Vers des RER métropolitains partout en France
SNCF Réseau vient de publier un rapport qui met en évidence son schéma directeur et définit le principe de « services express métropolitains » (SEM). Il s’agirait de développer des lignes urbaines avec une fréquence élevée, notamment aux heures de pointe et de créer des billets communs permettant d’harmoniser le réseau de transport à l’image des RER franciliens.
De nombreux pôles urbains commencent déjà à s’engager dans ce projet d’envergure, dont Bordeaux qui lancera ses lignes d’ici la fin de l’année. D’autres métropoles étudient ce projet et l’envisagent également, ce qui devrait permettre d’enclencher une nouvelle dynamique pour structurer la mobilité en France. Quels sont les enjeux d’un tel projet ? De quelle manière la transformation de nos réseaux ferroviaires peut-elle avoir une influence sur les dynamiques de mobilité, mais aussi sociales et urbaines ?
Développement des services express métropolitains : quels objectifs ?
Le 9 octobre dernier, SNCF Réseau remettait à Jean-Baptiste DJEBBARI, ministre délégué chargé des Transports, un schéma directeur définissant les caractéristiques ainsi que les intérêts territoriaux, économiques et environnementaux du développement des “services express métropolitains”. Cette croissance du réseau ferroviaire français avait déjà été abordée par Elisabeth BORNE, qui avait précédé Jean-Baptiste DJEBBARI au gouvernement. Mme BORNE avait souhaité intégrer cet enjeu dans le cadre de l’élaboration de la Loi d’Orientation des Mobilités en novembre 2019, dont l’objectif était d’améliorer les déplacements quotidiens des français et d’intégrer pleinement l’enjeu environnemental.
Concrètement, les services express métropolitains représentent un nouveau dispositif que le gouvernement et SNCF Réseau souhaitent développer au cœur des grands pôles urbains français. Le dispositif s’inscrit notamment dans l’objectif de doubler la part modale de train dans ces agglomérations, d’ici une dizaine d’années, en proposant des services ferroviaires plus complets et plus attrayants. Dans un premier temps, il s’agit d’optimiser et de s’appuyer sur le réseau ferroviaire existant afin d’accroître, par exemple, la fréquence des circulations, puis d’aménager “des gares et des haltes au plus près des besoins locaux”. L’idée est également de mettre en place un service en correspondance avec d’autres modes de transport dans le but d’assurer des logiques multimodales sur les territoires concernés.
Ce schéma directeur a ainsi permis d’identifier les besoins locaux et enjeux démographiques, économiques et de mobilité de nombreuses métropoles, dont Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nantes, Nice (Côte d’Azur), Rennes, Strasbourg et Toulouse. D’autres pôles urbains dont Dijon, Montpellier, Rouen, Toulon et Tours pourraient également voir naître un tel projet sur leur territoire dans un plus long terme.
Malgré l’adversité, le RER s’affirme comme un modèle inspirant
Aujourd’hui, nombreuses sont les actualités mettant davantage en avant les retards et dysfonctionnements du RER que ses bénéfices. D’autre part, l’une des grandes limites de ce modèle réside en sa structure concentrique. Le réseau parisien en est l’exemple : chaque ligne traverse la ville de Paris du Nord au Sud et d’Est en Ouest, en revanche les connexions inter-périphéries se font beaucoup plus rares et ne fusionnent qu’à travers des correspondances.
Mais alors pourquoi représente-t-il tout de même un modèle efficace que de nombreux pôles urbains souhaitent développer sur leur territoire ? Pour le comprendre, posons-nous la question suivante : quel impact ce modèle de transport collectif a-t-il eu en Ile-de-France ?
Le premier réseau express régional, ancêtre des services express métropolitains actuellement en développement, a été inauguré le 8 décembre 1977 par le président Giscard d’ESTAING. À l’époque, il reliait plusieurs banlieues à la ville de Paris, par une jonction souterraine de diverses lignes de train. Les RER A et B, qui prolongeaient alors des lignes déjà existantes en banlieue, ce qui permit de faire émerger un réseau de 92 kilomètres et de traverser Paris en 12 minutes. Les franciliens bénéficient alors d’une solution inédite et rapide pour leurs déplacements quotidiens favorisant le développement des déplacements pendulaires et la possibilité d’habiter plus loin en banlieue, tout en venant travailler quotidiennement dans la capitale. Aujourd’hui, ce réseau co-géré par la RATP et SNCF comporte 5 lignes et accueille près de 2,7 millions de voyageurs par jour. Et ses bénéfices ne se limitent pas aux seules problématiques de mobilité.
Le réseau express régional participe en effet à diverses autres dynamiques dont celle du tourisme. Explorer l’agglomération parisienne n’a jamais été aussi facile qu’en RER ! Les services publics parisiens, mais aussi les habitantes et habitants de la ville comptent pleinement sur ce réseau pour inciter les visiteurs internationaux et régionaux à s’aventurer dans ces destinations de proximité, à emprunter des itinéraires insolites et même à envisager ce moyen de transport comme une expérience touristique à part entière.
Aujourd’hui, le modèle dépasse les frontières de l’Ile-de-France et de nouvelles agglomérations ont déjà entamé leur transition vers des modes de déplacements plus durables et plus structurants pour leur territoire. Strasbourg et son Eurométropole sont actuellement en pleine étude du potentiel développement de services express métropolitains. Divers objectifs sont déjà annoncés : l’augmentation de 50% des dessertes sur l’ensemble du réseau de l’Eurométropole d’ici 2022 ainsi que la modernisation de quelques-unes des 13 gares, qui incarneront ce nouveau réseau d’ici 2030. Cela devrait entre autres permettre de réduire, de manière conséquente, les déplacements en voiture au sein de l’agglomération.
Et cet enjeu écologique et environnemental est aujourd’hui primordial. Comme l’affirme Patrick JEANTET, président délégué du directoire de SNCF et PDG de SNCF Réseau :
Les services express métropolitains (SEM), une solution clé pour accompagner la transformation de nos mobilités
Depuis maintenant quelques temps, le milieu urbain, notamment caractérisé par la multiplication d’îlots de chaleur urbains, centralise des problématiques liées au dérèglement climatique et particulièrement liées à la pollution. Une étude de 2018 réalisée par l’Ademe nous informe que le secteur des transports est “le principal émetteur de CO2, avec 39% des émissions totales des gaz à effet de serre”. Ce document indique également qu’en 2015 “la route représente plus de 80 % des consommations de ce secteur, suivi de l’aérien, du ferroviaire et de la navigation intérieure”. Il apparaît de ce fait pertinent de concentrer nos actions en faveur de la transition durable de nos territoires sur le développement harmonieux de nos réseaux ferroviaires.
C’est d’ailleurs un sujet qu’à la fois le secteur public, le secteur privé et les citadines et citadins peuvent s’approprier. Le secteur public légifère et met en place des outils visant à faciliter l’apparition de dynamiques durables dans le secteur des transports, avec l’élaboration de la Loi d’Orientation des Mobilités en 2019 ou encore l’établissement de contrats de plan État-région (notamment dans le déploiement de SEM). Le secteur privé permet de concrétiser ces démarches en créant et en commercialisant de nouveaux services tels que le free-floating ou l’électro-mobilité, permettant ainsi de compléter l’offre proposée par les acteurs publics. Enfin, des consciences citoyennes et écologiques émergent progressivement en ville. Les citadines et citadins s’emparent d’une nouvelle forme de responsabilité environnementale et ont la possibilité d’agir à leur échelle, en faisant évoluer leurs habitudes de consommer, de s’alimenter, mais aussi de se déplacer.
La création de services express métropolitains concerne et engage également toute cette diversité d’actrices et d’acteurs. Et l’idée n’est pas seulement d’accompagner la métropolisation de nos territoires en développant une nouvelle offre de services liés à la mobilité, mais bien d’accompagner l’évolution de la vie des urbains. En effet, l’élaboration d’une telle offre influera positivement, non seulement la pollution atmosphérique de nos villes, puisqu’elle devrait permettre de réduire les déplacements en voiture, mais aussi d’autres aspects concrets de la vie des usagers. Par exemple, les déplacements pendulaires, c’est-à-dire les trajets entre le domicile et le travail, seront facilités par une desserte renforcée en heure de pointe. Les activités festives, de loisirs ou de détente pourront se pratiquer en sécurité et en praticité avec la mise en place de nouveaux trains pendant le weekend et les jours fériés.
Bien que les franciliens soient bien souvent confrontés aux dysfonctionnements du seul réseau de transport qui puisse les relier à Paris, ces nouveaux réseaux devraient avoir un impact positif et concret sur le quotidien des usagers, voire sur leur qualité de vie, en plus d’avoir une retombée écologique positive non négligeable. Nous assistons actuellement à une croissance progressive d’urbains qui souhaitent se rapprocher d’espaces végétalisés et qui quittent la ville-centre pour s’installer en territoire périurbain. Il s’agit donc aujourd’hui de faciliter les déplacements, en transport collectif, au sein d’une agglomération, voire même beaucoup plus loin ! Le projet actuel de SEM du Grand Lyon prévoit déjà d’étendre ces liaisons régionales et de relier Lyon à Lozanne, Vienne ou encore Saint Etienne.
Malgré cela, l’une des limites de ces projets d’envergure reste l’absence de connexions rapides et efficaces inter-périphériques. Avec ces nouveaux services de déplacements métropolitains, se dirigera-t-on vers l’invention de nouveaux modèles qui puissent permettre de rectifier les limites de nos infrastructures actuelles ? Ira-t-on vers le développement de réseaux polycentriques pour assurer la desserte et les liaisons entre chacune des communes qui constituent un pôle urbain ? Ou au contraire la ville centre maintiendra-t-elle encore et toujours la première place, parfois si méprisante par rapport à celles situées dans la périphérie proche et encore plus lointaine ?