Smart quoi ?
La ville intelligente semble avoir pris le pas sur la ville durable. Pas une semaine sans conférences extraordinaires, colloques internationaux sur la « Smart City » et ses promesses : « La ville au bout de son smart phone » après « la ville au bout de son râteau ».
La smart city, qui n’est rien d’autre que l’application de la gestion de données, dans un temps quasi-réel, aux infrastructures et comportements urbains grâce aux technologies de l’information est un projet qui suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes, les deux versants étant à peu près aussi légitimes.
De quoi parle-t-on ? La ville est une énorme machine à consommer de l’énergie. Elle est responsable aujourd’hui de près de 80 % des émissions de CO2 (source : climatechange.worldbank.org), une tendance qui ne devrait que se renforcer. Près de 2,5 milliards d’individus devraient rejoindre les villes dans les 30 prochaines années, ces derniers ayant besoin d’eau, d’électricité, de moyens de transports, de nouveaux systèmes de gestion des déchets.
A mesure que de nouvelles villes apparaissent, que d’autres s’élargissent, il faudra pouvoir répondre à une demande croissante en services locaux. Mais comment les gérer de manière optimale, quelle doit être la part du secteur privé dans la gestion de ces services, faut-il recourir à des partenariats-publics privés ? Questions loin d’être simples mais centrales pour les décennies à venir.
D’après la banque mondiale, les services locaux représentent près de 20% de l’économie globale (soit deux fois plus que les services de santé !) et pourtant, si les écoles de médecine affluent un peu partout, il existe encore très peu d’écoles formant les étudiants à fabriquer cette ville, dans leur dimension technique et sociale.
Il y a certes d’un côté les ingénieurs qui inventent de nouvelles technologies pour rendre la ville plus intelligente, proposant aux collectivités un ensemble de solutions techniques afin de gérer de manière optimale les ressources, pour piloter au plus près les besoins collectifs mais quand est-il de l’impact réel de ces nouvelles smart tech sur la fabrication des villes ? Beaucoup de gains d’efficacité sans doute mais n’est-il pas aussi certain que ces villes connectés de demain sont aussi les plus vulnérables au moindre incident ? A quoi sert un smart phone capable de mesurer la consommation quotidienne d’un foyer quand il n’y a plus de connexion internet (cf. Sandy pour un bel exemple) ?
Mais vouloir gérer ou optimiser ne résout pas toutes les questions. De quelle offre parle-t-on ? de quelle énergie ? Qui consomme quoi dans la ville ? Les smartgrids donnent-t-ils du sens à la ville et au vivre ensemble sur des morceaux de territoires précis ? Le bien commun peut-il se réduire à de la technologie ou bien faut-il réaffirmer le politique ?
Comme souvent dans le cas d’innovations technologiques, elles existent souvent hors sol, bientôt reprises par des discours politiques optimistes à défaut d’être toujours sérieux. Reste à faire émerger des praticiens capables de mettre en musique l’ensemble, de tenir d’un côté la dimension technique et de l’autre de satisfaire une commande publique, de se faire urbanisme en somme.
Vos réactions
La « ville intelligente » n’est que le moyen de contribuer à la « ville durable ».
Les nouvelles technologies et les nouveaux services numériques doivent être au service d’une meilleure qualité de vie au sein de ces quartiers.
La ville doit être désirable avant d’être smart.