Une ville plus solidaire, cap ou pas cap ?
Faire le pari des alternatives citoyennes, telle est l’ambition de l’association Cap ou pas Cap ? dont les différents projets réinventent la ville et ses usages. Des projets de mobilier urbain solidaire, à leur carte interactive qui répertorie les initiatives en Île de France, l’association se veut accompagner et promouvoir une certaine idée de la société.
Quand on entre dans l’enceinte de la maison des associations du 12ème, on pénètre un peu dans un espace temps magique. Logée depuis 2003 dans la Gare de Reuilly – une belle bâtisse du XIXème siècle à deux pas de Daumesnil – on y trouve un potager, des enfants qui font des coloriages dans l’herbe ou des gens studieux à l’ombre d’une tonnelle. L’association Cap ou pas Cap ? y est hébergée avec le soutien de la Mairie du 12ème et a fait de l’arrondissement son territoire privilégié d’expérimentations. A peine le temps de s’installer dehors avec Clément Hélary et Margaux Nasreddine, respectivement responsable de l’information-communication et ambassadrice des alternatives citoyennes, qu’un sourire radieux nous offre des Mr Freeze et des verres d’eau pour faire oublier la canicule. “C’est pas toujours comme ça hein, c’est parce que t’es là” plaisante Margaux.
L’alternative citoyenne au cœur du changement
Fondée en 2013, l’association Cap ou pas Cap se définit comme un accélérateur d’engagement et de transition citoyenne. Elle part du postulat que la société peut se transformer par la force d’initiative et la capacité d’agir de ses citoyens. En conséquence, elle s’efforce de donner de la visibilité aux idées novatrices qui changent le quotidien. Lutte contre le gaspillage alimentaire, soutien aux personnes sans-abris, boutique sans argent, autant de projets dont le dénominateur commun est de vouloir créer un autre monde, plus inclusif, plus écologique, plus solidaire et fondé sur des valeurs d’humanité.
Pour Cap ou pas Cap ? le changement passe par ces fameuses “alternatives citoyennes” qu’elle entend mettre en lumière et accompagner. Ce sont les initiatives innovantes qui répondent à quatre critères déterminés avec précision par la charte de l’association. Les projets doivent être une réponse locale à un besoin social ; ils sont animés par une utopie transformatrice ; ils sont participatifs et profitent aux citoyens qui en sont les acteurs et bénéficiaires. “Tous ces projets mis bout à bout mènent vraiment à poser les bases d’une société différente” résume Clément Hélary.
Transformer la ville
Grâce à une carte interactive lancée en décembre, l’association référence et situe les alternatives citoyennes d’Île de France. 900 d’entres elles ont déjà été répertoriées par l’association ou des particuliers puisque la carte est participative. Pour Margaux Nasreddine, il s’agit à la fois de “donner de la visibilité, mais aussi de rejoindre un mouvement”.
En parallèle, Cap ou pas Cap ? monte des projets urbains en partenariat avec des associations locales. Trois expérimentations sont en cours dans Paris : une boîte à dons, un garde manger et un frigidaire solidaires. Elles sont installés dans la rue et accessibles à tous en permanence (sauf le frigidaire qui est accessible pendant les horaires d’ouverture du restaurant la Cantine dans le 18ème). La boîte à dons en particulier est une sorte d’armoire où les passants peuvent déposer ou prendre des objets sans obligation de réciprocité. A raison de 50 objets échangés par heure en moyenne, on trouvera de tout dans la boîte : de la simple chemise à la robe de mariée, en passant par des skis ou des cassettes VHS. Pour le jeune responsable de la communication, “la boite casse un peu la logique de don qui installe un mur entre celui qui donne et celui qui reçoit. En fait tu peux avoir un besoin sans être dans le besoin. Et tu peux être dans le besoin et quand même donner des choses”.
“Rejoindre un mouvement”
Lutter contre le gaspillage alimentaire, réinterroger le rapport à la consommation, aider les plus démunis, les trois expérimentations peuvent sembler anecdotiques au premier abord mais questionnent en réalité nos petites habitudes de consommateurs. “Les gens qui viennent déposer des objets ou de la nourriture, ceux qui prennent du temps pour ranger ou nettoyer ces installations y voient une forme d’engagement citoyen” explique Clément Hélary, “c’est un geste simple, qui est quand même impactant et qui peut être un premier pas dans une réflexion plus globale sur nos modes de vie”.
Et à savoir si de telles alternatives très simples pourraient être reprises à grande échelle par les municipalités, les deux membres de l’association restent prudents : “ça ne peut pas être industrialisé et venir du haut, c’est un processus de co-construction avec les acteurs de terrain”. En effet sans une médiation locale et un processus de réflexion sur les besoins spécifiques d’un quartier, un projet ne prendra pas auprès des habitants, ou beaucoup plus lentement.
En sortant rêveur de la Gare de Reuilly on est obligé d’aller voir ce que la boîte à dons contient à deux minutes à pied de là. Une paire des Clarks en parfait état, quelques vêtements et trois mangas… Bon alors, cap ou pas cap ?