Et si Uber remplaçait nos ambulances ?
Une étude de l’université du Kansas publiée courant décembre a démontré que l’implantation d’Uber dans plusieurs villes américaines a été suivie d’une baisse du nombre d’interventions d’ambulances. Moins chers, souvent moins longs à arriver, les véhicules de transport californiens sont même d’ores et déjà recommandés par certains centres d’appel d’urgence pour les cas les moins graves. Et si Uber révolutionnait le transport sanitaire ?
Les ambulances ont longtemps été un moyen privilégié pour les patients qui voulaient obtenir des soins sans être capables de se déplacer eux-mêmes. Pour autant, toutes les urgences médicales ne nécessitent pas un niveau de prestation si élevé. Dans un contexte de contrôle des dépenses de la sécurité sociale, le coût de telles interventions doit être évalué à la hauteur des besoins.
7% de courses en moins
Complété en France par les véhicules sanitaires légers (VSL) et les taxis, le marché du transport sanitaire pourrait être amené à évoluer rapidement avec l’arrivée des véhicules de transport avec chauffeur (VTC). Une étude de l’Université du Kansas publiée en octobre dernier s’est penchée sur l’impact de l’arrivée d’Uber sur l’utilisation des ambulances. Analysant les données dans 766 villes américaines où l’entreprise californienne s’est implantée, les chercheurs ont remarqué une baisse moyenne de l’utilisation d’ambulances de 7% consécutive à l’arrivée du service de VTC.
Pour expliquer cette baisse, des chercheurs ont prouvé que l’arrivée d’Uber en Californie avait contribué à réduire le nombre de personnes ivres au volant : avec moins d’accidents liés à l’alcoolémie, on dénombrerait moins d’interventions d’ambulance. Cette thèse n’a pas pu être généralisée, mais force est de constater que les statistiques jouent en faveur d’Uber. À New York, le temps de réponse médian d’un Uber est de 2,4 minutes dans Manhattan et de 3 minutes dans les quartiers alentours. Le temps d’une ambulance serait plutôt de 10 minutes, en comptant 4 minutes de l’appel au dépêchement du véhicule, puis environ 6 minutes pour rejoindre le lieu en question. Du simple au quadruple donc…
Le Uber des petits bobos
Mais la vitesse n’est pas l’enjeu en soi. L’ambulance conserve des avantages incontestables en cas d’urgence sérieuse comme son équipement, le personnel qualifié et la circulation prioritaire. De précieuses minutes peuvent être gagnées en apportant des soins dès la prise en charge. Il s’agit plutôt de libérer les ambulances de leurs courses non urgentes. Et pour cela, une tendance semble se dessiner nettement à travers les différentes villes étudiées par l’étude. Sans rendre les ambulances obsolètes, Uber offre une alternative fiable et peu coûteuse. Le patient a plus de visibilité sur le coût de la course et il peut choisir sa destination avec plus de flexibilité.
Bien conseillé, le patient peut même choisir de ne pas aller aux urgences où il risque d’attendre plusieurs heures mais chez un médecin compétent. « Vous n’avez pas besoin d’un neurochirurgien pour diagnostiquer une angine » assène David Slusky, un des auteurs de l’étude. Forte de ces constats, la ville de Washington a décidé d’encourager les partenariats de transport avec les entreprises de VTC pour désengorger les urgences et libérer des ambulances. Ainsi en affectant davantage de médecins aux centres d’appel d’urgence, il est possible d’assurer un diagnostic médical plus tôt et d’opter pour un moyen de transport adapté à la gravité de la situation.
« Who you gonna call ? »
Une meilleure optimisation des transports semble donc possible, elle est même tout à fait souhaitable. Aux États-Unis, depuis le vote de la loi Patient Protection and Affordable Care (surnommée Obamacare) en 2010 et sa mise en place progressive, la proportion de personnes sans assurance maladie est tombée de 20 à 13% de la population entre 2013 et 2015. Un bilan provisoire positif qui a eu pour effet secondaire imprévu de ralentir le temps de réponse des ambulances selon une étude publiée par le National Bureau of Economic Research en août 2017. Sachant leurs frais en partie pris en charge, un nombre croissant de patients aurait fait appel aux transports d’urgence parfois sans véritable urgence, ce qui a eu pour conséquence de réduire l’efficacité globale de la flotte. Le temps de réponse des ambulances aurait été rallongé de 19% selon l’étude.
En France, le vieillissement de la population contribue également à augmenter le volume des transports sanitaires dont la facture a quasiment doublé en 10 ans. La Cour des Comptes évaluait son coût à 3,5 milliards d’euros pour l’année 2010. Des sommes qu’elle appelait vivement à réguler, tant elles pèsent sur les dépenses de l’assurance maladie.
Conscientes de la manne financière, les entreprises françaises de VTC essaient d’obtenir leur part du gâteau depuis plusieurs années. En 2014, Allocab envoyait une lettre ouverte aux maires de France, les invitant à ouvrir le marché du transport de malades assis au VTC.
Aujourd’hui la situation n’a pas évolué, et l’on peut comprendre pourquoi : selon Claude Weinmann, vice-président de l’Union nationale des taxis, « En milieu rural, le transport de patients représente jusqu’à 90% du chiffre d’affaires des taxis ». Si les VTC sont moins implantés en zones rurale, on peut imaginer la méfiance des taxis à l’idée de les voir pénétrer le marché.