Va t-on réellement vers la disparition de la voiture en ville ?

8 Oct 2024 | Lecture 4 min

Après des années de mobilisation des politiques pour la diminution de la place de l’automobile dans les rues des villes, la présence de la voiture en milieu urbain soulève pourtant encore de nombreuses tensions (peur de la perte d’activités commerciales, conflits d’usages, sanction auprès des SUV…).

Alors que la ville moderne a été construite pour la voiture, de nombreux acteurs de la fabrique urbaine innovent pour imaginer de nouveaux stationnements qui permettent de diminuer la présence visuelle tout en maintenant leurs usages. Tour d’horizon de ces solutions qui transforment la ville durablement.

Des villes sans voitures ?

Les années avancent, mais le débat reste toujours d’actualité : doit-on et peut-on aller vers des villes sans voitures ? D’un côté, on souligne le manque d’accessibilité et de praticité des transports en commun, la dangerosité du vélo, la nécessité d’avoir une voiture pour conduire ses enfants ou ramener les courses, et l’attachement parfois émotionnel avec sa voiture, symbole de liberté. Des arguments d’autant plus légitimes que les distances entre les logements et les postes de travail augmentent, sous l’effet de la crise du logement et du renchérissement des loyers.

De l’autre côté, bien que la suppression pure et simple des voitures des villes françaises ne soit pas à l’ordre du jour, de nombreux experts, associations et élus mettent en avant l’écart significatif entre l’utilité des voitures et la place importante qu’elles prennent en ville. Mathieu Chassignet, ingénieur expert des mobilités durables, avance ainsi le chiffre de 50 à 80% de l’espace public dédié à la voiture. À Paris, une étude mettait en relation les 50% d’espace public dédié à la voirie et aux parkings avec les 13% de déplacements effectués en voiture. Dans le même temps, la taille moyenne des voitures augmente également d’un centimètre tous les deux ans.

La technologie peut-elle nous sauver de la congestion ?

Pour atténuer les effets négatifs de notre dépendance à la voiture, des projets de smart parking se sont ainsi multipliés dans les années 2010 pour permettre aux collectivités de réguler le stationnement dans leurs villes plus aisément qu’à travers des patrouilles de policiers municipaux, et ainsi fluidifier la circulation. Si des grandes villes, à l’instar de Barcelone, ont été des figures de proue de ce mouvement en Europe, d’autres communes de tailles plus modestes se sont également lancées dans cette démarche, à l’instar des Mureaux, ville de 32 000 habitants dans les Yvelines. 600 capteurs ont ainsi été installés, chacun au sol d’un emplacement de parking, pour indiquer à la ville si la place est occupée ou non. Cette technologie permet ainsi de connaître le taux d’occupation de chaque place de parking, ainsi que le temps moyen passé. Cette deuxième information, transmise aux agents de police sur le terrain, leur permet de cibler directement les véhicules stationnés au-delà d’un certain seuil.

Dans les premiers mois d’installation, les policiers des Mureaux comme d’autres communes concernées ont pu être réfractaires à cette technologie, avec l’impression qu’on “remplace” leur approche humaine. De la même manière, certains automobilistes ont pu se sentir davantage surveillés. Pour autant, une fois la phase d’adaptation — et le temps d’acclimatation pédagogique — passée, les relations entre la police et la population peuvent au contraire se détendre. Notamment parce que la présence des capteurs permet aux agents de passer moins de temps à contrôler chaque voiture, et ainsi de libérer du temps pour aller discuter avec les automobilistes dans une approche plus humaine.

Ces solutions de smart parkings ont également pu être appliquées via d’autres dispositifs, comme avec des caméras placées en hauteur qui permettent d’enregistrer les circulations. Ces caméras, comme les capteurs individuels, peuvent pareillement transmettre des informations aux panneaux de jalonnements dynamiques ou applications, pour ainsi passer moins de temps à tourner dans la ville à la recherche d’une place.

Un autre exemple de smart parking, à Vic-en-Bigorre

Pour autant, le risque est de tomber dans le technosolutionnisme. Tout d’abord parce que toutes les entreprises de smart parking ne se valent pas, et que les villes faisant appel à un prestataire n’ont donc pas directement la main sur l’outil et son algorithme, mais également au vu des ratés qui ont maillé certaines tentatives de smart cities. On pense ici à l’expérience de Nice, parmi les premières à avoir eu recours au stationnement intelligent via des capteurs en bordure des trottoirs, 300 horodateurs et une application mobile de paiement à distance. Après 3 ans d’exploitation, la solution a été abandonnée en 2016, pour différentes raisons. Des failles informatiques, la dangerosité d’un paiement par smartphone au volant, mais aussi une culture niçoise répandue et tolérée du stationnement en double file, que les capteurs ne prennent pas en compte. Difficile de faire entrer les usages dans un algorithme.

Favoriser la mixité des usages

Puisqu’il paraît aujourd’hui difficile de réduire significativement —et rapidement — le nombre de voitures dans nos villes, ne pourrait-on pas au moins nous saisir des innombrables mètres carrés de parking pour y développer de nouveaux usages ? C’est la voie que de nombreuses villes semblent suivre, dans le sillage des expérimentations visibilisées par le Parking Day et les parklets. L’idée : transformer temporairement, ou de manière pérenne, l’usage d’une place de stationnement, que ce soit en une petite parcelle de jardinage, une terrasse pour se reposer et boire un café, un stationnement vélo ou un simple banc. Une façon d’amorcer un meilleur partage de l’espace public, mais également de démontrer la multiplicité et l’intensité des usages phagocytés par le trafic automobile.

Alors qu’une récente loi oblige l’installation de panneaux photovoltaïques sur certains parkings, des collectivités poussent plus loin l’idée de combiner ces usages contradictoires : garer sa voiture tout en contribuant à une démarche environnementale. On peut ainsi citer la pergola végétale installée à Carpentras au-dessus d’un parking de 180 places au cœur de sa coulée verte de la ville. En plus de s’intégrer dans le paysage local, l’installation permet d’ombrager les places de stationnement — et d’éviter de se brûler en ouvrant la portière — tout en compensant les effets d’îlots de chaleur urbains générés par l’asphalte et le trafic. D’autres préfèrent recourir à des solutions de parkings végétalisés, en proposant des revêtements alvéolaires qui permettent l’infiltration des eaux dans les sous-sols et donc de respecter le cycle naturel de l’eau.

Le jardinage peut également être mêlé au stationnement, comme l’ont montré les animateurs de « Ciel, Mon Radis ! » à Vélizy-Villacoublay. Spécialisés dans la création de potagers avec des salariés, ils ont transformé une parcelle située au milieu d’un parking de concessionnaire automobile en un espace de 160 mètres carrés d’espaces ouverts, dédiés à la culture de fruits et de légumes avec tout le nécessaire. Employés et passants peuvent donc se rassembler sur cet espace pour partager et même organiser des temps festifs quand le temps le permet.

Ainsi, sans supprimer les places de parking — qui accueillent des véhicules à l’arrêt 95% du temps — il est d’ores et déjà possible d’imaginer et de mettre en place de la mixité d’usages au sein même des parkings. Une première étape pour éprouver les possibles permis par la réduction de la place de la voiture en ville, et l’activation d’espaces aujourd’hui délaissés.

LDV Studio Urbain
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