Rivières disparues à Paris : et si l’on déterrait la Bièvre ?
Et si la Bièvre revenait à la surface de Paris ? La question s’était posée lors de plusieurs municipales et en 2030, ce bout de rivière enterré depuis un siècle, qui traverse les 13ème et 5ème arrondissements, a enfin refait surface.
2030, le réveil de la Bièvre
Cela faisait 2 ans et demi que les travaux avaient commencé rue Brillat-Savarin à Paris. Aujourd’hui c’est le grand jour. Les engins sont partis, les grilles enlevées, le lit préparé et nettoyé. Tous les habitants du quartier sont descendus voir la scène. Portables brandis, ils n’attendent plus que la star : la Bièvre. La rivière qui avait été enterrée un siècle plus tôt a été remise à l’air libre au prix d’importants travaux. Et la voilà qui arrive. Pas de grosse vague, elle s’écoule doucement depuis Gentilly en ramenant une brise humide avec elle. Les cailloux changent de couleur, les brins d’herbe se courbent avec le courant, les oiseaux s’approchent… Le moment est émouvant pour tout le monde. Non pas qu’il fasse rejaillir de vieux souvenirs – personne ne se souvient de sa présence passée – mais après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on voit surgir une rivière au milieu du bitume et des immeubles. Et maintenant que l’eau est là, on se demande comment on a pu la bétonner.
Petits ruisseaux…
Derrière cette courte tentative de prospective, il y a un projet bien réel. La Bièvre a fait l’objet de plusieurs démarches de remise à l’air libre. La plupart sont menées à l’extérieur du périphérique où le bâti est moins dense et la marge de manœuvre plus grande. En 2016, l’Haÿ-les-Roses lançait le bal en ouvrant un tronçon de la Bièvre à ses habitants. Arcueil et Gentilly lui emboitaient le pas en 2022. Antony prévoit le début des travaux en 2025. À Paris, la candidate EELV du 13ème Anne Souyris proposait que la Bièvre soit réouverte dans son arrondissement lors des municipales de 2020. Elle s’inspirait de travaux et d’études déjà réalisées dans les années 2000, notamment par l’APUR.
Ce type de projet de renaturation de rivière urbaine gagne en popularité un peu partout. Dans le Val d’Oise, le Petit Rosne a été réouvert. À Séoul, un chantier monumental a été mené pour détruire une autoroute et faire ressurgir la rivière Cheonggye qui était en dessous. Dans un contexte moins urbain mais pas moins intéressant, d’ambitieux travaux d’ingénierie écologique sont menés sur le Rhône.
…Et grandes rivières
Concrètement, il s’agit de chantiers assez lourds. Cela commence en général par l’inspection archéologique des sols qui est réglementaire. Puis, c’est la destruction de la couverture bétonnée de la rivière, en veillant à la solidité du bâti alentour. Il faut ensuite tracer le nouveau lit de la rivière, en créant des méandres selon l’espace disponible. Les berges seront végétalisées pour créer une ripisylve (c’est-à-dire un espace d’échange entre les milieux terrestres et aquatiques). Des chemins de promenade peuvent être également mis en place tout autour.
Avec cette remise à jour, l’idée de fond est que la rivière peut offrir de nombreuses fonctionnalités, de la lutte contre l’effet d’îlot de fraîcheur, au refuge de biodiversité, en passant par la meilleure résilience contre les inondations ou simplement des espaces verts pour les riverains. Problème : il est à peu près aussi coûteux d’enterrer une rivière que de la déterrer. À Arcueil, l’opération de réouverture de 600 mètres de la Bièvre à coûté 10 millions d’euros, financés par la ville, le département et la Métropole du Grand Paris.