Vélo-écoles : un changement de rapport à la mobilité
« Vélo-école », le seul nom suffit à résumer le changement qui s’amorce dans la façon dont nous imaginons la ville. Après des décennies à optimiser nos métropoles pour une voiture reine, les problématiques de mobilité, de bien-être et de pollution conduisent nos sociétés à repenser leur rapport au transport urbain. Le vélo s’affirme alors progressivement comme une alternative viable, durable et égalitaire. Répondant à une demande croissante, les vélo-écoles fleurissent un peu partout en France pour former jeunes et adultes aux joies du deux roues.
Retour à la selle
Depuis une dizaine d’années, le nombre et la fréquentation des vélo-écoles est en hausse régulière en France. Contredisant le monopole de la voiture et des auto-écoles, elles visent à démocratiser l’utilisation du vélo et permettre une meilleure cohabitation des différents moyens de transport en ville. Une étude de l’ADEME comptait 70 vélo-écoles en France en 2016 dont 7 en Île de France, pour 18 000 personnes formées à la pratique du vélo chaque année. Celles-ci proposent principalement des formations sur plusieurs séances qui permettent d’être autonome en ville, mais aussi des ateliers de sensibilisation en école ou dans le milieu professionnel. De nombreuses associations comme AICV (Animation Insertion Culture Vélo) implantée dans le 19e arrondissement de Paris proposent en plus des ateliers de réparation, un poste de recyclage ou des randonnées pour fédérer les nouveaux cyclistes autour de sorties de groupe. Ces dernières se font de manière participative : le parcours est déterminé selon les envies des participants, de leurs disponibilités et de leur niveau. Ainsi ils pourront opter pour un parcours “monuments de Paris” de quelques heures, ou encore une expédition de deux jours dans une forêt francilienne. Avec une flotte de près de 400 vélos, AICV se partage le nord-est francilien avec l’association Vivre à vélo en ville (VVV) établie à Montreuil. Pionnière en la matière et victime de son succès, cette dernière envisage en 2012 de recentrer ses inscriptions à la seule ville de Montreuil pour endiguer la demande venue de toute l’Île de France.
Se réapproprier la ville
En effet si une large partie de la population maîtrise le vélo depuis l’enfance, ce n’est pas le cas de tout le monde : la moyenne d’âge des apprentis cyclistes est de 44 ans. « On a surtout trois profils » explique Allan Cordier coordinateur de AICV, « des jeunes débutants, des grands débutants et des remises en selle. C’est à dire des adultes qui ont appris mais ne pratiquent plus depuis longtemps et ont peur de se lancer en ville ». A entendre les témoignages de ces adultes débutants ou reprenant confiance, les profils sont très variés. Certains ont été traumatisés très jeunes par une mauvaise chute, d’autres n’ont tout simplement pas une culture familiale de vélo. Leurs motivations pour ce retour au deux roues varient, mais la pression sociale est souvent le moteur principal. Un parent voyant son enfant apprendre à l’école veut se mettre à niveau pour en profiter avec lui, un jeune se sent exclu de son groupe d’amis qui organise des balades…
Parmi les élèves on trouve une grande majorité de femmes, 87% selon l’étude de l’ADEME. Selon Allan Cordier, de nombreuses mères préfèrent éviter les transports en commun et se déplacer avec leur enfant en bas âge sur un porte-bébé. On remarque aussi de nombreuses femmes issues de familles immigrées où le vélo n’est pas courant, ou alors seulement chez les hommes. Le vélo recèle alors un véritable intérêt social d’émancipation et d’appropriation de la ville. Les familles populaires s’emparent de la bicyclette pour pallier aux problématiques de transport qu’elles subissent et échapper aux frais prohibitif de l’automobile.
Deux roues dans la jungle
Ce n’est pas un hasard si certains adultes qui savent pédaler sont terrifiés à l’idée de se jeter dans la circulation urbaine. La pratique du vélo est liée au confort et à la confiance en son environnement. Avoir une signalétique dédiée, trouver des espaces de stationnement sécurisés, ne pas se sentir exposé à proximité d’une voie rapide, ne pas avoir à freiner tous les cent mètres afin de conserver la vitesse acquise et limiter l’effort… Ces facteurs sont de vrais choix d’aménagement urbains. Certaines villes l’ont compris très tôt comme Strasbourg dont la politique proactive depuis plusieurs décennies l’a hissé à la quatrième place mondiale des villes les plus cyclables selon le cabinet danois Copenhagenize. Le rapport de force entre les usagers de la route s’y est radicalement rééquilibré au profit des cyclistes, et cela se traduit dans les chiffres : 50% des strasbourgeois pratiquent le vélo.
Voté à l’unanimité en 2015 par le Conseil de Paris, le plan Vélo 2020 pour Paris, prévoit notamment de faire passer la part des trajets en vélo de 5 % à 15 %, grâce à un budget de 150 millions d’euros. Concrètement la capitale veut doubler le nombre de pistes cyclables pour atteindre 1 400 kilomètres, créer 10 000 nouvelles places de stationnement pour vélo, généraliser les zones limitées à 30 km/h et y sécuriser les rouleurs. A cela s’ajoutera le réseau express vélo : des grands axes cyclables est-ouest et nord-sud traversant la capitale.
Une politique radicale qui veut rattraper le retard dans le classement européen et changer durablement la mobilité à Paris. À terme, l’augmentation du nombre de cycliste peut avoir des effets notables sur la ville en désengorgeant les transports publics et le trafic automobile. L’impact sur l’air est tout aussi majeur, sachant que la circulation routière est responsable de 35% des émissions de gaz à effet de serre. La France s’est d’ailleurs engagée à réduire ses émissions de 40% d’ici 2030 en signant les accords de Paris sur le climat. Pour se donner les moyens d’une telle transition, encore faut-il apprendre aux cyclistes et automobilistes à cohabiter sur la route.
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