Visite de foyers hanoiens : la frugalité de l’intérieur

3 Fév 2015

Il est aujourd’hui peu réaliste de tenter de décrire un foyer-type hanoien. Les écarts de richesses s’étant creusés avec l’ouverture du pays à la fin des années 1980, il existe autant de types de foyers que de niveaux d’aisance. En particulier, les appartements dans les « condos » de luxes qui sortent de terre en périphérie de la ville n’ont plus grand chose à voir avec les structures traditionnelles. Cela étant dit, la dizaine de foyers dans lesquels j’ai pu résider ou être invité au cours de mon séjour dans la capitale vietnamienne possédaient souvent des similarités fortes. Du salon à la chambre en passant par la salle de bain, chaque pièce illustre souvent un mode de vie moins consommateur de ressources que le nôtre.

Entrée et pièces communes : un espace propre et un ameublement minimal

Comme partout ailleurs en Asie du Sud-Est, les chaussures restent systématiquement à l’entrée de la maison où l’on se déplace pieds nus, ce qui réduit significativement la saleté. Un paradoxe cependant assez cocasse : les premiers mètres carrés de la pièce de vie dans laquelle on entre directement sont bien souvent occupés par une ou plusieurs mobylettes. Les traces de pneus sont méthodiquement effacés juste après l’entrée du véhicule.

On entre souvent directement dans le salon, ou plutôt la pièce à vivre qui, à part dans les foyers les plus pauvres, possède constamment, bien en évidence, une télévision, très fréquemment allumée. Pour cela les différences avec les foyers européens ne sont pas bien grandes. En revanche c’est à peu de choses près le seul meuble même chez les foyers ayant des revenus convenables. Pas de bibliothèque ou d’étagères à bibelots, un canapé et une table basse tout au plus, très peu de luminaires. Sans être ascétique, l’ameublement est particulièrement épuré. On retrouve toutefois une constante : le foyer des ancêtres, autel situé sur une étagère que l’on honore au début et au milieu du mois lunaire. Un calendrier précisant les jours dans le calendrier grégorien et lunaire est d’ailleurs très souvent accroché au mur.

L’ameublement épuré est permis par un mode d’alimentation que l’on pourrait qualifier de « portatif ». On déjeune souvent sur une grande natte accueillant les convives et les plats, ou sur une table basse. Comme toute la découpe des aliments a été réalisée lors de la préparation et que l’on tient son bol en main cela ne pose aucun souci. Les couteaux restent sur la paillasse de la cuisine. Les trois éléments de couverts du repas à Hanoi sont : bol à la taille de la main, baguettes et cuillère.

A la cuisine une conservation optimisée

Entre deux repas, les aliments sont conservés sous une cloche grillagée en fer ou en plastique. Crédits : Clément Pairot

Entre deux repas, les aliments sont conservés sous une cloche grillagée en fer ou en plastique. Crédits : Kunal Drego

La cuisine est attenante, très souvent ouverte directement sur le salon. Absolument tous les foyers visités, même les plus pauvres, sont équipés de l’élément central de la cuisine ici : un rice-cooker. Il est parfois même le seul élément de cuisine. La présence du riz à tous les repas permet de limiter la consommation de viande qui vient en accompagnement dans des portions réduites comparées aux habitudes occidentales.

Outre l’alimentation c’est la conservation qui peut étonner. Les réfrigérateurs sont souvent petits, parfois inexistants, car les courses se font le jour-même ou la veille et le réflexe n’est de mettre au frais que les aliments qui en ont vraiment besoin. En effet, les accompagnements (viandes cuites, légumes fris ou bouillis) sont présentés dans des bols resservis d’un repas sur l’autre jusqu’à ce qu’ils soient finis. Entre deux, ils sont conservés sur la paillasse sous une cloche grillagée en plastique qui sert de garde-manger et protège les aliments des mouches. Ce mode de fonctionnement illustre un rapport probablement plus sain à la nourriture, peut-être plus conscient. Dans un foyer européen, le réflexe est souvent de tout mettre au frais, fruits, légumes, oeufs, probablement car nous avons en partie oublié quels aliments devaient l’être et quels autres pouvaient en être dispensés.

La salle d’eau : espace réduit et utilisation optimale

Exemple typique d'une salle de bain à Hanoi. Crédits : Clément Pairot

Exemple typique d’une salle de bain à Hanoi. Crédits : Kunal Drego

La salle de bain est un espace surprenant. La douche est la salle de bain, ou bien l’inverse, on ne sait pas trop. Le pommeau est accroché au mur, une évacuation se trouve directement dans le sol, et l’entrée de la salle d’eau est dotée d’un petit ressaut de quelques centimètres pour éviter l’inondation.

Du fait de cette absence de séparation, l’espace peut se permettre d’être bien plus réduit. Lavabo, douche et toilettes étant bien souvent alignés dans trois mètres carrés. Cette situation n’est a priori pas du goût des occidentaux chez qui la séparation toilettes et douche est souvent un signe de plus haut standing. Et pourtant… alors que l’on est ici loin de l’application d’une quelconque « norme handicapés », il est amusant de réaliser que le siège des toilettes souvent situé à côté de la douche offre une disposition optimale pour les personnes ne pouvant pas assurer la station debout.

Le sol de la salle de bain est donc souvent mouillé, rien de grave puisque l’on se déplace pieds nus dans la maison. Par ailleurs, si l’on veut éviter de se mouiller les pieds on trouve à l’entrée une paire de claquettes en plastique que l’on revêt pour entrer dans la salle d’eau.

Une chambre non-climatisée malgré la chaleur

Enfin, la chambre est encore très rarement climatisée dans les foyers des classes moyennes ou modestes, et ce malgré une chaleur très importante en été. Un ventilateur souvent placé au pied du lit, à l’intérieur même de la moustiquaire qui surplombe le lit, suffit à rafraîchir l’air autour du dormeur.

Le lit est d’ailleurs parfois sur pied mais très rarement équipé d’un matelas. Une simple natte est déroulée sur le sommier ou au sol. Celle-ci, composée de lamelles ou de petits carrés de bambou offre une couche plus fraîche qu’un matelas puisque permettant une meilleure circulation de l’air.

Il ne s’agit pas d’idéaliser le mode de vie des hanoiens qui n’est pas exempt de défauts. L’un des plus évidents concerne le rapport aux emballages plastiques qui sont généralisés et souvent jetés en pleine rue ou en pleine nature faute d’un système de collecte et de traitement de déchets clair. Toutefois, il est intéressant de remarquer à quel point modes de vie et habitats entretiennent des relations étroites. Ici, en l’occurrence, un comportement moins consommateur de ressources s’appuie sur un habitat conçu à l’économie.

Epicurban
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lafrite
4 février 2015

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