Spallian, la Data au service de l’empathie des territoires
Spallian est une agence de conseil en territoire née en 1998 et spécialisée en big data. Témoin et acteur de la mutation des méthodes d’aménagement du territoire grâce aux données numériques, cet éditeur de logiciel impose sa vision à la fois citoyenne et éthique.
Rencontre avec son fondateur et PDG Renaud Prouveur.
Comment est née Spallian et comment s’est-elle positionnée sur le data ?
Spallian est une structure fondée en 1998 qui travaillait d’abord exclusivement sur des missions de conseils d’aménagement des territoires pour le compte de collectivités et de grands groupes. Il y a de ça près de dix ans, on a décidé de diversifier nos activités vers le data, pour avoir une action plus efficace. De là, on a créé une dynamique de développement d’outils en interne qui s’articulent sur deux familles de métiers : créer de l’information et des outils destinés à comprendre cette information. C’est à dire rendre l’information intelligible et intelligente. D’une boite de conseil, nous sommes devenus éditeurs de logiciel, puis maintenant experts de la data, toujours dans le domaine de l’intelligence des territoires.
Pourquoi ce virage vers la data était pertinent ?
Ce sont en réalité des maires qui nous ont dit qu’ils se sentaient de plus en plus coupés de leurs citoyens. Ils nous demandaient des outils qui permettent de prendre la mesure de leur attentes de manière plus régulière. On est donc partis en sens inverse en se disant, « tiens, il y a un trou dans la raquette. On ne sait pas précisément ce que les citoyens pensent de la politique du maire, essayons de voir comment on peut rendre service aux citoyens tout en renforçant leur voix, et la lisibilité de leurs attentes vis à vis du maire. »
Quels sont les outils que vous développez ?
Nous avons créé plusieurs applications. L’une d’entres elles, TellMyCity, permet la valorisation de l’expérience citoyenne. Elle permet à des citoyens de faire remonter des doléances, des suggestions, ou encore de féliciter la ville. Côté mairie, l’application permet d’envoyer de l’information ciblée, et également de faire participer des citoyens à des concertations publiques. En parallèle, nous créons des tableaux de bord, des outils de projections cartographiques et d’analyse de data qui permettent aux maires par exemple d’évaluer la pertinence de leur positionnement de service public, de comprendre comment ils doivent construire l’avenir, en leur offrant la possibilité de faire des projections en termes de projets urbanistiques.
Et quels sont vos partenaires ?
Si 60% de nos activités est ainsi centré sur les villes, cela nous amène à manipuler des données qui intéressent d’autres acteurs. Ils peuvent être soit délégataires de service public, soit acteurs de la promotion immobilière des différents territoires. Plus un acteur comme Bouygues Immobilier par exemple est capable de développer une empathie des territoires et d’assister un maire dans ses projets de développement, plus il apparaîtra comme un acteur performant et à l’écoute des besoins de la collectivité.
Vous parlez d’empathie des territoires, que voulez-vous dire ?
L’objectif n’est pas ici de s’arrêter au projet en tant que tel. Si vous prenez un projet immobilier, aujourd’hui la différence entre deux promoteurs ne se fait plus sur le geste architectural ou sur le prix comme cela pouvait se faire à une époque. L’enjeu pour un maire est de voir s’il a en face de lui un professionnel qui a bien compris quels étaient les impératifs des territoires. C’est à dire d’être sûr qu’il a un partenaire capable de politiser sa prestation, au sens noble du terme ; un acteur qui a réfléchi à l’impact de son projet sur la gestion de service public, en termes d’accès à la scolarisation par exemple. Plus un acteur de l’immobilier montre au maire qu’il comprend ces enjeux, qu’il analyse et tient compte de ses préoccupations, mieux c’est en termes de valorisation de son travail en fait.
Trouvez-vous un engouement citoyen pour ce type de plateforme et d’offre ?
Oui tout à fait. Les élus sont souvent surpris par la participation des citoyens et de la lecture assez fine qui leur est ainsi offerte. Après un an, on constate dans certaines villes qu’un foyer sur cinq est utilisateur de TellMyCity. C’est la preuve d’une volonté des citoyens de participer à la chose publique. On remarque aussi que le temps de traitement des doléances citoyennes est divisé par 6 grâce à l’automatisation. Ce n’est pas négligeable.
Comment protégez-vous les données que vous manipulez et que vous créez ?
D’abord – et c’est le plus important – sur un plan technologique. Nous avons la souveraineté totale sur l’ensemble de la chaine technologique qu’on utilise. Ce sont nos propres outils de calcul, nos propres outils de projection cartographique et d’analyse. On veille à ne pas utiliser d’outils externes pour ne pas avoir de risque de compromettre cette data.
Ensuite on signe avec la ville un contrat de confiance numérique par lequel on s’engage à ne pas vendre les data à des tiers ou en faire un usage nominatif. Cela permet à la ville de garantir qu’elle est d’ores et déjà dans l’esprit du futur règlement européen sur la protection des données qui entre en vigueur le 25 mai 2018.
Quels changements avez-vous observé dans l’aménagement public depuis le lancement de Spallian en 1998 ?
Avant, les villes étaient dans une logique temporaire où elles déléguaient l’expertise à des cabinets de conseil. Désormais elles veulent maîtriser leurs données et avoir une vue précise sur les grands changements urbanistiques. Elles développent une expertise interne grâce à des outils de traitement de données. Un autre changement : on sent de plus en plus une volonté d’écouter les citoyens. Aujourd’hui, il y a un enjeu fort pour un élu local de veiller à avoir le soutien le plus important possible de sa population lorsqu’il lance un projet. Tout ce qui tourne autour des civic tech est extrêmement important pour justement faire en sorte que le débat politique national ne vienne pas l’emporter sur les enjeux locaux.
Quels sont pour vous les défis de ces grandes mutations ?
Aujourd’hui la ville n’est plus le seul échelon de réflexion. Ce qui à mon avis peut compliquer la gestion des projets territoriaux dans les années à venir. On demande de plus en plus de projets au niveau de l’intercommunalité, sauf que l’intercommunalité n’est pas élue. C’est dommage parce que c’est un gage de traçabilité. Un maire doit remettre en cause son mandat tous les 6 ans. Il doit donc rendre des comptes de manière plus rigoureuse que l’intercommunalité qui n’est pas encore vue comme un interlocuteur clé pour les citoyens. Il y a encore besoin de créer des contre-pouvoirs et de faire remonter de l’information de manière plus fluide. Pour l’instant ça ne se passe pas toujours en douceur, il ne faut pas que certaines villes se sentent laissées sur le côté.
Vos réactions
Super programme et vraiment très bien venu pour les territoires Africaines.