de les inciter à découvrir d’autres caractéristiques de Paris qui sortent des clichés. Je parle de la dimension contemporaine de Paris, de sa dimension créative et de sa dimension innovante.
Le Welcome City Lab est donc positionné sur l’idée d’améliorer l’image de Paris sur des aspects qui correspondent à son identité mais qui sont moins connus à l’étranger. Cela permettra à Paris d’attirer des touristes du monde entier mais sur d’autres caractéristiques que l’éternel triptyque patrimoine – musées – monuments.
Mais au-delà, aujourd’hui, Paris doit voir plus grand et, pour voir plus grand, un des enjeux majeurs politiques est de construire le Grand Paris. Les limites administratives correspondent à une période passée, celle d’Haussmann. Londres a fait le Grand Londres en 1997, Berlin fait le Grand Berlin en 1921 et Paris se limite toujours à Paris intra-muros. Au lieu de développer des positionnements qui correspondent à des réalités administratives, nous aurions bien meilleur compte à fusionner l’ensemble de ces territoires dans une seule et même dimension plus grande qui serait le grand Paris. Le territoire auquel s’adresse le Welcome City Lab n’est d’ailleurs pas Paris intra-muros, mais toute l’agglomération parisienne. Et aujourd’hui lorsque les touristes se déplacent, par le métro, cela les importe peu de savoir dans quel département ils se trouvent.
Mais il existe à Paris des partisans d’une vieille image de la capitale, qui expriment leur volonté en souhaitant coûte que coûte conserver cet aspect patrimonial de la ville. L’expression « Paris sera toujours Paris » illustre bien cette tradition. Mais aujourd’hui, pour pouvoir être toujours compétitive, Paris doit pouvoir se renouveler, et l’un des axes majeurs de ce renouvellement passe par une décision politique qui serait d’accéder enfin au Grand Paris. Même si les chiffres avancés par Londres sont faux, la capitale anglaise pourrait bientôt nous dépasser si Paris ne tend pas à se renouveler. Auparavant c’était Rome qui était dans les années 80 en première position du tourisme mondial devant Paris. Et Rome surfait sur l’image bien connue d’une « Rome éternelle… ». Puis, grâce à ses nombreuses innovations, Paris est passée devant Rome. Aujourd’hui, si Paris ne veut pas se voir dépassée, elle doit donc pouvoir se renouveler.
L’innovation ne passe-t-elle seulement que par la technologie ? Ne pensez-vous pas qu’au final, la technologie nuit quelque part à la « spontanéité » du tourisme urbain ?
Aujourd’hui, ce qui est intéressant c’est qu’il y a une diversification dans ce que l’on peut vous proposer. Il y a une vingtaine d’années, lorsque vous souhaitiez visiter une ville, vous n’aviez que l’offre des guides interprètes conférenciers qui avaient une approche académique de la ville. Cela correspondait à un certain public mais en dehors de cette offre, il n’y avait pas d’autres manières de visiter la ville.
Désormais, il y a une plus grande offre. Bubble Globe par exemple, met en relation des touristes qui ont une certaine passion, avec des habitants qui ont en commun cette même passion. Il y a également l’offre des Greeters, qui font visiter gratuitement leur quartier à des touristes, parce que l’idée de s’ouvrir aux autres cultures, aux touristes du monde entier, leur plaît. Nous avons donc énormément d’offres à apporter aux touristes. L’arrivée du numérique permet une plus grande personnalisation des produits par rapport aux besoins des clients. Et pour répondre à votre question, nous sommes moins dans une standardisation que dans une personnalisation. Car auparavant, nous avions des guides tels que Lonely Planet ou le Guide du Routard et tout le monde se retrouvait dans les mêmes sites, recommandés par ces guides. Aujourd’hui, une multitude d’acteurs vous proposent de visiter la ville différemment et cela grâce à la technologie.
Les villes ont donc une responsabilité importante dans le renouvellement du tourisme urbain, mais ne pensez-vous pas aussi que les acteurs privés classiques, comme les hôtels, n’ont pas la responsabilité de jouer le jeu, pour faire connaître ces nouveaux services à leurs clients ?
Bien entendu et certains hôtels le font déjà, mais il est clair que la majorité ne le fait pas. Et cela leur pose problème en termes d’attractivité par rapport à des acteurs qui font de la location d’appartement meublé. Car souvent, lorsque vous louez un appartement meublé, le propriétaire vous donne ses bons plans, ce qu’en général le concierge d’un hôtel n’est pas capable de faire, alors que c’est son métier ! Les hôtels doivent donc aussi évoluer dans leur propre offre pour enrichir leurs services et plus seulement donner les clés d’une chambre et dire bonne nuit. Il s’agit d’être beaucoup plus complet dans la façon de proposer des services à une clientèle pour conserver son attractivité.
Les offices de tourisme aussi doivent être capables de faire ce travail, pour donner aux touristes, les bonnes appli pour des visites. Mais les acteurs traditionnels sont encore très en retard là-dessus. Rendez-vous compte que nous sommes les premiers à avoir créé un cahier de tendances dédié à l’innovation dans le tourisme urbain. Avant le Welcome City Lab, personne n’avait eu l’idée de produire ce type d’outils essentiels pour le renouvellement de chaque secteur. Cela montre bien que les acteurs ne sont pas ouverts aux innovations et se sont un peu trop reposés toutes ces années, sur leurs lauriers.