Soigner la ville par l’acupuncture urbaine
L’acupuncture appliquée aux villes. L’idée fait son chemin depuis 2005, notamment grâce au collectif Rebar, basé à San Francisco, et grâce à Jaime Lerner, architecte urbaniste brésilien. L’acupuncture urbaine revitalise une « zone malade ou épuisée » en intervenant sur un point clé. Rapide tour d’horizon des pratiques à travers le monde.
« Je crois que la magie de la médecine peut et devrait être appliquée aux villes. » Jaime Lerner n’hésite pas à comparer la ville à un organisme vivant dont la santé doit être ménagée. Ex-maire de Curitiba au Brésil, il a mis en pratique l’urbanisme tactique lors de ses trois mandatures, avant de devenir gouverneur de l’État du Parana. « On peut transformer une ville en trois ans. Un savant mélange de mesures sociales, environnementales et économiques, saupoudrées de créativité. Le tout avec peu de moyens. » Trois principes définissent l’acupuncture urbaine – ou urbanisme tactique. L’urbaniste Mike Lydon a retracé l’histoire de ce mouvement mondial dans un ouvrage coécrit avec Anthony Garcia en 2015. L’acupuncture urbaine consiste à intervenir sur une petite échelle, à court terme et avec des matériaux low-cost. La pratique revitalise une zone malade dans le but de déclencher des réactions en chaîne positives qui vont améliorer la vie du quartier. Il s’agit de lieux précis, on parle de « micro-lieux » comme des immeubles, des pâtés de maison, un carrefour, etc. « La taille n’est pas importante, même la plus petite surface fonctionne, comme le Paley Park à New York », rappelle Jaime Lerner, qui cite ce parc de « poche » à Manhattan, non loin du MoMA.
Renforcer le sentiment d’appartenance à une ville
Les villes américaines ont été pionnières dans ce type d’actions collectives dans la mesure où l’État et les collectivités investissent moins qu’en Europe pour mettre en valeur l’espace public. Les citoyens ont repris petit à petit leur ville en main avec l’aide de collectifs d’architectes et d’urbanistes engagés dans cette démarche d’urbanisme « homéopathique ». Renforcer le sentiment d’appartenance à une ville et le plaisir de ses habitants à y vivre, autant d’objectifs visés par ces nouvelles pratiques citoyennes. En somme, il s’agit de transformer joyeusement l’espace public. C’est ainsi que le collectif Rebar a commencé à aménager des espaces de parking à San Francisco, omniprésents dans la ville. Leur premier « parklet » fait office de manifeste : le but est de se réapproprier les places de parkings extérieurs pour y installer des terrasses éphémères.
Des « rues portables » pour revitaliser un quartier
Pour Jaime Lerner, le sentiment d’appartenance à une même communauté de citoyens rend les gens responsables. Un faible budget municipal n’est pas un frein, au contraire, cela « pousse à la créativité. » Lerner, dont l’un des nombreux objectifs est de réparer en douceur les dommages faits à la ville et au paysage, a conçu par exemple « les rues portables » pour redynamiser des quartiers jugés trop endormis. Inspiré par les bouquinistes de Paris, il s’agit de « mobilier urbain qui autorise les vendeurs de rue à s’installer avec confort et qualité, en ajoutant un nouvel élément au paysage urbain. Les modules sont flexibles et mobiles ». Les rues portables ramènent de la vie dans les zones où les commerces ont peu à peu fermé leurs portes. Loin d’être aujourd’hui un phénomène marginal, l’urbanisme tactique devrait gagner de plus en plus de municipalités dans le monde, qu’elles soient confrontées à des baisses budgétaires ou qu’il s’agisse de favoriser l’empowerment citoyen.
Focus sur quelques projets :
Space Buster, New York
Il s’agit d’un pavillon mobile conçu par le collectif d’architecture berlinois Raumlabor. Une fois sortie de la camionnette, la membrane déployée peut accueillir jusqu’à 80 personnes. La transparence incite le public à venir, voir et participer à ce qui est proposé. Il peut s’agir de réunions publiques, de cours de danse, de workshops. Il a été présenté pour la première fois à New York en 2008 lors d’un atelier participatif urbain.
Lisbonne BIP ZIP
Bairros e Zonas de Intervençao Prioritaria / Quartiers et zones d’intervention prioritaire.
Le programme a été mis en place en 2009 par la municipalité de Lisbonne. Il s’agit d’un instrument de politique urbaine publique qui cherche à améliorer l’habitat. Les projets locaux sont soutenus en vue de renforcer la cohésion sociale et territoriale.
Transforme ta ville, un programme du Centre d’Écologie Urbaine de Montréal (CEUM).
Le programme propose aux habitants de prendre eux-mêmes en charge la mise en œuvre d’un petit projet d’aménagement de l’espace public. Verdissement d’une ruelle ou d’un trottoir, création de potagers urbains, d’aires de jeux, le programme vise à démontrer le potentiel des espaces publics sous utilisés pour créer des villes écologiques, démocratiques et « en bonne santé ».
Chair Bombing
Construire des chaises à partir de matériaux de récupération et les placer dans l’espace public pour améliorer le confort, susciter les rencontres et stimuler le sentiment d’appartenance. Le collectif « DoTank » de Brooklyn a lancé l’initiative dans les espaces publics en déficit de mobilier urbain.
Ouvrages :
Urban acunpuncture, Celebrating Pinpricks of Change that Enrich City Life, Jaime Lerner, Island Press
Tactical Urbanism, Short-term Action for Long-term Change, Mike Lydon, Anthony Garcia, Island Press
Vos réactions
Le travail des URS (Urban Regeneration Centers) à Taipei peut aussi être signalé.