Une vi(ll)e en chantier
« Encore et toujours des travaux ! » Nos villes n’en finissent pas de se transformer, que ce soit pour des aménagements publics ou privés. Et bien souvent ces travaux sont synonymes d’encombrements : bruit, poussière, changements dans les habitudes… Pourtant, ces perturbations passagères sont généralement le signe d’un bien-être urbain futur. Pourquoi alors avons-nous tant de mal à accepter ces chantiers ? Comment permettre aux riverains de se les approprier et de les envisager comme une source d’amélioration de leur quotidien ? Des collectifs d’artistes aux designers, tour d’horizon de solutions innovantes.
Des mutations urbaines mal vécues
Une palissade de bois, un étrange ballet de véhicules utilitaires, la multiplication de panneaux invectivant le piéton de « passer en face », du mobilier urbain étrange et nouveau : pas de doute le quartier est en chantier. Et pour les riverains, les ennuis commencent, car ce sont toutes leurs habitudes qui vont être bousculées. Et pourtant, la multiplication de ces chantiers n’est pas prête de s’arrêter : entre étalement, densification, requalification, mise en accessibilité, etc. nos villes sont en perpétuelles mutations. Le citadin subit les mutations urbaines, il ne les accompagne pas, ne les comprend pas, mais cherche à les combattre. La phase chantier éveille alors de nombreuses critiques sociales et environnementales. Et ce d’autant plus que le chantier apparaît souvent comme un espace clos et mystérieux. Le chantier doit donc non seulement s’ouvrir sur la ville et faire preuve de pédagogie envers les riverains, mais également s’adapter à chaque environnement urbain pour en comprendre les enjeux. Pour bien vivre les mutations de son quartier, il faut oublier le « piétons passez en face », révéler l’esthétique du chantier et proposer aux riverains de l’habiter.
Des collectifs au service de l’acceptation du chantier
Dans le cadre de l’élaboration de futurs chantiers d’aménagement, de plus en plus de collectifs sont amenés à intervenir auprès des collectivités locales. Des ateliers participatifs d’urbanisme sont organisés et invitent les habitants et usagers de la ville à s’interroger sur les futures mutations de leur environnement. Bruit du Frigo, un collectif hybride, cherche des alternatives pour fabriquer le cadre de vie en associant les habitants et les riverains. À Nantes, avant une future démolition, ils ont transformé le porche « Raimu » en un bistrot temporaire tenu par une association de quartier. Ils y ont travaillé sur de la prospective urbaine avec les usagers du quartier Breil-Malville. Ces ateliers promeuvent les outils de fabrication de la ville à l’aide d’une méthodologie confrontant les différents points de vue et expériences. En mobilisant les habitants et en les concertant, Bruit du Frigo a d’autant plus enrichi les réflexions et le projet à venir et minimisé les hostilités liées au futur chantier.
Le design pour mieux accepter les mutations de la ville
De nombreux artistes et collectifs ont testé la capacité d’une démarche artistique, culturelle et architecturale à participer au développement de la ville en devenir ainsi qu’à sa future identité. Le designer contribue lui aussi à bâtir la ville. Il vise une harmonisation de l’environnement humain. Dans le cadre de l’acceptation des chantiers, le designer doit valoriser cet aménagement temporaire et mettre en place une interface relationnelle. Il a donc aussi un rôle de médiateur pour accompagner les riverains, leur permettre de bien vivre cette parenthèse inconfortable du quotidien et les intégrer aux projets et à la ville de demain. Claire Chatelier, étudiante en 5ème année à l’École de Design Nantes Atlantique, s’est orientée vers cette problématique.
« L’objectif est d’activer l’espace chantier, de l’ouvrir au riverain. Il faut encourager à investir ces lieux que l’on a l’habitude de contourner ». Partant du constat que pour mieux accepter son voisin il faut mieux le connaître, elle propose de créer des « fenêtres ouvertes sur chantier » grâce à des installations temporaires. Ces espaces ont une fonction pédagogique, en expliquant le rôle de chaque acteur du chantier ; de médiation, en proposant aux riverains de s’exprimer sur les mutations en cours ; esthétique, en révélant cet aspect méconnu du chantier ; d’observation, en permettant de regarder ce qui se passe sur le chantier. Chaque structure est créée avec des matériaux issus du chantier en cours pour mieux s’adapter à l’environnement urbain. Un moyen de dynamiser les abords de la zone en chantier, habituellement désertée par ses voisins.
Par Claire Chatelier, étudiante en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante