Voiture autonome : que le chemin est long du projet à la chose !

Véhicule autonome et ville de demain Nextdoor demain la ville mobilité
17 Jan 2017

Cela n’a pas pu vous échapper : la voiture autonome est sur toutes les lèvres depuis quelques années, et 2016 aura clairement marqué un tournant sur le sujet. L’année aura en effet été marquée par de nombreuses annonces et expérimentations, qui auront permis à la voiture sans conducteur de passer un cap… sur le papier du moins. Car dans la pratique, l’heure est encore aux tâtonnements, comme l’ont maintes fois rappelé les intervenants des tables rondes qui se sont tenues dans les locaux de Nextdoor, à Issy-les-Moulineaux le 14 décembre dernier, en partenariat avec Widoobiz. « Véhicule autonome et ville de demain : technologie, business et société, quels enjeux ? », tel était le thème de ces deux débats qui ont animé la soirée devant un public éclairé, et dont vous pourrez visionner l’intégralité ci-dessous.

La voiture autonome en questions

Durant près de deux heures, les intervenants se sont donc donné le change pour partager avec le public l’état de leurs analyses sur l’émergence tant attendue de la voiture autonome. De ces échanges, il ressort d’abord le constat d’un certain consensus, malgré la diversité des acteurs présents issus d’activités variées : constructeurs automobiles bien sûr, mais aussi assureurs, chercheurs, ingénieurs, et même collectivités, ici représentées par Issy-les-Moulineaux. Ce consensus général porte plus précisément sur l’ampleur des défis qui attendent l’automobile autonome, et la nécessité de « redescendre sur terre » face aux promesses exagérées que l’on peut lire dans la presse généraliste et les communiqués laudatifs.

En guise d’introduction, l’économiste et spécialiste des transitions numériques Olivier Babeau posait sur la table les trois grandes questions qui se posent quant à l’avenir de la voiture autonome, trois inconnues que l’on pourrait résumer ainsi :

  • d’abord, la « difficulté de la prévision » dans un monde toujours plus incertain, accélérée par le numérique ;
  • ensuite, la question de l’écosystème final dans lequel s’inscrira la voiture autonome : sur quels modèles économiques, quels modèles de gouvernances, et avec quels acteurs ?
  • enfin, bien sûr, la question de la phase de transition, durant laquelle devront coexister un petit nombre de véhicules autonomes et de nombreuses voitures avec chauffeurs humains. Comment faire cohabiter ces deux modes en toute sérénité ?
Véhicule autonome et ville de demain Nextdoor demain la ville mobilité

« Véhicule autonome et ville de demain : technologie, business et société, quels enjeux ? » © Nextdoor

La sécurité, pilier de l’adoption par l’usager

La question de la transition semble d’ailleurs la plus cruciale, notamment pour les assureurs qui devront gérer un taux d’accidentologie encore très difficile à anticiper. Pour autant, de tous temps les assureurs ont dû et su s’adapter aux évolutions technologiques des véhicules, comme le rappelait Edouard Binet, Head of SMC, Head of R&D and Innovation chez Allianz. Il existe d’ailleurs déjà des systèmes autonomes dans les véhicules (régulateurs de vitesse, aide au freinage, etc.) ; ceux-ci « changent le profil de risque : on a un tiers d’accidents graves en moins, mais ces accidents coûtent plus chers car il s’agit de matériels coûteux à remplacer ». De fait, la voiture autonome devrait vraisemblablement s’inscrire dans cette tendance…

Autre problématique de choix, corollaire à celle-ci : celle de la recherche de responsabilités après accident, qui dépendra notamment de la capacité d’accès aux données voire même aux algorithmes. Sur le sujet, conclut Edouard Binet, Head of SMC, Head of R&D and Innovation chez Allianz, les choix que feront les constructeurs et les autres acteurs du secteur seront vraiment déterminants… Évidemment, le nœud du problème tient surtout dans l’adoption des usagers de ces technologies, qui font encore peur à certaines personnes. Deux-tiers des usagers interrogés sont encore réticents à monter dans une voiture autonome, soulignait ainsi Jean-Michel Normand, journaliste au Monde et animateur des débats. Comment prendre en compte cette dimension psychologique ?

 

Innovation : il est temps de laisser du temps au temps

De fait, de nombreuses réponses aux inconnues évoquées plus haut dépendront in fine de choix effectués dans les années à venir, et pour lesquels rien n’est encore arrêté aujourd’hui. Comme le rappelle Vincent Abadie, responsable innovations et technologies avancées au sein du Groupe PSA : « Tout le monde en est au même point : l’aspect technologique loin d’être résolu. » Il existe en effet de nombreux problèmes liés aux différents environnements que traverse une voiture, que ce soit en milieu urbain (avec de nombreux usagers vulnérables aux comportements difficiles à modéliser) ou hors des villes (problématiques liés à la végétation, par exemple).

De fait, il faut laisser le temps nécessaire pour innover, ou comme le dit Vincent Abadie : « Il faut démystifier vraiment ce qu’on lit dans la presse ». On a en effet tendance à oublier que toutes les expérimentations actuelles, qu’il s’agisse de Google, Uber ou des constructeurs plus classiques, se font toutes avec un conducteur derrière le volant. « Il existe encore beaucoup de difficultés techniques, qui ne sont pas insolubles, mais il faut rester serein sur le timing. »

voiture autonome nextdoor mobilite douce demain la ville

« Véhicule autonome et ville de demain : technologie, business et société, quels enjeux ? » © Nextdoor

Quelles adaptations pour la ville ?

Mais l’on aurait tort de penser que ce tableau effraie les acteurs présents. Au contraire, la motivation est double pour permettre à la voiture autonome d’arriver à bon port – et si possible en accord avec les réalités urbaines dans lesquelles elle sera amenée à vivre. La parole est donc à Eric Legale, directeur d’Issy Media, la société d’économie mixte en charge des technologies à Issy. Celui-ci commence par une anecdote historique, qui fait écho à la difficulté d’anticiper les innovations qu’évoquait Olivier Babeau en introduction : en 1908, Henri Farman effectuait le premier vol aérien en circuit fermé, au-dessus du terrain d’Issy-les-Moulineaux ; dix ans plus tard, en 1918, la guerre se terminait avec déjà des combats aériens ! C’est dire la vitesse de mutation des usages une fois arrivés à maturité…

La voiture autonome connaîtra-t-elle le même sort ? A défaut d’avoir droit à des combats d’automobile, une collectivité doit être capable d’anticiper ces innovations pour les accueillir en son sein le plus efficacement possible. Dans le cas d’Issy, et de l’Île-de-France en général, le Grand Paris Express arrive d’ailleurs à point nommé pour penser les usages potentiels d’une voiture plus intelligente. En effet, « la construction de 68 nouvelles gares aura forcément un impact sur la manière dont on va se déplacer en région, et cela n’a pas été suffisamment pris en compte aujourd’hui. C’est toute la métropole parisienne qui va bouger », alors autant tenter d’en profiter pour intégrer de nouveaux modes… et de nouvelles pratiques plus vertueuses.

 

L’ère des partages comme horizon

Plus électrique, mais aussi plus partageable, tel est en effet le crédo partagé par de nombreux intervenants lors de ces deux tables rondes. Didier Marginedes, vice-président de Blue Solutions au sein du Groupe Bolloré et représentant notamment la voiture en partage avec Autolib’, aura ainsi chahuté les constructeurs sur leur propre terrain… Car, à l’évidence, on n’améliorera pas la situation des mobilités urbaines en se contentant de plaquer les usages actuels de l’automobile (un plaidoyer que l’on partage à 200 %). L’idée serait ainsi d’orienter les usages de la voiture autonome vers les partages, de voyageurs bien sûr (en favorisant l’autopartage ou le covoiturage à la demande, par exemple), mais aussi de ressources énergétiques.

En effet, comme le soulignait Emmanuel François, président du think tank Smart Building Alliance for Smart Cities, la voiture autonome sera très vraisemblablement électrique. Or, si la batterie contribue à alimenter la voiture, elle pourrait aussi « potentiellement alimenter un domicile ou un bâtiment. » De nombreux acteurs planchent sur la question, qui soulève évidemment de multiples problématiques techniques mais qui ouvrirait la voie à de très réjouissants horizons. En filigrane, et le terme a été plusieurs fois évoqué lors de ces deux tables rondes, la voiture autonome pourrait donner corps à l’un des graals urbains de notre ère connectée : une ville véritablement écosystémique, notamment sur le plan énergétique, avec une circulation des ressources produites et consommées localement…

 

Le chemin est long, certes, mais…

Mais pour cela, il faudra d’abord répondre aux (très) nombreuses inconnues que soulève cette innovation protéiforme, qui implique un nombre faramineux d’acteurs aux compétences diverses. Si le sujet est évidemment complexe, il n’est pas pour autant insurmontable. C’est du moins la teneur de ces deux heures d’échange sans tabous, très succinctement résumés ci-dessus, mais qui mériteraient une écoute attentive pour toutes celles et ceux intéressés par le sujet. Le chemin est long, certes, mais le projet est réjouissant : voilà qui devrait animer de nombreux autres débats dans les années à venir.

 

 

{pop-up} urbain
+ 304 autres articles

Articles sur le même thème

Réagissez sur le sujet

Les Champs obligatoires sont indiqués avec *

 


Connexion
Inscription
  • Vous avez déjà un compte identifiez-vous
  • Mot de passe oublié ?
  • Vous n'avez pas de compte, créez le ici
  • * Champs obligatoires
  • Max 200ko / Min 100x100px
    choisir