Stationnement payant – Les mairies cherchent une place
À partir du 1er janvier, le mode de paiement pour le stationnement dans près de 800 villes françaises évolue : une refonte administrative nécessaire selon la Cour des Comptes mais qui pourrait porter atteinte aux libertés individuelles selon la Cnil. À mi-chemin entre des enjeux de mobilité, d’optimisation des recettes et de protection des données individuelles, la modernisation du stationnement payant interroge.
Décentralisé et dépénalisé ?
Cela pourrait ressembler aux épaisses volutes d’une usine à gaz, le système de stationnement payant a été dépénalisé et décentralisé le 1er janvier 2018 pour près de 800 villes françaises. Mais qu’est ce que ça veut dire au juste ?
Jusqu’en 2017, les automobilistes qui négligeaient les horodateurs ou qui excédaient leur temps de stationnement étaient passibles d’une amende de 17€. Le tarif était le même à l’échelle nationale, que l’heure de stationnement soit facturée 4 euros, comme dans le centre de Paris, ou 1,30 euros comme à Nice. Cette infraction pénale était notifiée par la police et l’amende était adressée au Trésor Public.
Depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2018 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles dite loi MAPTAM votée en janvier 2014, les procès-verbaux de stationnement disparaissent au profit d’une redevance d’occupation publique. Ce sont désormais les mairies qui fixent et perçoivent le montant de cette redevance, appelée forfait de post-stationnement (FPS). Ce système ne change rien pour les automobilistes qui avaient l’habitude de régler les horodateurs en temps et en heure, mais fait planer une nette augmentation des tarifs à ceux qui préféraient s’exposer à la contravention. En effet, si certaines villes ont profité de l’occasion pour baisser leurs tarifs comme Castres ou Nancy (10€), la plupart ont augmenté le montant (jusqu’à 60€ à Arles). À Paris, le défaut de paiement coûte 50€ dans le centre ville (arrondissements de 1 à 11) et 35€ dans les autres arrondissements.
« Le chaînon manquant dans les politiques de mobilité »
En premier lieu, l’intérêt de la décentralisation est de donner la main aux collectivités afin qu’elles décident elles-mêmes des tarifs et reprennent ainsi le contrôle sur la mobilité en centre-ville.
Car l’enjeu majeur du stationnement payant est l’attractivité économique : « Si les villes font payer le stationnement sur voirie, c’est pour permettre une rotation des véhicules et amener davantage de clients aux commerces », résume au Monde Louis Nègre, maire (LR) de Cagnes-sur-Mer et président du Groupement des autorités responsables de transport (GART). L’élu déplore la désertification qui touche de plus en plus les centres des villes moyennes et voit le FPS comme un moyen de lutter contre les « voitures ventouses » qui bloquent des emplacements stratégiques pendant de longues heures. Un forfait plus dissuasif et plus adapté aux spécifiés territoriales permettrait de dynamiser cette rotation. À terme, les municipalités auront ainsi une meilleure maîtrise de leur offre de stationnement. En 2005, une étude du cabinet Sareco révélait en effet que la part de la circulation urbaine engendrée par les véhicules en recherche de stationnement se situerait entre 5 et 10%. Douze ans plus tard, en février 2017, un rapport de la Cour des Comptes enfonce le clou en constatant que « la gestion du stationnement urbain pâtit d’une réponse institutionnelle inadaptée » et « globalement défaillante ». C’est le « chaînon manquant dans les politiques de mobilité » assènent les sages.
LAPI, à quel prix ?
Aujourd’hui, alors que seulement 30 à 40% des automobilistes payent leur stationnement, il va de soi que la plupart des parkings sont sous-utilisés. Dans la capitale où le pourcentage tombe à 10%, le manque à gagner atteint les 300 millions d’euros selon la ville de Paris. Mais ces taux catastrophiques ne sont pas une fatalité : en Belgique, 80% des stationnements sont payés tandis que l’Espagne atteint les 90%.
C’est là qu’entre en jeu un nouveau gadget expérimenté depuis plusieurs mois dans certaines villes d’Île de France, dont Paris. Il s’agit de véhicules équipés d’un système de Lecture Automatique des Plaques d’Immatriculation (LAPI), capable tout en roulant d’identifier les véhicules en règle. Les caméras du système LAPI photographient toutes les plaques des véhicules stationnés, simultanément des deux côtés d’une rue. Par transmission satellite, le système informatique central vérifie si les voitures ont bien payé leur stationnement. De leur côté, les automobilistes doivent taper leur numéro d’immatriculation dans l’horodateur ou dans leur smartphone. Les parisiens ont peut-être déjà remarqué le changement des horodateurs, entamé depuis 2016…
Bien plus rapide qu’un agent à pied, le système LAPI devrait nettement améliorer le taux de verbalisation et à terme, celui de paiement. Une ombre plane cependant sur le tableau : dans une délibération du 22 mai 2014, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a déclaré illégale l’utilisation du système LAPI par les communes. En effet, d’une part, seuls les services de police et les douanes sont autorisés à utiliser ces dispositifs, et d’autre part, la captation massive et injustifiée des plaques d’immatriculation pourrait conduire à identifier toutes les personnes empruntant la voie publique. Une telle collecte porterait atteinte aux libertés individuelles et serait illégale.
Si la CNIL a déclaré préférer ne pas sanctionner immédiatement le système LAPI et attendre l’arrivée du forfait post-stationnement, le casse-tête du stationnement payant ne semble pas au bout de ses peines.