Transfert, l’expérimentation pour penser la ville de demain
Zone libre d’art et de culture, Transfert est un lieu dédié à l’expérimentation. Installé sur le terrain désert des anciens abattoirs de Rezé, il s’agit d’un espace ouvert temporaire proposant une programmation culturelle riche, avec des moments collectifs de réflexion. À l’horizon 2022, il laissera place à un nouveau quartier, dans le cadre du projet urbain Pirmil-les Isles.
En quoi consiste concrètement cette occupation temporaire ? Quelle est sa démarche et son avenir dans un contexte post-covid ? Pour nous éclairer, nous avons recueilli la parole de Fanny BROYELLE et Nico REVERDITO, directrice adjointe et directeur de Pick-up production, l’association culturelle qui pilote le projet Transfert.
Pour commencer, pouvez-vous nous parler de la naissance de Transfert, de ses enjeux initiaux à la situation actuelle ?
Transfert c’est l’histoire d’un projet commun qui évolue selon les compagnies et les usagers. Le projet a été pensé comme une histoire dramaturgique, avec un lieu, des personnages, mais aussi des contraintes et des péripéties qui bouleversent quotidiennement son développement. La première année représentait l’année de découverte, pendant laquelle les pionniers arrivaient sur un terrain inconnu et devaient apprivoiser ce nouveau lieu. Lors de la deuxième année, ces pionniers se sont appropriés le territoire, ils ont construit un projet commun pour collectivement donner vie au lieu. La troisième année était celle de l’invitation et de l’ouverture aux autres. Pratiquant l’expérimentation et l’adaptation naturelle, cette année a été rythmée par diverses formes d’improvisation, en particulier en réponse à la crise sanitaire. Et c’est notamment tout l’historique hip hop de l’association qui a largement facilité cette dynamique d’adaptation.
De quelle manière avez-vous réussi à développer des liens entre la fabrique urbaine et le secteur de l’art et de la culture ? Est-ce un sujet que vous développez systématiquement dans les projets de Pick Up Production ou Transfert est-il le premier à cette échelle ?
Pour comprendre le contexte, l’association Pick Up Production est habituée à investir des bâtiments en transition et en attente d’une destination finale. Généralement ce type de projets permet à l’équipe d’investir temporairement un lieu, de repeindre des bâtiments et de donner une nouvelle identité visuelle, artistique et culturelle à un espace urbain. Seulement les enjeux de transition et l’étroitesse des liens avec la fabrique urbaine ne sont pas toujours omniprésents. C’est donc bien la première fois que l’association développe un projet culturel et urbain à cette échelle, dans cette temporalité et surtout que cela est conscientisé.
La programmation culturelle du site évolue dans le temps et n’était pas figée à son commencement. Comment la faites-vous évoluer ? Est-ce étroitement lié aux usagers, spectateurs et spectatrices qui viennent sur le site ?
De cette manière, la programmation culturelle et l’atmosphère générale créées par le projet Transfert ont permis d’assurer une véritable mixité humaine au sein du site. Les familles avec enfants, les jeunes, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, se mélangent et se rencontrent dans des espaces accessibles, partagés et appropriés par toutes et tous. Une dynamique notamment rendue possible grâce à une temporalité de long terme, qui à l’image de nombreux autres projets urbains, permet l’élaboration d’une réflexion collective sur la programmation, mais aussi sur le devenir du site et son appropriation.
Justement, si on parle de temporalité et des derniers évènements, quel est votre regard sur la ville culturelle post-covid ? Comment votre démarche peut évoluer dans un tel contexte ? Quels nouveaux enjeux cela a pu créer entre le territoire et le secteur de l’art et de la culture ?
Dans une vision prospective, avez-vous des éléments de réponse pour conserver les dynamiques créées par des projets d’urbanisme temporaire dans le projet urbain final et la future vie de quartier ?
L’ambition de Pick Up Production pour le projet Transfert est d’expérimenter un projet culturel sur un espace urbain aux forts enjeux de transition. L’idée n’est donc pas de quantifier des objectifs, mais plutôt d’adopter une approche plus contextualisée, permettant d’expérimenter de manière spontanée et non figée. Étant actuellement à mi-chemin du projet, l’association espère cependant avoir permis l’ancrage d’une certaine dynamique et d’usages culturels et collectifs.
Véritable laboratoire d’expérimentation, ce projet laisse autant de place aux aléas qu’aux opportunités. Transfert incarne un nouveau rôle de la culture et de l’art, d’être le vecteur d’usages et d’appropriation, ainsi qu’un médium puissant pour imaginer et penser le futur de nos villes. Ces espaces d’occupation temporaire s’apparentent alors à des parenthèses nécessaires, qui par leur temporalité et leur lâcher prise, laissent place à l’exploration de nouvelles réflexions, expressions et idées qui pourraient bien dessiner des solutions durables pour les villes humaines et résilientes de demain.