Transformer un bureau de poste rural en un tiers-lieu fédérateur
Selon Pascal Desfarge : “Le mouvement des Tiers Lieux représente une infrastructure liquide qui hybride social, culturel et économique.” La disparition progressive des services et du lien social dans les campagnes en fait le terrain de jeu idéal pour implanter un tiers-lieu. Des étudiants de deuxième année de DN MADE Espace de L’École de design Nantes Atlantique ont imaginé la reconfiguration d’un bureau de poste existant situé en zone rurale, en tiers-lieu. Hybride et modulable, il cumule diverses fonctions : café vivant, cyber-marché, cyclo-facto, cinéma botanique, jardin partagé ou “cuisine de mamie”. Visite dans une fabrique de lien social, dans un catalyseur de petits bonheurs et d’explorations nouvelles.
Jalon n°1 : créer du lien
La place du village
L’étalement urbain est un phénomène qui s’étend au-delà des périphéries urbaines. D’après l’INSEE, en 2020, “neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville”. Certaines aires rurales se sont étendues et sont devenues polycentres, perdant au passage leurs commerces de proximités et leurs lieux de mixité sociale. Les villageois sont de plus en plus isolés, en proie à un environnement en cours de désertification massive.
Un groupe d’étudiants a pallié ce manque, en créant un espace intitulé “La place du village”. La symbolique de ce terme renvoie au quotidien, à la proximité et à l’entraide, valeurs largement promues par ce projet de tiers-lieu.
Un espace central dynamise le lieu et facilite la circulation. Poste, cinéma, coin cuisine, espace détente, activités sportives ou artistiques se déploient de manière modulable autour de l’allée centrale. La place du village adapte ses activités au fil des saisons et opère une mue régulière.
Le café vivant
Pour ce groupe d’étudiants, la Poste occupe une place centrale et joue un rôle de catalyseur. C’est elle qui crée du lien entre les habitants. À l’image du café du coin, ce lieu convivial sert la mixité sociale et encourage les dynamiques d’entraides. L’espace postal, à l’entrée du lieu, accueille et oriente les usagers. Le café vivant héberge aussi un espace de restauration, un espace scénique modulable et un espace de co-working.
Certaines zones de l’espace peuvent s’étendre ou se replier en fonction des besoins. La magie de la rencontre opère par le biais des activités offertes par le lieu, mais aussi grâce à certains aménagements spécifiques. Ainsi, pour mettre en place les bureaux de l’espace de coworking, il faut que deux personnes se parlent et coordonnent leurs efforts. Le dialogue entre les usagers du lieu est donc subtilement facilité par les dispositifs existants.
Jalon n°2 : semer du vert
Le jardin partagé
La crise du coronavirus a accéléré un phénomène relativement récent : l’exode urbain des “néoruraux” vers la campagne. Ces nouveaux habitants arrivent avec leurs habitudes de citadins et une sensibilité écologique et environnementale parfois divergente de celles des ruraux.
Ce groupe d’étudiants a donc choisi l’aménagement d’un bureau de poste qui reflète cet engagement écosensible. “Le jardin partagé” abrite un bureau de poste, un pôle de co-working et un panel d’activités vertes pour petits et grands. Le mobilier se déplace, en fonction des évènements : jardinières servant de support assis le temps d’une projection ou d’une conférence, arbre à souhaits mis à contribution pour une activité, hamac mobile, etc. Enfin, le toit du bâtiment est coiffé d’un potager collectif, évoluant au fil du temps.
Le cyclo-facto
L’arrivée de nouveaux habitants et de nouvelles activités en milieu rural modifie en profondeur l’aspect de ces zones ainsi que leurs identités de territoires. Ce groupe d’étudiants a conçu un tiers-lieu un peu différent, valorisant une pratique synonyme d’écoresponsabilité et de partage.
Quoi de mieux que la figure du facteur à vélo pour cela ? Dans l’imaginaire collectif, celui-ci représente une forme de service bienveillant envers les habitants. Ils ont donc imaginé un tiers-lieu intitulé le cyclo-facto. Il valorise les mobilités douces, et plus précisément la pratique du vélo. Des ateliers vélo proposent des circuits à la carte sur des voies vertes ou touristiques pour se réapproprier l’usage du deux-roues. L’ambiance et le mobilier ont été choisis avec soin pour promouvoir l’art du vélo et son univers voyageur.
Jalon n°3 : faire bouillir la marmite
Pour ce groupe d’étudiantes, l’important réside dans la création de liens entre générations et habitants d’un même territoire. Une valeur d’ailleurs partagée par un groupe tel que La Poste. Le projet s’articule autour du savoir-faire gastronomique, un pilier de partage et de ressources entre citoyens.
Pour formaliser leur tiers-lieu, la “cuisine de mamie” est apparue de manière évidente. Création de liens intergénérationnels, transmission de savoir-faire traditionnels, convivialité et partage d’astuces se trouvent autour de l’assiette ! Les matériaux et couleurs choisis, en majorité du cuivre et du bois, installent une ambiance gourmande où l’on prend le temps de savourer la vie.
Les activités proposées par ce tiers-lieu : poste, coworking, potager, ateliers manuels et ateliers de cuisine illustrent la dynamique de transmission entre pairs. Le mobilier choisi reflète aussi la création de liens sociaux, que ce soit dans l’espace central ou dans l’espace de co-working.
Jalon n°4 : associer rat des villes et rat des champs
Le cinéma botanique
Zones rurales et zones urbaines ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Qu’existerait-il de mieux qu’une ville ayant les atouts de la campagne et qu’une campagne offrant des services typiquement urbains ? C’est autour des célèbres figures du rat des villes et rat des champs que ce groupe d’étudiants a pensé sa proposition.
L’objectif de leur projet est de permettre, via le bureau de Poste, d’accéder à des services connotés “urbains” tout en vivant les avantages d’un quotidien rural. Leur tiers-lieu “le cinéma botanique” fait référence à ce double héritage. Les services proposés incluent un espace Poste, un lieu de co-working et un espace de restauration. L’ensemble peut muter en espaces potagers ou en cinéma, suivant les besoins des usagers et les temporalités. Le choix du mobilier permet à l’usager d’alterner entre moments solitaires et moments de partages.
Le cyber-marché
Une phase d’observation d’une zone rurale de la région nantaise a révélé à ce groupe d’étudiants qu’un besoin essentiel des habitants était peu satisfait : le besoin de connexions. Le manque de connexions s’avérait multiple :
- connexion humaine qui crée un climat d’entraide et de partage ;
- connexion numérique ;
- connexion au territoire.
Lors de leurs études de terrain, ils ont constaté que le supermarché jouait un rôle essentiel en tant que connecteur social. En conséquence, leur tiers-lieu se nomme “cyber-marché”. C’est un espace qui offre tout type de services : cuisine, lieu de repos, marché, poste, co-working. Il rassemble toutes les catégories sociales et génère de l’activité. L’espace Poste devient un espace central vers lequel toutes les lumières convergent, car il est le paroxysme de ces connexions sociales et territoriales. L’espace est entièrement modulable grâce à un mobilier qui s’ancre dans le sol ou se transforme, selon l’usage souhaité.
Le tiers-lieu pose les jalons idéaux d’une fabrique de territoire rural pour demain. Ce lieu de vie offre un terrain fertile pour faire croître l’économie circulaire, mutualiser les usages et activités, revitaliser les liens sociaux et rendre au citoyen son pouvoir d’agir sur son environnement immédiat. Les horizons de développements de ce type de processus centrés sur le bien commun sont vastes et prometteurs : et si la Poste se transformait avec les habitants pour se poser en aménageur du territoire, en catalyseur de projets créatifs ?