Une agence franco-japonaise remporte le Guggenheim d’Helsinki

29 Juil 2015

Fin juin, l’agence Moreau-Kusunoki Architectes, fondée en 2011 et basée à Paris, a remporté le concours international lancé il y a un an pour dessiner les plans du futur musée Guggenheim d’Helsinki. Rencontre avec les deux principaux architectes de l’agence, qui nous présentent « Art in the City », le projet lauréat.

Musée Guggenheim à Helsinki. Moreau Kusunoki / Artefactorylab

Le futur musée Guggenheim d’Helsinki, conçu par l’agence Moreau-Kusunoki.
Crédits : Moreau Kusunoki / Artefactorylab

Que saviez-vous d’Helsinki avant de travailler sur ce projet de musée ?

Nicolas Moreau : Nous connaissions déjà le site puisque nous avions logé en face en 2009, lors d’une visite pour découvrir l’architecture finlandaise, notamment celle d’Alvaar Aalto. Les potentialités du site sont liées aux qualités assez exceptionnelles de l’implantation du bâtiment. Nous sommes en centre-ville, dans un port très actif, qui accueille plusieurs millions de voyageurs par ferry chaque année. Helsinki est aussi le centre d’une région très dynamique en Scandinavie : on est à une heure de Saint-Pétersbourg, de Stockholm et des Pays-Bas. C’est une porte ouverte sur la mer. Il y a aussi à proximité du site un marché qui attire autant les locaux que les touristes. Enfin, il y a un parc qui connecte le site à un quartier de musées nationaux et municipaux. C’est donc un carrefour avec beaucoup de potentiel.

Pourquoi construire un nouveau musée Guggenheim ?

Nicolas Moreau : La ville d’Helsinki s’est rapprochée de la Fondation Guggenheim, qui est sollicitée régulièrement construire de nouveaux musées. Le peuple finlandais est très ouvert sur la culture, très éduqué sur les questions de design et d’architecture. Il existe un système de démocratie participative très développé qui a accompagné la Fondation dans la mise au point du concours. L’idée d’un concours ouvert est une demande de la ville. Notre projet a été choisi pour cette raison : il se veut démocratique, on peut traverser le musée sans ticket. C’est la composition pavillonnaire qui permet de pénétrer entre ses pavillons par des espaces interstitiels qui correspondent assez bien à l’esprit et à la culture finlandaise. Ces espaces sont une connexion entre l’intérieur du musée, le parc et la ville. La toiture entre les différents pavillons, elle, est surélevée de 5 mètres par rapport au niveau du sol.

Comment avez-vous conçu le projet ?

Nicolas Moreau : Notre méthode de conception est ouverte : on part avec plusieurs hypothèses et on les met en concurrence pour les tester. Nous travaillons avec des maquettes de site de manière à comprendre les rapports d’échelle entre les différents bâtiments. C’est un travail d’itération et de réitération. Le pavillon s’est présenté comme une solution très efficace pour connecter l’intérieur et l’extérieur. À Helsinki, on est sur un système de grilles hérité de la « grille urbaine ». On s’inscrit comme ça dans une logique de continuité du tissu urbain. La tour est apparue comme nécessaire pour que le musée se signale dans la ville, fasse un dialogue avec elle et renouvelle l’identité du paysage urbain. Haute de 45 mètres, elle dialogue avec les ferrys, les clochers et les tours des cheminées des industries environnantes. L’idée de la tour s’est imposée à nous. C’est aussi un espace à l’étage ouvert à tous, avec un restaurant qui surplombe la ville, ce qui n’existe pas encore aujourd’hui à Helsinki.

Hiroko Kusunoki et Nicolas Moreau.Copyright : Bruno Levy & Julien Weill

Les architectes Hiroko Kusunoki et Nicolas Moreau. Crédits : Bruno Levy & Julien Weill

Quelles étaient les contraintes de ce projet ?

Hiroko Kusunoki : Il n’y en avait pas véritablement, sinon celle d’un terrain industriel situé en bord de mer pour lequel il n’est pas recommandé de faire des fondations souterraines. Il était plus simple de placer toute la logistique du musée au rez-de-chaussée. On a intégré la livraison fermée et contrôlée d’œuvres d’art dans le parcours du musée. Les gens peuvent même observer comment se déroule une telle livraison. C’est une autre expérience du musée.

Pourquoi votre projet a-t-il séduit le jury ?

Nicolas Moreau : C’est la dimension d’ouverture qui a plu, ainsi que la flexibilité dans la composition. Cette flexibilité laisse la porte ouverte pour continuer à travailler sans dénaturer le projet. Nous ne sommes par arrivés avec un projet fini. C’est un projet qui est en capacité d’être interrogé, si on veut retirer un pavillon ou si l’on veut en rajouter un par exemple. On peut réarranger l’organisation sans remettre en cause le concept général.

Quels choix avez-vous fait concernant les matériaux ?

La façade est en bois brûlé. C’est une technique connue en Finlande et plus particulièrement dans le nord du pays, en Laponie. C’est aussi une culture qui existe au Japon sous le nom de yakisugi : en brûlant la surface du bois, on renforce les qualités de résistance du matériau à l’eau, au feu, à la pourriture ou aux insectes. Ce processus a des qualités sociales et écologiques. Il existe une filière de bois brûlé mais elle est petite et réservée à des petits pavillons. L’idée est de faire la promotion de la filière et d’entretenir les forêts en gérant les ressources afin d’établir un cycle vertueux.

Quelles sont les autres spécificités de ce projet baptisé Art in the city ?

Hiroko Kusunoki : Nous avons conçu des sheds, des toitures en dent de scie comme dans les usines, de manière à fait rentrer uniquement et naturellement la lumière du nord pour les salles d’exposition des œuvres d’art. De plus, ces espaces d’exposition sont modulables avec les pavillons. Enfin, les gens sont libres d’interpréter la toiture comme ils le veulent. Il peut s’agir de vagues, de voiles ou simplement de dynamiser la skyline de la capitale finlandaise. Nous ne voulions pas proposer un musée trop institutionnel. Nous avons tout de suite pensé au musée comme une étape dans la journée, le matin sur le chemin après le marché ou bien l’après-midi pour découvrir une exposition. Nous voulions de la légèreté pour ne pas donner le sentiment de se voir imposé de rester toute une journée au musée. C’est une question de flexibilité.
Nicolas Moreau : Il y a aussi de la flexibilité entre jour et nuit. Le lieu n’est pas réservé au seul musée Guggenheim. Ici, il y a un auditorium, là un atelier… On peut par exemple privatiser telle zone du musée pour organiser un événement ou un séminaire sans pour autant bloquer le fonctionnement du musée.
Hiroko Kusunoki : On peut continuer la soirée dans le restaurant avec une vue panoramique, c’est complètement autonome.

L’agence Moreau-Kusunoki a été fondée en 2011. Avant de créer leur agence, Nicolas Moreau et Hiroko Kusunoki ont travaillé au Japon dans des agences comme SANAA et Kuma et avec des architectes comme Shigeru Ban ou Jean Nouvel. L’agence a été lauréate du projet de parvis pour le futur Tribunal de Grande Instance de Clichy-Batignolles et de la future Maison de la Culture et de la Mémoire de Cayenne, en Guyane.

Usbek & Rica
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