Vivre dans une éolienne
L’intégration, discrète et toujours plus efficiente, d’éoliennes en milieu urbain pourrait apporter son grain de sel au mix énergétique de demain… et booste déjà la créativité des architectes.
A la question « Tu as combien de mètres carrés ? », une autre interrogation pourrait bientôt pimenter les conversations immobilières entre amis : « Et toi, quelle est la taille de ton rotor ? ». En effet, si l’homme ne projette pas (encore) de nicher dans des hélicoptères F5 en duplex avec cuisine équipée, l’éolien urbain est une piste séduisante dans l’apport d’énergie verte. Et chaque bâtiment pourrait bien transformer le souffle d’Eole en courant alternatif.
Mais pour coloniser les toits ou les recoins des immeubles, les turbines doivent être judicieusement placées et technologiquement au point. Au dessous de 5m/s, peu d’espoir de générer assez de courant. Les dernières formes de pales hélicoïdales, en zones pavillonnaires ou perchées à haute altitude, donnent des résultats surprenants. Et plus encore quand l’architecture elle-même s’adapte et pense l’éolien. Les physiciens appellent ça l’ « effet Venturi », ou comment le vent décuple sa force lorsqu’il trace son chemin dans les entonnoirs et couloirs ayant pour parois les façades des immeubles ou des tours. Le futur centre-ville de Doha, attendu pour la coupe du Monde 2022, devrait répondre à ces contraintes, à la fois pour stocker le vent du large en électricité, mais aussi pour rafraîchir, de façon naturelle, les rues étouffantes de la capitale qatarie.
Ainsi, au-delà du matériau (efficace, silencieux), la connaissance des vents joue directement dans l’utilité de l’éolien urbain, décisif pour favoriser le développement des bâtiments à énergie positive, mais aussi des voitures électriques, qui pourraient utiliser l’énergie ainsi stockée nuitamment pour démarrer, batterie pleine, dès l’aurore.
Lampadaires hybrides
Si l’éolien urbain est en test sur de nombreux bâtiments, en particulier à Narbonne – où le laboratoire Sepen analyse les performances des aérogénérateurs de moins de 10 KW – les hélices envahissent aussi, en douceur, les équipements urbains. Un enjeu de taille, puisque pas moins d’un tiers des coûts électriques d’une ville concernent, en moyenne, l’éclairage des rues. Ainsi, Busan, en Corée du Sud, a placé des lampadaires hybrides (solaire + éolien) dans différents lieux stratégiques de l’agglomération.
À mesure que la technologie avance, c’est le design même des rotors qui évolue. On est de plus en plus loin des éoliennes, blanches et sans âme, qui parsèment les campagnes classiques. Désormais, ça virevolte, c’est sensuel. Comme un musée d’art contemporain qui aurait semé ses œuvres sur les toits.
Ce futur apprivoisé est assez loin, finalement, des turbines géantes habitées, présentées en 2010 dans l’étonnant projet « Turbinby ». L’idée était alors de créer une ville sur l’eau, au large de la Norvège, composée de grosses éoliennes perchées sur une sorte de bulbe habitable, un peu comme les maisons des Schtroumpfs. Mais le projet a fait plouf. C’est donc l’éolienne qui vient à la ville plutôt que le contraire : au lieu d’avoir la sensation d’être des gardiens de phare isolés, les citoyens seront directement connectés au réseau dénergie et à la communauté.
Comme un pied de nez au futurisme giga, le meilleur exemple d’éolienne intégrée à la ville nous vient peut-être d’Italie. Pas sur un gratte-ciel, ni dans une banlieue modernisante. Non : à Imperia (Ligurie), c’est dans le campanile de la mairie, érigé en 1923, que la turbine est nichée. Pour les 150 ans de l’unité italienne, un drapeau vert-blanc-rouge composé de lampes LED a scintillé, uniquement nourri par l’énergie éolienne. Une première mondiale qui appelle un futur de turbines élégantes ou masqués, au rendement optimal. Rendez-vous dans 150 ans pour voir si le vent d’Italie a semé ses graines.
Seriez-vous prêt à imaginer des éoliennes dissimulées au sein même de monuments historiques,
comme dans le clocher de la mairie d’Imperia ?
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