Voyagez dans les villes de demain
Bâtiments connectés, retour de la faune urbaine, érection de fermes verticales… Le coffret DVD « Les Villes de Demain » présente une série de documentaires explorant les enjeux d’avenir de l’espace urbain. Des films précieux pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivrons bientôt.
« Un million de nouveaux citadins dans le monde chaque semaine. À ce rythme, 70% des êtres humains seront urbains en 2050 ». Comment se préparer à vivre dans un monde toujours plus urbain ? Faudra-t-il ériger des centaines de fermes verticales pour nourrir les citadins ? Comment réussir cette urbanisation sans pour autant appauvrir les ressources de la planète ? Pour répondre à ces interrogations légitimes, Docside Productions et Arte présentent le 20 octobre un coffret DVD* qui devrait ravir les amateurs d’urbanisme et d’écologie urbaine. L’objet contient deux séries de documentaires, articulés chacun autour d’une thématique. Le premier, Naturopolis, s’intéresse au mouvement mondial à l’œuvre pour ramener la nature en ville, en s’attachant aux cas de Paris, New York, Tokyo et Rio. Derrière le verre et le béton, ces « villes mondes » regorgent de biodiversité, et de nombreuses initiatives locales permettent de protéger la faune et la flore. La série « Les villes du futur », quant à elle, s’attarde sur les enjeux des « villes intelligente » (smart cities), des villes nouvelles et des fermes verticales, donnant la parole à des acteurs clés de l’architecture durable comme Michael Sorkin ou Dickson Despommier.
Des catastrophes en forme d’électrochocs
Souvent, la prise de conscience environnementale des grandes villes est la conséquence d’une catastrophe naturelle coûteuse sur le plan humain et écologique. Ce constat vaut par exemple pour La Nouvelle-Orléans (ouragan Katrina, 2005) et New York (tempête Sandy, 2012), mais aussi pour la ville de Rio, au Brésil, où des inondations ont causé la mort de plus de 800 habitants des favelas en 2011. Quant à Paris, c’est suite à la canicule de 2003 que la ville a pris conscience que l’air de la capitale était en partie irrespirable notamment parce que la ville manquait de rues arborées.
Grâce à la synergie mise en place entre architectes, urbanistes, écologues et citoyens préoccupés par le « mieux vivre », des solutions ont été pensées pour anticiper ce genre de catastrophes et réduire le nombre de victimes et les dégâts potentiels. « La ville s’est retournée contre la nature », raconte le documentaire. La série Naturopolis permet ainsi de découvrir, d’un continent à l’autre, tous ces signes encourageants qui participent à la création d’un paradigme réconciliant enfin la nature avec la civilisation urbaine.
Trésors de la nature
L’exemple le plus éloquent de ce nouveau paradigme à l’œuvre est celui des animaux emblématiques de certaines villes, qui reviennent dans leur milieu urbain après l’avoir longtemps déserté. À New York, le coyote de Gotham traîne de nouveau du côté du Bronx. À Rio, les caïmans et les capybaras, des gros rongeurs, réinvestissent certains quartiers. À Tokyo, décrite comme une « ville amibe, toujours détruite, toujours reconstruite », les tanuki, de drôles de petits ratons-laveurs, vivent en plein cœur de la ville, dans le parc Meiji. Ces animaux porte-bonheur sont le signe d’un écosystème de plus en plus sain dans la capitale nippone. Ainsi, si la baie de Tokyo « a été sacrifiée sur l’autel de la croissance », les citoyens sont bien déterminés à sauvegarder la forêt de Samaya, devenue un véritable enjeu de conservation. Le documentaire soulève aussi la question du satoyama, un terme qui désigne la campagne japonaise « gracieuse », mais aussi et surtout les liens qui unissent l’homme à celle-ci. Le satoyama implique « une gestion intelligente des trésors de la nature ». Les autorités s’imprègnent de cette philosophie pour définir la politique urbanistique de la ville et faire face aux défis qui se posent à Tokyo, mégapole de plus de 20 millions d’habitants. Ce modèle de savoir-faire japonais pourra-t-il faire des émules et s’exporter demain ailleurs dans le monde ?
Big Data et Big Brother
La série consacrée aux « villes du futur » met aussi en lumière les limites intrinsèques à certains projets de villes nouvelles comme Songdo, en Corée du Sud, Tianjin Eco-City, en Chine, ou encore King Abdullah Economic City, en Arabie Saoudite. La construction de cette dernière, entièrement privatisée, devrait s’achever en 2035 avec un budget de 100 milliards de dollars. Un bon exemple de ces « villes vendues en kit ». Dans ces villes ubiquitaires et ultraconnectées, certains habitants avouent sacrifier leur intimité au nom de la sécurité. À Songdo et Tianjin, un ordinateur central gère toutes les données pour obtenir des informations sur le trafic, la météo ou la criminalité. « Il faut construire les villes en 8 ou 10 ans, un modèle reproductible est nécessaire. Cela ne signifie pas que les villes se ressembleront, mais les principes seront similaires » rappelle un ingénieur de chez Cisco pour évoquer la construction de villes nouvelles au Yémen, en Équateur ou au Vietnam. Mais « peuvent-elles être autre chose que des vitrines technologiques ? », interroge le documentaire. Et que se passerait-t-il en cas de panne pour ces villes 100% connectées ? Pour Daniel Kaplan, cofondateur de la Fondation Internet Nouvelle Génération, ces villes sans âme s’apparentent à « des enclaves pour des personnes aisées, dont le côté homogène pourrait s’avérer dangereux. » Les fermes verticales et les villes intelligentes, avec les perspectives d’autosuffisance alimentaires et les économies d’énergie qu’elles promettent, pourraient rapidement ringardiser ces villes nouvelles un peu trop aseptisées.
* Le coffret DVD est disponible sur http://www.amazon.fr/Coffret-Villes-Demain-Naturopolis-villes/dp/B00ZUX0O9O/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1441963311&sr=8-1&keywords=Les+villes+de+demain