Ville horizontale ou ville verticale, faut-il choisir ?

La tour Montparnasse a longtemps alimenté les débats entre partisans et détracteurs de l’élévation architecturale à Paris.
12 Juin 2018

Pour respecter l’environnement, les villes qui se développent doivent aujourd’hui éviter l’étalement urbain. Pourtant, les projets architecturaux de tours et de bâtiments en hauteur, qui semblent être une alternative à l’étalement urbain, font encore débat auprès de nombreux citadins. Deux pétitions en ligne ont par exemple été lancées contre un immeuble de 16 étages en centre-ville du Havre tandis qu’une nouvelle plainte contre la Ville de Paris a été portée concernant la « Tour Triangle »… Bref, les projets de bâtiments de grande hauteur continuent d’alimenter les polémiques et les craintes de la part des habitants situés plus ou moins à proximité. La ville verticale apparaît pourtant aujourd’hui comme un moyen incontournable d’éviter l’étalement urbain. Quelles peuvent donc  bien être les raisons de cette mauvaise acceptation des bâtiments de grande taille ? Si la hauteur déplaît tant, faut-il pour autant choisir entre ville horizontale et ville verticale ?

La tour Montparnasse a longtemps alimenté les débats entre partisans et détracteurs de l’élévation architecturale à Paris.

La tour Montparnasse a longtemps alimenté les débats entre partisans et détracteurs de l’élévation architecturale à Paris.

Des documents réglementaires qui limitent l’étalement urbain… et la hauteur des constructions !

Les villes se développent et continuent de prendre de l’ampleur. De plus en plus de personnes vivent en ville, quel que soit le lieu où l’on se trouve dans le monde. Cela signifie que les villes sont soumises à un nombre croissant de citadins qui s’installent en ville : la demande en construction de logements et autres bâtiments urbains en devient donc inévitablement croissante. Mais les défis de préservation de l’environnement imposent de leur côté leurs règles face au développement de ces innombrables villes en développement. En France notamment, l’un des enjeux de l’urbanisme est de limiter l’étalement urbain, c’est-à-dire que les zones pour le moment non-construites, à vocation agricole ou naturelle, doivent être préservées des dangers de la minéralisation et de l’imperméabilisation des sols liées au développement de l’urbain.

Cette limitation de l’étalement urbain est d’ailleurs remarquable sur les documents réglementaires, elle y est même obligatoire. Sur les documents cartographiques des plans locaux d’urbanisme (PLU) ou sur les cartes communales pour les documents plus anciens, nous constatons en effet que les zones constructibles ne peuvent pas piétiner sur les zones qui ne sont pas encore qualifiées d’urbaines. Agricoles ou naturelles, elles doivent garder au maximum leurs caractéristiques initiales, sauf si le terrain jouxte directement la zone urbaine indiquée ! Ce qui en fin de comptes n’empêche pas tant que ça l’étalement de se produire petit à petit et de proche en proche.

Par ailleurs, ces mêmes documents réglementaires peuvent également interdire l’élévation de certaines constructions au-delà d’une hauteur seuil, dans le but de rentrer dans un contexte paysager global et pour ne pas dénoter avec le reste du bâti. Ces limitations semblent compréhensibles dans la mesure où les restrictions de hauteur par exemple sont supposées respecter le cadre de vie des citadins, ainsi que le patrimoine existant à proximité : qui voudrait dans un petit village d’une grande tour barricadant le regard vers le paysage environnant ?

Mais alors, lorsque l’étalement horizontal et l’extension verticale sont limités, de quelles manières peut-on permettre aux villes de s’accroître et d’accueillir davantage de citadins ?

Sur les cartes des PLU, les zones marquées “AU” sont constructibles car proches d’une zone “U”, ou “urbaine”.

Sur les cartes des PLU, les zones marquées “AU” sont constructibles car proches d’une zone “U”, ou “urbaine”.

Des projets élevés qui alimentent les foudres

Et quand les constructions en hauteur sont autorisées, elles apportent de manière quasi-systématique leur lot de désapprobation de la part des habitants qui vivent à proximité du projet. La principale préoccupation de ces derniers est en effet de conserver une ouverture maximale sur le paysage dont ils peuvent bénéficier depuis leur quartier. Ils ne souhaitent pas non plus être privés de soleil en cas de conjonction entre l’architecture et l’astre lumineux. L’apparition d’une tour pouvant en effet apporter ombres et éventuelle pollution visuelle selon les goûts de chacun, les débats alimentés par la construction de tours sont loins d’être isolés.

Mais on peut comprendre la réticence des observateurs : une ville se construit aussi avec l’avis de ses habitants, alors pourquoi insister à créer des tours qui ne plaisent pas aux citadins ? La « Tour Triangle » par exemple, a reçu une vive critique lors de sa présentation sous prétexte que l’ombre portée sur une grande partie de la ville entraînerait une perte nette de qualité de vie dans la capitale. Sa silhouette imposante, en rompant l’horizon à la manière de la Tour Montparnasse, créerait un genre d’excroissance urbaine visible depuis toute la ville et qui ne correspondrait pas à l’identité de la plus belle ville du monde.

Bien sûr, le cas de Paris est un peu particulier puisque sa superficie est inextensible horizontalement. Elle ne peut donc pas se développer sur de nouvelles terres et n’a plus d’autre choix que de s’étendre vers le haut. Mais alors, si l’extension verticale n’est plus que l’unique option de développement des villes contre l’étalement urbain, comment l’apparition de tours et de bâtiments en hauteur peut-elle de nouveau conquérir le cœur des citadins ?

La verticalité doit être réinventée

En fait, la hauteur effraie. En cachant le paysage, les tours peuvent apporter dans l’esprit collectif un sentiment de forte densité et rappeler les bâtiments des grands ensembles de banlieues qui ont aujourd’hui une image plutôt négative dans l’esprit collectif. Ce sentiment peut entraîner un sentiment d’étouffement, entravant la perception du paysage dans le quartier. L’idée est alors de conférer à la hauteur, une autre utilité qu’une simple accumulation de logements ou de bureaux. La verticalité semble ainsi devoir se réinventer de manière à être le support et la fenêtre sur une ville innovante, moderne, durable et qui intègre différents enjeux liés à la ville de demain.

L’image du vertical peut donc changer si les manières d’élever les bâtiments sont réinventées. Parmi les axes de réflexion, la mobilité en hauteur est l’un de ces enjeux qui a la possibilité de rendre plus acceptable la verticalité de la ville. Inévitablement, la création de ces éléments hauts entraîne une inégalité d’accès au paysage urbain : certaines personnes auront un accès à un panorama plus large, tandis que d’autres n’auront qu’accès à ce grand mur vertical qui se dresse devant eux. En permettant aux mobilités urbaines d’investir ces repères urbains, par exemple en y intégrant un réseau de transport public, les tours ne deviennent plus uniquement un nouvel élément paysager, mais également un support vers un paysage qui était jusqu’alors inaccessible.

Alors, pour que les buildings puissent revêtir une nouvelle image et être le symbole de la ville de demain, l’enjeu paraît avant tout de repenser l’intégration dans son environnement du bâtiment, en développant les moyens de le traverser en rez-de-chaussée afin que l’architecture fasse véritablement corps avec la ville qui l’accueille.

Les hauts bâtiments sont l’occasion de proposer des fonctions qui répondent aux enjeux urbains

Les hauts bâtiments sont l’occasion de proposer des fonctions qui répondent aux enjeux urbains

La densité oui, mais de manière réfléchie !

Dans les communes plus modestes en effet, il apparaît moins vraisemblable et moins légitime de construire d’immense gratte-ciels, notamment par manque de moyens, mais aussi et surtout par manque de demande obligeant la construction de hauts bâtiments. Cependant, la limitation de l’étalement urbain plus ou moins présente dans les PLU est toujours d’actualité. Il est alors nécessaire pour ces communes, et d’ailleurs pour tous les territoires, de réfléchir à une manière de densifier la ville, sans effrayer les citadins et en respect des enjeux environnementaux, sociaux et urbains locaux.

Il semble donc important de devoir trouver un équilibre entre verticalité et horizontalité pour continuer à développer les villes. Pour conserver le cadre de vie des citadins, leur regard sur le paysage urbain doit en effet être respecté. Et pour éviter d’impacter négativement leur usage de la ville, l’idée est de trouver ce que l’on appelle une « densité acceptable ». Cette notion nécessite une connaissance accrue du territoire pour respecter ce qu’il représente aux yeux de ses utilisateurs.

À chaque échelle de territoire, cette densité acceptable peut-être facilement atteinte sans pour autant devoir construire de nouveaux quartiers en périphérie de ville. En particulier, la reconquête des centres-villes en déshérence, par la réhabilitation et la mise aux normes du bâti ancien, est déjà un premier pas vers la limitation de l’étalement urbain, sans densifier à outrance ou de manière déséquilibrée. L’idée est d’offrir aux citadins une densité à échelle humaine, cohérente sur l’ensemble du territoire, sans dent creuse ni tour mal-aimée.

Entre ville horizontale ou ville verticale, le choix à effectuer dépend donc largement de ce que chaque territoire représente. Cette réflexion au cas par cas passe par l’entretien avec les habitants ainsi que par une analyse poussée du territoire. Dans le cas des grandes agglomérations, la verticalité semble donc devoir se réfléchir en conséquence par rapport à la hauteur projetée. La réflexion pourra être apportée dans les domaines de la mobilité, de l’accès au « grand paysage », mais aussi par l’optimisation des surfaces. Par exemple, le développement des fermes urbaines verticales peut être une réponse locale à l’importance de l’urbain par rapport à l’agricole.

Enfin, rendre la densité acceptable ne concerne pas spécifiquement une hauteur seuil à ne pas dépasser, quoiqu’elle puisse dans certains cas être pertinente. En revanche, lorsque la ville prend de la hauteur, ce sont surtout les usages de cette croissance et la présence localement d’un cadre de vie adapté qui pourront aider les citadins à mieux accepter les projets de développement de leur ville.

Pour une même surface et un même nombre de logements, la perception de la densité peut être perçue différemment.

Pour une même surface et un même nombre de logements, la perception de la densité peut être perçue différemment.

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

Marcel DEHEM
12 juin 2018

Je vote pour le R+ combles 24 logements de 105m2 car il y a moins de place pour les p’tits gars qui s’adonnent aux roues arrières durant la nuit

Oui , je sais c’est rétrograde mais je me demande si les architectes prennent en compte ce genre de nuisance.

CRIEF Guillaume
12 juin 2018

Une tour n’est pas synonyme de densité. La fameuse illustration en fin d’article en est une démonstration.
Doit-on rappeler que le tissu urbain le plus dense est le tissu haussmannien ?
Pourquoi des tours à Paris sachant que la ville est déjà dense et que la tour n’est pas forcément synonyme de densité ? Pour faire comme les autres ?
Cet article aborde Paris comme si c’était une ile cantonnée dans le boulevard périphérique. Ainsi, Paris ne pourrait plus s’étendre ? Mais que sont la banlieue et les 411 communes qui constituent l’unité urbaine de Paris si ce n’est l’extension de Paris ? N’y a t il pas quantité de tours en dehors de Paris ?
A méditer avant d’invoquer des justifications fallacieuses…

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