Utopies urbaines
Qu’est-ce qu’une utopie ? Ambitieuse question à laquelle la revue Futuribles tente de répondre dans sa livraison de septembre-octobre. Le dossier éclaire les villes « utopiques » contemporaines sous le prisme de celles qui ont traversé le XIXe et le XXe siècle et démontre que l’utopie est l’affaire de tous.
2016 marque le 500e anniversaire de la parution du livre de Thomas More, Utopia, un projet humaniste qui continue d’être débattu aujourd’hui. L’économiste et urbaniste Jean Haëntjens ouvre ce passionnant dossier qui fait le point sur les liens entre pensées utopiques et politiques urbaines dans le monde.
C’est à Abu Dhabi que devraient s’élever d’ici 2030 les tours futuristes de la ville de Masdar. Zéro émission de gaz à effet de serre, zéro déchet, la ville voulue par le Cheik Zayed pourrait accueillir à terme près de 50 000 habitants. Le réseau de transports, entièrement électrique, laisse entrevoir la possibilité d’une ville sans voiture. Jean-Marie Chevalier, économiste à l’université Paris-Dauphine voit là un « signal significatif de la part d’un pays riche exportateur de pétrole sur un avenir énergétique décarboné ».
5,1 milliards de citadins en 2050
Néanmoins, d’autres spécialistes tempèrent l’enthousiasme autour de ce vaste projet « utopique » en plein désert. Masdar pourra-t-elle éviter l’écueil de n’être habitée que par des cadres étrangers, tentés par un univers sécurisé ? L’utopie seulement pour quelques-uns ?
2,7 milliards d’habitants vivent aujourd’hui dans des agglomérations urbaines et peut-être 5,1 milliards d’ici 2050. Comment apporter des réponses sur le mieux-vivre ensemble au plus grand nombre ? Face à cette poussée démographique considérable, Morgan Poulizac revient sur la manière dont de nombreux acteurs inventent de nouvelles formes d’urbanisme pour satisfaire des besoins comme l’eau, le logement ou l’électricité.
La « cité-jardin » de Chandigarh
Futuribles met en perspective les grandes réalisations utopiques du XXe siècle que furent Brasilia et Chandigardh. Le Corbusier, qui conçut la seconde, considérait que sa mission contribuait « au développement de la vie matérielle, sentimentale et spirituelle dans toutes ses manifestations ». Chandigarh s’enorgueillit d’être aujourd’hui l’une des villes les plus arborées d’Inde et d’être à juste titre une « cité-jardin ». Cet incroyable projet urbanistique, symbolisé par la sculpture de la « main ouverte » rejoint celui de Brasilia, la capitale du Brésil construite au beau milieu de nulle part à l’époque et inaugurée en 1960. C’est là qu’Oscar Niemeyer va édifier la vitrine de l’architecture moderniste brésilienne.
Définir un développement urbain satisfaisant
Marthe de La Taille-Rivero, spécialiste de l’entrepreneuriat social, s’intéresse à l’initiative Utop, un collectif de citoyens parisiens, qui a défendu un projet d’habitat participatif approuvé par la Mairie de Paris. L’initiative va être traduite en projet architectural rue Gasnier dans le XXe arrondissement et comprendra 17 logements ainsi que des espaces partagés.
Jean-François Soupizet, consultant en développement international et stratégies numérique, analyse le concept des smartcities qui entend gérer les villes de manière intelligente. Améliorent-elles la gouvernance locale ? Leur avenir dépend « très certainement de la capacité des villes intelligentes à faire une place à toutes les parties prenantes ». Penser l’utopie n’est plus le privilège de quelques spécialistes de nos jours. Associations, collectifs, citoyens et entreprises tentent de trouver un développement urbain satisfaisant, susceptible de réellement prendre en compte aussi bien les préoccupations écologiques que les préoccupations sociales.