La thérapie urbaine : un processus de reconsidération de la ville
« Je crois que la « magie » de la médecine peut et devrait être appliquée aux villes, comme beaucoup sont malades et quelques-unes en phase terminale. Comme la médecine nécessite l’interaction entre le médecin et son patient, dans la planification urbaine il est aussi nécessaire de faire réagir la ville ».
Ces mots sont de Jaime Lerner, ancien maire de la ville de Curitiba au Brésil. S’il n’est pas le premier à faire l’analogie entre le corps humain et la ville, Jaime Lerner va plus loin en affirmant que nos villes ont besoin d’être soignées. Mais aujourd’hui, dans le domaine de la médecine comme dans le domaine urbain, on a tendance à prendre ce verbe soigner dans un seul sens : celui de tenter de faire disparaître une maladie. Comme si on attendait que le mal existe pour réagir et l’éradiquer. Oui, mais parfois il est trop tard, c’est pourquoi aujourd’hui des pratiques alternatives comme la médecine douce ou la médecine préventive ont le vent en poupe. Alors peuvent-elles aussi s’appliquer à la ville ? Comment proposer une nouveau type de thérapie urbaine ?
Poser un diagnostic
« Connais toi toi-même ». La formule est célèbre et voudrait dire que, pour que l’on puisse appréhender le monde, l’on doive d’abord en passer par une connaissance accrue de son propre être. Pas étonnant donc que l’Homme tente donc à son tour de comprendre de qui l’entoure à travers son prisme. La ville, entité complexe, n’échappe donc pas à la règle. Ainsi, on a souvent tendance à faire une analogie entre la cité et l’être humain ; on parle d’artères, de centre nevralgique, de coeur de ville… De plus, à l’instar des corps humains, la ville naît, vit et meurt. Et entre ces étapes, on trouve parfois de petits accrocs que l’on pourrait comparer à des maladies. Ainsi, il est nécessaire de prendre conscience des maux urbains. Le développement urbain peut donc être vu comme une sorte d’acte médical. Mais comme un chirurgien n’opère jamais au hasard, ce développement ne peut se faire sans avir au préalable posé un diagnostic clair. Ainsi, différentes analyses doivent être établies en prenant en compte tout ce qui fait fonctionner une ville. Poser un véritable diagnostic c’est donc prendre en compte l’usager, en tant que base du fonctionnement de la ville.
Prescrire un traitement
Et comme pour le corps humain, après l’étape du diagnostic vient celle du traitement. Celui-ci ne pourra être optimal que si l’on a bien écouté au préalable la ville. Tout l’enjeu est à la réhumanisation du traitement urbain, une réhumanisation qui ne sera possible qu’en adoptant un nouveau modèle de réflexion davantage basé sur l’échelle humaine. Souvent, ce traitement se fait au coup par coup, en ne traitant que le corps et en s’intéressant assez peu à l’esprit. On panse les blessures, on applique un morceau de sparadrap. Mais en agissant ainsi, les problèmes ne sont réglés qu’à court terme et les plaies peuvent mal cicatriser. Ainsi, si le traitement est nécessaire, il doit aujourd’hui être repensé.
Vers un processus de thérapie urbaine
Et si ce traitement pouvait être davantage préventif ? Comment cette nouvelle forme de thérapie urbaine peut-elle prendre forme ? Pour Paul Ramiara, étudiant en deuxième année de cycle Master Ville Durable à L’École de design Nantes Atlantique, une des réponses pourrait résider dans le design. Pour Paul, « la thérapie urbaine vise à rapprocher le citoyen de la réflexion urbaine ». En effet, celui-ci étant trop éloignant des centres décisionnels peut mal vivre l’espace public dans lequel il évolue et qui a été pensé et conçu sans lui. Ainsi, Paul a cherché à travers son Projet de fin d’études à « valoriser une zone spécifique à l’échelle humaine par le biais d’une expérience immersive vers le ville de demain dans l’espace public. L’issue de cette expérience est de récolter de l’information sur le sentiment des usagers par rapport à l’expérience pour exploiter ces informations dans la réflexion ». La démarche de thérapie urbaine est donc un processus alternatif visant à reconsidérer la réflexion urbaine et à accompagner le développement urbain classique vers une transition des usages plus en douceur. Ainsi, le corps pourra davantage être en phase avec l’esprit. Car pour la ville comme pour le reste, mieux vaut prévenir que guérir.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique
Vos réactions
Très intéressant! Voilà bientôt 20 ans que l’on fait réfléchir, les enfants des écoles, les collégiens, lycéens, aires publics, femmes relais, office de migrants, personnes âgées à ce qui ne va pas jusqu’à faire réaliser de petits projets.