Un barrage contre les séismes
Les images ont fait le tour de la terre : des pâtés de maison entiers ravagés et d’autres, comme intacts. Le séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés. Des conséquences qui, d’après les spécialistes, auraient pu être limitées. Fast forward en 2033, dans une Turquie reconstruite.
Région sismique
Dix ans plus tard, la reconstruction est presque terminée. Le séisme qui a secoué la Turquie et la Syrie en février 2023 reste un souvenir douloureux, mais la région a su se relever et tourner la page. De nombreux logements ont été construits dans le respect des normes antisismiques et plusieurs promoteurs véreux ont été condamnés en justice. Mais surtout, et c’est là le chantier le plus colossal, la Turquie et la Syrie ont entamé un long processus de renforcement du bâti existant. Appelé retrofit dans les pays anglo-saxon, le procédé consiste à faire des travaux de consolidation répondant aux normes antisismiques. Ces efforts ont permis de nettement limiter les dégâts provoqués par le violent séisme de septembre 2031, celui à proximité d’Istanbul que les spécialistes craignaient depuis des décennies.
Béton most wanted
Dans les jours et semaines qui ont suivi le séisme de février 2023 dans la région frontalière entre la Turquie et la Syrie, la presse et la population ont pointé du doigt la corruption de certains promoteurs immobiliers turcs. Elles ont dénoncé le contournement des normes et la mauvaise qualité des constructions, dans une région pourtant particulièrement exposée aux risques sismiques. Dans une interview au Monde, Patrick Coulombel, cofondateur de la fondation Architectes de l’urgence, ne dit pas autre chose : “Il y a bien sûr des fraudes, des non-respects des réglementations, des tricheries sur les matériaux, des bétons avec moins de ciment, moins de ferraillages, des aciers de moindre qualité…”. Auteur d’un livre critique sur le béton, les philosophes Michaël Foessel et Anselm Jappe s’interrogent, la catastrophe naturelle en était-elle vraiment une ? “Le problème n’est pas le béton en soi, mais son usage” explique le second. Ainsi, dans un pays endeuillé, la question des responsabilités du secteur privé mais aussi des pouvoirs publics sera centrale pour tourner la page. La réponse politique et celle de la justice sont, semble-t-il, très attendues.
Colmater les brèches
Un tout autre chantier pourrait mobiliser les efforts nationaux et internationaux dans les années à venir. C’est celui du retrofit. En effet, comme le souligne Patrick Coulombel, une autre fragilité des immeubles effondrés tient souvent à son modèle architectural. “On constate aussi que, dans de nombreux immeubles urbains, les rez-de-chaussée sont occupés par des magasins qui, pour optimiser la surface, détruisent des murs porteurs, affaiblissant les résistances du bâtiment.” Ce sont les “soft-story buildings” que l’on trouve beaucoup à San Francisco : des bâtisses dont la structure d’un des étages (surtout les rez-de-chaussée) est plus légère. Comme l’explique Vox dans une vidéo, ce modèle a provoqué des effondrements en cascade lors du séisme. C’était déjà le cas lors du tremblement de terre à Izmit en 1999 : d’après une étude, près de 85 à 90% des immeubles effondrés et endommagés avaient ces structures souples. S’il est possible de réhabiliter ce bâti par la pose de contreventements ou de tiges d’ancrage, le chantier n’en est pas moins colossal. Selon une estimation de la Banque mondiale, près de 6,7 millions d’immeubles résidentiels à travers la Turquie nécessitent des retrofit ou des réparations structurelles, pour un coût de 465 milliards de dollars.