Utiliser l’espace souterrain
Vivre proche du centre de la terre, voilà une idée qui relevait encore il y a peu de la science-fiction. Mais aujourd’hui, face à la densification de nos villes et aux perturbations climatiques qui nous attendent, investir les espaces souterrains apparaît de plus en plus comme une solution à envisager.
D’ailleurs, certaines villes soumises à de rudes températures, comme Montréal, n’ont pas hésité à développer de véritables embryons de villes enfouies sous la terre. Qu’est-ce qui peut, à l’heure actuelle, nous pousser à nous enfouir sous terre ? Quels sont les moyens mis en œuvre et comment cette pratique pourrait-elle être envisagée dans les années à venir ? Quelques éléments de réponse.
Des espaces délaissés aux nombreuses qualités
L’espace souterrain a longtemps été délaissé, notamment en raison de l’image négative qu’il renvoie. Symbole de l’enfer pour les uns, espace sacré interdit pour les autres, notre sous-sol est un lieu qui inspire les croyances. Aujourd’hui, on a tendance à enfouir ce qui ne doit pas encombrer la ville, comme les réseaux de transports ou les parkings, faisant de certaines villes de véritables gruyères. Et pourtant, nos sous-sols regorgent de qualités non négligeables pour bâtir des villes durables. A l’heure du catastrophisme ambiant, l’espace souterrain constitue une enveloppe protectrice de choix, plus propice à résister aux catastrophes : abri contre les tremblements de terre, contre les variations du climat (la géothermie permettant d’avoir une température constante), etc. Dans une ville durable qui par définition devra être résiliente, un retour vers les entrailles de la terre semble donc inévitable. Et les qualités de cet espace ne s’arrêtent pas là : pas besoin d’aller bien loin pour le trouver, le sous-sol est présent partout, il suffit de creuser !
Des contraintes à dépasser
Si l’idée semble simple, coloniser les espaces souterrains n’est pas si facile. Des contraintes techniques et législatives empêchent, à l’heure actuelle, d’envisager n’importe quel type de construction dans le sous-sol. La mutation de l’homme en vers de terre creuseur de galeries souterraines ne sera donc envisageable qu’à condition de dépasser quelques difficultés. Tout d’abord, il faudra mener une véritable refonte du code de l’urbanisme actuellement pensé pour les constructions terrestres sans prendre en compte l’éventualité de bâtir sous terre. De plus, il n’est actuellement pas possible de proposer n’importe quel type de construction souterraine, comme des logements, par exemple. Nous sommes également face à un terrain dont le statut juridique est flou : pour la loi française, le propriétaire d’un terrain en surface est également propriétaire de son sous-sol. Ce cadre législatif ne semble donc plus adapté face aux défis qui attendent nos villes dans les années à venir. Au-delà de la réglementation, il faudra également dépasser les contraintes techniques et financières.
Le designer, un nouveau fossoyeur ?
Les designers sont de plus en plus confrontés aux défis de la construction souterraine, longtemps réservée aux ingénieurs. L’aspect contre-nature du séjour sous terre ainsi que l’impact de ces interventions sur la ville exigent d’eux des compétences particulières. Le principal défi du designer consiste à rendre acceptable et désirable l’idée d’une vie souterraine. Car à moins d’être un spéléologue dans l’âme, nous sommes peu enclins à l’idée de vivre enterrés. En jouant sur les ambiances, les perceptions ou encore la lumière, ces lieux pourront apparaître accueillants, habitables et viables. Il s’agit donc de faire évoluer leur perception, donnant envie aux citadins de s’approprier ces nouveaux espaces de vie. Pour Bérénice Mensier, étudiante en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique, « le designer se doit de dépasser toutes ces contraintes et d’en faire des atouts dans la création d’espaces souterrains. L’investissement du sous-sol ne doit pas se réserver aux circulations, ou à quelques bâtiments ponctuels. Il doit devenir habitable et désirable, une ambiance souterraine propre à chaque lieu doit être créée, afin d’immerger le citadin dans une « autre ville, celle du dessous ». Cet espace pensé dans sa globalité, et non plus morceau par morceau, doit devenir un espace à part entière dans la ville durable. Un espace composant de la ville intense et compacte. Un espace désiré et appropriable par tous.
Par Bérénice Mensier, étudiante en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante