Ville et automobile : je t’aime moi non plus
La guerre. C’est par ce terme que l’on peut définir la politique de certaines de nos grandes villes envers les voitures. Piétonnisation accrue, hausse des prix du stationnement, tout est fait pour éloigner les voitures des centres villes. A Paris, par exemple, posséder une voiture devient de plus en plus un luxe avec une place de parking envisagée à 4€ l’heure dans le centre de la capitale. Alors exit la voiture des villes et place aux modes de transports doux ? Pas si simple … Car entre la ville et la voiture, c’est une histoire complexe.
Des relations conflictuelles
On peut légitimement se poser la question : nos arrières petits enfants connaitront-ils une ville avec des voitures ? Nos villes d’aujourd’hui ont été façonnées par nos voitures d’hier. Bannir totalement l’automobile de nos villes nécessite donc de repenser complètement leur aménagement. La plupart du temps, c’est le centre ville qui est visé par des mesures anti-voitures, dans le but de le rendre plus respirable et moins embouteillé. Mais si cette pratique n’est pas portée par une véritable politique d’aménagement globale du territoire le problème n’est que déplacé : ce sont alors les périphéries qui se retrouvent congestionnées et irrespirables. Ce qui est aujourd’hui à revoir c’est l’usage que l’on fait de notre voiture. Trop souvent elle est utilisée par automatisme plutôt que par réelle nécessitée, notamment en ville alors qu’il y a la possibilité pour beaucoup d’utiliser les modes doux (la voiture serait donc un mode dur). Dans un contexte de crise avec un pouvoir d’achat est fréquemment en baisse et un coût de la vie de plus en plus élevé, la voiture constitue de plus en plus un luxe, auquel tout le monde ne peut aspirer. Essence, frais courants (assurance, usure naturelle) , sans parler des réparations aux coûts relativement élevés, la voiture n’est plus un investissement qui rapporte.
Des relations complémentaires
Pourtant, la ville et l’automobile entretiennent également une relation complémentaire. La ville est encore un transport majeur et est donc encore aujourd’hui nécessaire au bon fonctionnement de la ville. Notamment pour les services à la personne par exemple, taxis, ambulances, pompiers, ces véhicules n’ayant actuellement pas d’alternatives sont donc obligés de continuer à circuler. C’est donc le partage modal qu’il faut arriver à repenser pour plus d’équité dans la rue. Chacun peut avoir sa place dans une ville apaisée.
Vers des relations durables ?
Ce n’est donc pas tant la question de la place de la voiture dans la ville durable qui importe mais celle de son usage. Covoiturage ou autopartage sont des solutions qui permettent une utilisation de son véhicule qu’il faut encourager. Récemment, Ségolène Royal, Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, annonçait réfléchir à l’aménagement de voies réservées au covoiturage, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis. Ces solutions viennent améliorer le taux d’occupation des autos, qui reste un gros point noir en termes de pollution par personne. Dans cette relation, évolutive et complexe, qui existe entre la ville et les automobiles, le designer va agir comme un conciliateur, qui va tenter au mieux de marier les besoins des conducteurs automobiles avec la réalité. On veut arriver vite, sans bouchons, tout en ne polluant pas trop… Le designer doit penser à de nouvelles infrastructures modernes et adaptées, tout en envisageant des nouvelles voitures qui répondent aux problématiques environnementales de demain. Pour Camille de Langenhagen, étudiante en cinquième année à l’Ecole de Design Nantes Atlantique, « l’industrie automobile connaitra une transformation naturelle, liée aux nouvelles habitudes, et aux nouvelles technologies. Il s’agit de repenser tout le système lié à l’exploitation de la voiture. J’ai choisi de m’intéresser particulièrement au futur des concessions automobiles. On peut imaginer que dans un avenir proche, on choisira et achètera sa voiture par ordinateur. Exit alors le vendeur qui vous attend à l’entrée de la concession, place aux ventes 2.0 qui se négocieront différemment avec un clic de souris… »
Repenser la place de la voiture en ville est donc un vaste chantier, et il est difficile d’imaginer un futur dans lequel la voiture serait totalement absente. En revanche, il y a peu de chance pour que la ville de demain soit encore son terrain de jeu, à moins que nous allions vers un usage raisonné de l’automobile.
Par Camille de Langenhagen, étudiante en 5ème année à l’Ecole de Design Nantes Atlantique option Nouvelles Mobilités, et Zélia Darnault, enseignante.