Une Nouvelle R à Biganos : la renaissance d’un centre-ville
Biganos est une ville touchée par la même problématique que de nombreux autres centres urbains : celle d’avoir connu différentes extensions sans réflexion globale, rythmées par les installations successives d’activités disparates, d’axes routiers ou de communication trop nombreux. Pour autant, on ne le sait que trop bien, chaque territoire a ses atouts et son identité propre sur lesquels s’appuyer pour impulser une nouvelle attractivité et autour desquels fédérer ses habitants.
Alors, dès les années 2010, la municipalité de Biganos entreprend de retravailler l’identité de la ville. Et cela passe notamment à l’époque, par la recréation d’une nouvelle centralité urbaine, grâce à un projet de régénération nommé Nouvelle-R. Comme point de départ de ce projet, la municipalité a souhaité miser sur un véritable retour aux sources : d’abord les habitants, pour écrire une histoire commune, puis le paysage ainsi que les matériaux locaux, comme racines pour faire pousser les graines d’un renouveau et imaginer une nouvelle manière de bâtir ensemble le centre-ville.
Au delà de ce projet urbain, c’est donc surtout un double pari qui a été fait par la ville et l’aménageur, qui ont misé sur le paysage et la participation citoyenne comme bases de l’ensemble d’un projet, qui mérite d’être raconté. Car en quoi Nouvelle-R, nous permet-il de poser un regard nouveau sur les projets de recomposition urbaine ? Les acteurs de la ville vous le diront, c’est avant tout par la force du paysage et celle de l’expertise d’usage !
Une recomposition urbaine nécessaire
Biganos est une petite ville de plus de 10 000 habitants, située en Gironde, qui a vu son développement urbain prendre de l’ampleur avec l’arrivée d’une gare, aujourd’hui 3ème du département en ce qui concerne le nombre de voyageurs. Avec l’essor industriel de la ville datant du 19ème siècle, c’est un nouveau quartier qui se dessine, le quartier Facture, qui n’a pas su intégrer dans sa logique urbaine et dans son développement, le centre Bourg. Puis, vinrent l’apogée de la voiture, et le développement urbain autour des deux voies structurantes de la commune, la RD3 et RD650. Des extensions successives qui ont effacé la centralité urbaine avec un étalement progressif et désordonné sans logique urbaine. Années après années, Biganos est donc devenue une ville au centre-ville dissous, une ville à l’identité de moins en moins affirmée, une ville où l’appropriation habitante se construisait alors plus difficilement.
Pourtant la ville de Biganos est attractive car bien connectée. Elle présente en effet des atouts en termes de qualité de vie, avec la proximité de la mer et de la forêt, étant une des portes du bassin d’Arcachon. Le besoin de transformer la ville pour répondre aux aspirations des nouveaux habitants, et à cette attractivité, s’est donc fait sentir. Ainsi, en 2013, le maire prend alors la décision de renforcer la cohésion urbaine, avec la création d’une Zone concertée d’aménagement (ZAC). Son objectif est alors d’impulser une vision d’ensemble, un projet en commun, dans le but de transformer pour 2025, le quartier Facture autour de la gare en un nouveau centre ville pour Biganos, aujourd’hui, principalement lieu de passage et terrain d’accueil d’activités industrielles.
Souhaité par la mairie, le projet vient donc répondre à la fois à une demande de logements avec la densification de l’espace urbain existant, mais aussi à un besoin objectif de redynamisation de l’espace public autour de la gare. Un moyen aussi d’éviter la spéculation foncière provoquée par le développement d’opérations successives, avec une stratégie d’aménagement axant sur la densification et la protection des espaces verts.
Trois défis sont alors à relever. D’abord celui de créer une identité issue d’un héritage à redéfinir avec les habitants. D’autre part, celui de redessiner la centralité de la ville, en réorganisant le tissu urbain et en proposant des espaces où la vie de la ville se concentre. Puis enfin, la nécessité d’impulser une nouvelle proximité tout au long du projet en offrant au sein de la commune, l’ensemble des services attendus dans une ville vivante, allant du logement au commerce de proximité. Logements diversifiés, mobilités douces mises à l’honneur, nouveaux espaces publics et travail sur le cadre de vie, de nombreux sujets ont donc été investis dans une logique commune de revitalisation.
Consulter les habitants pour co-construire une nouvelle identité
L’histoire de Biganos devait donc se réécrire pour cette ville en manque d’identité. Ce projet porte l’ambition d’une nouvelle ère pour le centre-ville, en le déménageant là où se trouve le cœur actuel de la ville : la gare. Mais le projet va bien plus loin, il s’agit de redessiner les contours d’une nouvelle âme pour Biganos.
L’ambition de la mairie et de l’Office public de l’habitat de Bordeaux Métropole, nommé Aquitanis et ici aménageur du projet, a donc été d’intégrer les habitants pour s’appuyer sur leur expérience de la ville. Usagers quotidiens du territoire, les habitants connaissent celui-ci et en possèdent donc une certaine expertise. Et c’est expertise habitante qui a été ici, la base d’une réflexion commune. Le projet a fait le choix de densifier, certes, mais aussi de miser sur des espaces publics de qualité, dans l’optique de relier les lieux de la ville entre eux et de faire réseau.
Associer les habitants a donc été le moyen de choisir, grâce à une vision partagée, les lieux propices pour créer davantage de logements, ou au contraire pour sauvegarder des espaces publics. Ainsi, Aquitanis et l’équipe de maîtrise d’œuvre sont donc partis des retours d’habitants obtenus grâce aux différents évènements de concertation. Il s’agissait par ailleurs de co-concevoir le dessin des hauteurs des bâtiments ainsi que les densités, mais aussi d’adapter au mieux l’évolution du bâti au tissu environnant.
Pour accompagner cette concertation, une “maison des chantiers” fut créée par le Collectif Etc, un groupe de jeunes architectes qui conçoit des espaces éphémères destinés à recréer des espaces en commun. Ouverte à tous, cette maison des chantiers fut nommée BIGRE et se révélera décisive par le rôle rassembleur qu’elle prit rapidement dans cette démarche de concertation. Lieu des différentes étapes de la concertation habitante, mais aussi de toute la programmation d’événements et de temps forts, la maison des chantiers a aussi été un lieu d’accueil et d’expérimentations d’usages variés. Ainsi, les habitants, les associations de la ville qui furent vouées à l’investir, mais aussi la municipalité de Biganos, l’aménageur et les futurs constructeurs ont réellement donné vie à ce lieu.
Et si créer la cohérence passait par le paysage ?
Plus globalement, en faisant du paysage le cœur du projet, Nouvelle-R à Biganos s’inspire en réalité d’une expérience réussie d’Aquitanis, celle des Sécheries à Bègles, qui changea l’approche du projet urbain. Une démarche qui correspondait aussi à la volonté du Maire, Bruno Lafon, de limiter la consommation d’espaces de nature pour la construction des futurs logements. L’idée visée était de pouvoir préserver la présence du végétal dans la ville et même de le retrouver davantage via ce projet.
Car parallèlement à l’étalement de son centre, Biganos a connu un élan d’urbanisation qui a peu à peu largement minéralisé la commune. Aquitanis répond donc à cet enjeu et décide que le paysagiste devra prendre le rôle de mandataire pour entreprendre d’abord un travail sur le paysage, avant de penser aux constructions pour une composition urbaine qui donne littéralement vie au sol.
Investir la question du paysage, c’est donc penser une nouvelle cohérence et surtout aborder différemment la recomposition urbaine, en dépassant l’approche architecturale. C’est par le traitement des espaces publics et des espaces verts que l’architecture prend ici tout son sens. Depuis l’expérience des Sécheries, cette approche adoptée par Aquitanis pour ce projet, est en réalité la nouvelle stratégie de ce maître d’ouvrage concernant l’ensemble de ses réalisations. Le grand parc habité créé à Bègles, a modifié profondément le regard de l’aménageur, sur la manière d’aborder un projet urbain.
L’équipe de maîtrise d’oeuvre dédiée à Nouvelle-R se veut donc pluridisciplinaire, mais elle est surtout dirigée par un paysagiste, Paul Trouillet. Le plan guide du projet, qui dessine les nouvelles circulations, les espaces publics, mais aussi la programmation, a été concerté avec les habitants. L’approche ici fut donc surtout géographique, avec l’ambition de préfigurer la réflexion architecturale par une approche avant tout paysagère, où l’homme s’intègre dans son environnement. Une vision qui replace les habitants dans leur contexte, les aidant aussi à se projeter dans leur nouvelle ville, créant par la même occasion, un lien plus fort avec leur cadre de vie.
Le paysage est aussi un outil nécessaire pour un travail fin sur les espaces publics, dans l’optique de recréer des espaces de rencontres, des lieux qui cherchent à fédérer et qui permettent de replacer la coopération au centre des projets. Autre argument avancé en mettant le paysage au centre du projet, il s’agit d’illustrer l’ambition de refaire une part belle à la nature ainsi qu’à l’environnement pour placer la question de la transition et du développement durable au cœur des échanges avec les habitants. Un travail fin a donc été amorcé sur l’identité écologique des espaces publics, les usages et sur la future vie urbaine de ce nouveau centre-ville.
La matière pour incarner le futur projet
Avec Nouvelle R, l’approche architecturale se veut donc moderne et révélatrice du patrimoine local de Biganos. Pour cela, les architectes se sont intéressés aux origines de l’identité de ce territoire aquitain en cherchant à utiliser « ce que l’on a sous les pieds et à portée de main ». Une approche portée par le Maire, lui-même sylviculteur. L’argile du sol et le bois de Pin des Landes des forêts ont donc été les points de départ pour faire de Biganos un laboratoire d’expérimentations visant à utiliser les matériaux locaux, pour la valorisation des savoirs-faires du territoire et l’amorce d’une nouvelle manière de faire de l’habitat.
Pour concrétiser ce processus d’expérimentation d’éco-construction, la maison des chantiers éphémère nommée BIGRE a été d’abord co-construite en matériaux locaux, par le collectif ETC ainsi que d’autres partenaires locaux. Elle avait pour ambition d’être un lieu ressource pour les différents projets à venir sur la commune, ce que l’on peut voir de manière assez classique dans les maisons du projet. Cependant, cette maison des projets, avait surtout la particularité d’être également un espace de réflexion et d’informations sur les matériaux locaux et durables, les savoirs-faires associés, ainsi que sur les démarches de recyclages et de réemploi.
Dans ce lieu, les habitants avaient donc la possibilité de se renseigner sur les techniques qui pouvaient être déployées dans les projets à venir, mais aussi sur les caractéristiques des matériaux en eux-mêmes, notamment du point de vue de la construction écologique. Dans cette logique, différents ateliers d’expérimentations constructives ont vu le jour pour notamment tester les matériaux. Il s’agissait aussi de montrer aux actuels et futurs habitants de la ville, ce que cela signifie de vivre dans un logement composé de bois et de terre crue, en proposant un test grandeur nature.
Cette maison des chantiers va donc désormais être construite en dur. En prolongement avec son ancienne forme, elle devient “Re-Bigre”, un bâtiment biosourcé qui vise à mettre en œuvre des systèmes constructifs réplicables. Elle aura toujours pour première fonction d’être un lieu dédié au projet de la ZAC de Biganos pour accueillir la concertation habitante. Sa construction s’est inscrite aussi dans le prolongement de l’approche pédagogique et expérimentale autour des matériaux, avec un chantier de formation en matière de construction en terre crue. Elle intégrera aussi un logement témoin destiné à informer les habitants et toutes celles et ceux qui le souhaitent, sur les méthodes de construction. Enfin, ce logement témoin sera aussi une manière de se rendre réellement compte de la qualité attendue sur les différents projets.
Ainsi, en puisant dans son histoire locale et en plaçant le paysage et son environnement au cœur de son nouveau projet de centre-ville, le projet Nouvelle-R marque alors un grand changement pour Biganos, révélant de façon plus générale une transition dans la façon de construire les villes. C’est ici par les usages, au travers d’un travail de concertation très abouti ainsi que par le traitement des espaces publics, que s’esquisse une nouvelle cohérence urbaine. Cette dernière s’affirme aussi grâce à des liens avec l’environnement immédiat, notamment par l’utilisation de matériaux locaux. Un projet urbain à suivre de près pour savoir si la vision commune portée par la ville, l’aménageur et la maîtrise d’œuvre a réellement permis de créer une réelle nouvelle ère pour Biganos.