VoisinMalin mise sur l’empowerment pour dynamiser les quartiers populaires grâce à leurs habitants

1 Avr 2021 | Lecture 4 min

Interview avec Anne CHARPY, fondatrice de l’association VoisinMalin, qui remobilise les habitants des quartiers populaires dans les projets et dans la vie de leur quartier. Une manière d’insuffler un dynamisme nouveau et de créer de la valeur sociale autour de la solidarité et des compétences de chacun.

Anne CHARPY développe des projets de dynamisation des quartiers populaires depuis 25 ans. Au Chili d’abord, puis en France, dans les banlieues de Lyon, et enfin en Île-de-France, dans l’Essonne. En 2011, c’est là, à Evry, qu’elle crée l’association VoisinMalin qui est aujourd’hui présente dans plus de 18 villes, et dont le concept commence à essaimer à l’international.

Un concept qui permet aux habitants des quartiers populaires de se remobiliser autour de leurs quartiers et de leurs proches.

Demain la ville : Anne Charpy, quelle a été la genèse de VoisinMalin ?

Anne CHARPY : La genèse, c’est le constat qu’aujourd’hui, on peine à mobiliser et capter l’énergie et l’envie de contribuer des gens. En particulier dans les quartiers populaires, où l’accès aux services est souvent dégradé. Donc il faut inventer quelque chose qui parte des gens. C’est cette volonté qui est la base du projet, et qui trouve ses racines dans ce que j’ai pu voir, notamment au Chili.

Avec les Voisins Malins, on accompagne des habitants de quartiers populaires à s’engager pour leur quartier, mais aussi à créer du lien entre eux et avec les services locaux, à les mobiliser sur des sujets essentiels pour eux.

Qui sont les Voisins Malins ?

Les Voisins Malins, ce sont des habitants du quartier : des étudiants, des mères de familles, des actifs, des retraités. Cette mixité de profils et de cultures est essentielle à notre modèle. Au total, sur toutes nos équipes de Voisins Malins, nous avons d’ailleurs 36 langues qui sont parlées.

Leur rôle c’est d’effectuer des missions de porte-à-porte, de rencontrer tous les habitants d’une résidence ou d’un quartier, sur un sujet préparé qui peut-être, par exemple de mobiliser les habitants à une réunion publique pour lancer un projet, les informer sur leurs droits à bénéficier de certains services, de s’emparer de problématiques qui les touchent personnellement.

À noter que les Voisins Malins ne sont pas des bénévoles, ce sont des personnes qui sont engagées en CDI, socle indispensable pour recréer un minimum de sécurité, pour un engagement réciproque et une reconnaissance de la valeur de leur apport. Ils travaillent une vingtaine d’heures par mois environ. Ils sont placés sous la responsabilité d’un responsable local.

“L’idée c’est de rapprocher la décision des territoires. VoisinMalin, c’est l’empowerment des gens dans les quartiers populaires”

Quel est le rôle du responsable local ?

Il est le principal interlocuteur des acteurs locaux avec qui nous collaborons : la mairie, les bailleurs sociaux, les syndicats de copropriétés, pôle emploi, la poste, les régies de l’eau, etc. Il est aussi en lien avec tout le tissu associatif local, les équipements de proximité, les petits commerces, les gardiens d’immeubles et autres.

En fait, lorsque nous nous implantons dans un quartier, nous commençons par rencontrer tous les acteurs afin de comprendre les dynamiques du quartier, son histoire, ses ressources, ses difficultés. C’est de cette manière que le projet que nous allons mettre en place avec nos Voisins Malins devient un facilitateur de ce qui se fait déjà, et pas une menace pour d’autres acteurs.

Donc, le premier rôle du responsable local, c’est l’ancrage dans le quartier. Son second rôle, c’est de comprendre les projets portés par les acteurs de l’habitat pour essayer d’identifier en quoi ces projets peuvent impacter les habitants. Son troisième rôle, c’est de recruter les Voisins Malins, de les former, de les accompagner et de leur permettre d’apporter leur vision et leur intelligence au service de la vie du quartier.

crédits : VoisinMalin

Crédits : VoisinMalin

L’association existe depuis 10 ans. Vous êtes présents désormais dans 18 villes, en île-de-France, dans certaines grandes villes françaises. Quels sont vos objectifs désormais ?

Nous sommes en effet dans une période de bascule. En 10 ans, nous avons créé une organisation qui rapproche les décisions des territoires, nous avons fait monter en responsabilité des managers locaux qui deviennent des directeurs de pôles territoriaux. Cette notion de création d’emploi et de développement économique qui bénéficie directement aux habitants des quartiers, est un cap pour la décennie qui s’ouvre.

L’idée, c’est aussi de consolider nos partenariats territoriaux structurants et d’approfondir notre rôle dans les quartiers où nous sommes présents depuis un certain temps. Un axe pour cela, c’est notamment de développer des initiatives mises en place pendant le confinement de 2020.

Cette période nous a demandé une adaptation car le porte-à-porte n’était plus possible. Nous avons donc mis en place des initiatives en pied d’immeubles et des campagnes téléphoniques. Notre présence en pied d’immeuble, notamment, est un axe sur lequel nous souhaitons travailler car c’est une première approche pour sensibiliser les habitants du quartier à notre existence.

On a commencé aussi à essaimer en infusant notre activité à d’autres partenaires. Nous le faisons par exemple avec Territoires Zéro Chômeur, une association adossée à la mairie de Paris, qu’on accompagne pour qu’au sein de leur organisation, ils arrivent à greffer notre démarche.

“Les habitants ont envie et sont capables de porter des initiatives pour leurs quartiers, il faut apporter une organisation et un état d’esprit qui leur permette de jouer leur rôle”

Comment évaluez-vous votre impact dans les quartiers où vous êtes présents ?

Nous avons trois cibles sur lesquelles nous mesurons notre impact: les habitants, les voisins malins et les acteurs locaux.

Auprès des habitants qu’on voit en porte à porte, nous avons deux indicateurs. D’abord, l’accès à l’information. À la fin de chaque mission, les voisins malins demandent aux habitants s’ils ont appris quelque chose de nouveau. Et là, sur 12 000 à 15 000 visites en porte à porte chaque année, nous avons 80% des personnes interrogées qui disent avoir appris quelque chose de nouveau. Le deuxième indicateur que nous mesurons auprès des habitants concerne leur intention de modifier leur quotidien, suite à ce qu’ils ont appris. Et là, 65% des gens disent qu’ils vont changer quelque chose.

Pour les voisins malins, qui sont les premiers acteurs du projet, nous regardons trois éléments : le développement de la confiance en soi, parce qu’ils voient l’utilité qu’ils ont auprès des habitants mais aussi des partenaires et interlocuteurs. Nous mesurons également l’amélioration de leurs compétences grâce aux sujets sur lesquels ils sont formés et aux missions qu’ils traitent. La troisième dimension que nous regardons, c’est la manière dont VoisinMalin pourrait être un tremplin pour leur activité professionnelle.

Enfin, auprès des acteurs locaux, qui sont nos commanditaires, ce qui est intéressant, c’est de comprendre pourquoi les services ne fonctionnent pas, pourquoi les équipements sont dégradés ou pas adaptés. Il y a aussi la confiance entre leurs personnels et les usagers qui est importante et que nous regardons.

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