Villes en transition : préparer l’après pétrole (2/2)

26 Nov 2013

Huit ans après sa création, le réseau des « villes en transition » est devenu un mouvement d’ampleur internationale. Son ambition : préparer la civilisation de l’après pétrole, en incitant les communautés urbaines à limiter au maximum leur impact énergétique. Mais la résilience prônée par les « villes en transition » est-elle transposable à l’échelle des grandes métropoles ?

Située dans la province du Devon, en Angleterre, Totnes est devenue en 2006 la première « ville en transition ».
© Manfred Heyde / Wikimedia

Le bilan des « villes en transition »

Aujourd’hui, plus de 460 métropoles (dans une quarantaine de pays) ont intégré le réseau des « villes en transition » et plus d’un millier de projets ont été initiés dans ce cadre. Pas mal pour un mouvement né il y a seulement huit ans, à l’initiative d’un professeur de permaculture britannique alors inconnu au bataillon. Berceau du mouvement, la petite ville anglaise de Totnes peut se targuer d’un bilan positif. Aujourd’hui, 33% des habitants sont directement impliqués dans des initiatives citoyennes de transition, qu’il s’agisse du lancement de la « Totnes Pound », une monnaie locale permettant de payer dans les petits commerces locaux, de la plantation de plus de 300 arbres, ou de l’installation de deux éoliennes sur les hauteurs de la ville. Mais Rob Hopkins, le fondateur, compte aller encore plus loin. D’après ses calculs, les habitants de Totnes dépensent chaque année 32 millions de livres en nourriture, dont 25 millions dans les deux grands supermarchés de la ville. Une proportion trop importante à son goût. Il entend bien faire en sorte qu’une plus grande part de cet argent soit dépensée dans des commerces de proximité, afin de renforcer l’économie locale. D’autres villes anglaises suivent l’exemple de Totnes. C’est le cas notamment de Brixton, où un groupe de citoyens engagés dans une démarche de transition a fait installer des panneaux solaires d’une puissance de 82kW sur le toit d’un bâtiment administratif.

En France, une soixantaine de territoires se sont déclarés « en transition », mais deux villes seulement ont officiellement intégré le réseau : Saint-Quentin-en-Yvelines, où l’association Regain Nature organise notamment des ateliers de jardinage bio pour préparer la transition et Trièves, dans l’Isère. Petit à petit, le mouvement progresse en termes de notoriété et d’influence, malgré le foisonnement d’initiatives écologiques citoyennes et associatives potentiellement rivales (jardins de Cocagne, mouvement des « villes lentes », etc.).

Quelles perspectives d’avenir ?

Le grand mérite du mouvement des « villes en transition » est d’expérimenter une nouvelle approche de l’écologie en milieu urbain. Rob Hopkins, son fondateur, ne prétend pas que la solution à la crise énergétique passe forcément par une réponse nationale, voire systémique, ou bien qu’elle ne dépend, au contraire que des comportements individuels. Il a plutôt choisi d’explorer le terrain d’action qui se trouve justement entre ces deux échelles, celui de la communauté locale. Un choix pertinent, qui a démontré son efficacité dans la mise en oeuvre de projets concrets et devrait permettre au mouvement de continuer de recruter dans les années qui viennent.
L’autre mérite des « villes en transition » est de prôner la relocalisation de la production alimentaire et énergétique sans appeler pour autant les citoyens à quitter la ville, là où nombre de mouvements écologistes ne voient le salut que dans un nécessaire « retour à la terre ». L’espace urbain n’est pas perçu par Rob Hopkins et ses ouailles comme un enfer capitaliste concentrant tous les vices de notre société énergivore, mais plutôt comme un laboratoire, un champ d’expérimentations et d’apprentissage pour inventer une approche résolument plus sobre de la vie urbaine.
Problème : ce nouveau mode de vie risque fort de ressembler à celui qu’on connu nos arrière-arrière-arrière-grand-parents… En effet, le modèle de société auquel se réfèrent les « villes en transition » est celui « d’avant l’ère du pétrole » ! À la question : « la ville en transition est-elle le modèle de la ville du futur ? », on est donc tenté de répondre non. D’autant que les fondements philosophiques du mouvement l’inscrivent tout de même dans une conception plutôt « hard » de l’écologie. Considérant que le pic pétrolier est déjà derrière nous et que nous sommes condamnés à vivre bientôt dans un monde où l’énergie sera rare et chère, le mouvement prône ouvertement une « émancipation sous contrainte ». Un terme pour le moins paradoxal et inquiétant. Une poignée d’acteurs du mouvement voient même d’un bon oeil l’instauration d’un système de « rationnement carbone » sous la forme de quotas individuels indépassables… Prôner la résilience est une chose. Mais exiger des membres des différentes communautés « l’adhésion positive et sans réserve à la descente énergétique en tant que réalité inévitable mais aussi souhaitable » – comme on peut le lire sur le site francophone du mouvement (villesentransition.net) – c’est une autre affaire. Pas sûr que ce genre de perspective séduise les foules, surtout dans les grandes métropoles où les citoyens prêts à renoncer à un certain niveau de confort matériel sont plutôt rares.

Doit-on se préparer dès aujourd’hui à vivre dans les conditions d’un monde sans pétrole ?

Lire la première partie de de notre article : quel avenir pour les « villes en transition » ?

À lire :

– Génération végétale, d’Elsa Bastien, Aurélie Darbouret, Cécile Debarge et Claire Le Nestour (Les Arènes, 2013)
– The Power of just doing stuff, de Rob Hopkins (Green Books, 2013)
– Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, de Rob Hopkins (Écosociété, 2010).

Lire la 1ère partie de l’article : Villes en transition : préparer l’après pétrole (1/2)

Usbek & Rica
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