Rickshaw ou taxi collectif : les réponses à la question du dernier kilomètre à Mumbai

4 Mai 2015

Les Rickshaws, ou tuk-tuks, sont connus à travers toute l’Asie. Néanmoins, leur nombre incroyablement élevé à Mumbai contribue fortement à la congestion des espaces de circulation tout en générant une forte nuisance sonore du fait des moteurs deux-temps. A côté de cela s’est développé un système moins connu mais très efficace de taxis collectifs permettant de connecter les zones d’habitat importantes mal reliées aux grands axes de transports en commun.

Rickshaws - Mumbai. Crédits : Clément Pairot

Les rickshaws noir et jaune sont un des emblème de la ville de Mumbai. Crédits : Clément Pairot

Le rickshaw : une solution apparente pour la question du dernier kilomètre

Comme nous l’expliquait dans un précédent article Sree Kumar de l’organisation Embarq India, le réseau ferré constitue la colonne vertébrale de la ville de Mumbai. Un réseau de métro est en développement, pour le moment balbutiant avec une seule ligne en activité. Ces infrastructures ferroviaires sont complétées par un système de bus publics et différents transports individuels privés : les plus visibles sont les taxis et les rickshaws. Les taxis opèrent principalement au sud de la péninsule, le nord étant quasi-exclusivement sillonné par les fameux triporteurs. A partir de la gare de Bandra, un des quartiers plutôt cossu de la ville, il est impossible de passer à côté de ces petits véhicules, dont le prix de la course est en moyenne 30% moins élevé qu’un taxi. Prévus pour accueillir un à trois passagers ils se présentent comme une solution intéressante à la question du « dernier kilomètre » reliant le réseau de transports en commun à l’habitation du voyageur.

Rickshaw congestion - Mumbai. Crédits : Clément Pairot

Les rickshaws contribuent pour une part non négligeable aux congestions. Crédits : Clément Pairot

Néanmoins celui-ci pose plusieurs soucis. Contrairement à des villes comme Bangkok où le tuk-tuk est plus polluant au kilomètre que le taxi, ce phénomène négatif n’est pas vrai à Mumbai. En effet, depuis plusieurs années la quasi-totalité des triporteurs sont passés à des moteurs GPL, réduisant fortement leurs émissions (contrairement aux taxis qui eux, sont encore pour beaucoup des vieux modèles à essence Fiat). La question de la pollution sonore est cependant toujours prégnante, les moteurs deux-temps pétaradant souvent violemment. Enfin, leur nombre, absolument impressionnant contribue de manière non négligeable aux congestions du trafic routier, et leur agilité, bien moindre que celle d’une moto, ne permet pas de fluidifier significativement la circulation.

Le rickshaw enfin, malgré ses apparences de véhicule bon marché reste un luxe pour une grande partie de la population. La course minimale en journée est à 17 Rs (0,20 €), prix du kilomètre.

Véhicule du troisième type : le taxi collectif

Chauffeurs taxi collectifs - Mumbai. Crédits : Clément Pairot

Un groupe de chauffeurs de taxis collectifs à Anthop Hill, dans l’Est de Mumbai. Crédits : Clément Pairot

Une solution s’est donc développée, principalement dans les quartiers populaires : le taxi-collectif. Pour comprendre le fonctionnement de ce système, j’ai rendez-vous avec Azhare, à Anthop Hill dans l’Est de la péninsule, un quartier à majorité musulmane sur lequel s’étend un grand bidonville. Azhare a 25 ans et opère depuis plusieurs années sur un trajet d’un kilomètre et demi reliant Anthop Hill à la station de train de Sion, où passe la Central Line. Les taxis tournent tout le temps mais la majorité sont présents entre 6 heures du matin et minuit. Pendant qu’on boit un chai (le thé local), il m’explique : « For a good taxi all you need is : Good Horn, Good Break, Good Luck ! » (Un bon taxi, c’est trois choses: un bon klaxon, de bons freins, et de la chance!).

Taxis file attente - Mumbai. Crédits : Clément Pairot

Les taxis attendent en file où on pousse le véhicule à la force humaine sans allumer le moteur. Crédits : Clément Pairot

L’activité s’adapte, une vingtaine de taxis opèrent le matin, une dizaine dans le creux de la journée. Parqués en file indienne, on les avance en les poussant à la main dans la file, pas d’utilisation inutile de carburant. Le prix de la course est fixe, inférieur à celui du rickshaw : 10 Rs par passager.

Le groupe de taxis est posté à l’entrée du bidonville où la circulation ne se fait qu’à pied et éventuellement en moto. Pas de poteau pour signaler l’arrêt, c’est l’usage qui apprend aux habitants où prendre le taxi. A Anthop Hill, ils sont aisément repérables car groupés, en revanche à Sion, le chargement des passagers se fait au coin d’une station-service sans être très aisément localisable pour le néophyte. En moyenne on compte un départ toutes les 2 à 5 minutes suivant l’intensité du flux de passager. Un taxi ne part presque jamais s’il n’est pas plein.

Asim, qui travaille pour l’ONG Reality Tour m’explique : cette « ligne » de taxis collectifs a été lancée il y a 6 ans. A l’époque ils n’étaient qu’une petite quinzaine de taxis. L’affaire alors très profitable a attiré d’autres chauffeurs. Au fur et à mesure que le nombre grandissait les taxis se sont structurés dans une sorte de syndicat afin d’organiser le travail et de limiter le nombre d’entrants. Aujourd’hui, ils sont 45 (qui se répartissent les différentes tranches horaires de manière informelle) et n’acceptent pas de nouveaux membres.

Leur budget est plus complexe qu’il n’en a l’air. Côté revenus : 1000 Rs de revenu de jour, 400 Rs de location de nuit à un autre chauffeur. Côté dépenses, 400 Rs de carburant, et d’autres plus inattendues. Par exemple, dans ce pays où la corruption est encore fortement présente, chaque taxi driver verse 300 Rs par semaine aux agents de police du quartier pour éviter qu’ils ne soient trop regardants sur le remplissage des véhicules, habituellement limités à 7 passagers ils sont toujours situés entre 8 et 9.

Chaque conducteur a sa technique pour organiser ou optimiser son temps. Tandis qu’Azhare profite des 40 minutes d’attente entre deux courses pour gérer ses affaires courantes (visite à sa tante, dépôt de la mensualité du prêt à la banque), d’autres sont davantage pro-actifs quant à la clientèle et usent de la pratique du « empty » : partir à vide pour enchaîner les retours entre Sion et Anthop Hill aux heures où les flux pendulaires se font dans ce sens.

Un système agile en attendant des transports formalisés

Ce système agile reste minoritaire. Sur l’ensemble des 75 000 taxis que compte Mumbai, 10% seulement sont des taxis collectifs. Au plus chaud de la journée, les taxis collectifs sont parqués pour une bonne partie à l’ombre de la voie du monorail qui entrera en service dans quelques mois. Même si celui-ci ne suit pas spécifiquement le tracé Anthop Hill-Sion, Assim reconnait que le développement du réseau de transports en commun bouscule les habitudes des chauffeurs de taxi collectif. Azhare n’est cependant pas très inquiet, si cette ligne-ci s’essouffle il en trouvera une autre ailleurs dans la ville.

Le système de taxi collectifs se présente donc comme une alternative agile et peu encombrante pour pallier à des transports en commun souvent lents et coûteux à développer. De par son gabarit, il peut s’adapter à des zones de populations aux densités plus faibles que celles nécessaires pour le développement de transports en commun traditionnels. Il pourrait donc être mis en place comme une première étape accompagnant le développement de zone d’habitation, en attendant que les transports publics prennent le relais.

On peut d’ailleurs relever que c’est dans un esprit assez similaire que l’on voit apparaître en France des lignes de Transports à la Demande (TAD), dans la région de Toulouse notamment. Dans ces systèmes complémentaires aux réseaux de transports en commun traditionnels, des véhicules d’une dizaine de places, parfois réservées la veille, permettent de relier les zones habituellement non desservies avec les stations de métro et de bus.

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