Repenser l’accessibilité par le design
2015. Cette date devait signer pour les personnes à mobilité réduite la fin des galères pour accéder aux lieux publics, écoles, transports, habitats et voiries. En ce début d’année, l’espoir a laissé place à la déception puisque l’échéance a été reculée de 3, 6 à 9 ans selon les cas. Et si l’on prenait le problème à l’envers ? Au lieu de faire des actions correctives au cas par cas, ne faut-il pas privilégier des solutions adaptables à tous ? C’est en tout cas ce que propose le concept de Design For All.
Nous avons trop souvent tendance à considérer que la mise en accessibilité des ERP, des transports ou de la voirie ne concerne qu’une petite partie de la population : les personnes handicapées. Or, ils ne sont pas les seuls à éprouver des difficultés en déambulant dans les villes. Prendre le métro avec un bagage ou une poussette peut également s’avérer être un véritable parcours du combattant. Les personnes âgées ou les femmes enceintes sont également soumises à rude épreuve dans leur parcours urbain. Sans oublier les handicapés temporaires, jambe dans le plâtre, entorse, etc. qui se rendent compte l’espace d’un moment que nos villes regorgent d’obstacles. En pensant accessible à tous, on en vient à imaginer des villes confortables pour tout le monde. Et il suffit d’être observateur : quand un aménagement spécifique, comme une rampe qui contourne un escalier, est créé, nous sommes très nombreux à l’emprunter.
Le Design For All : quelles avancées ?
Imaginez qu’une pratique émergente du design puisse faire évoluer l’accessibilité pour concevoir le meilleur et pour éviter le pire. Imaginez que cette nouvelle approche ait pour vocation d’aller au delà des normes, notamment en prenant en compte l’ensemble des besoins des usagers dans leur diversité, en privilégiant la qualité d’usage et le confort pour tous. Cette nouvelle façon de penser existe et se nomme le Design For All (DFA). Le designer américain Ron Mace en a énoncé les sept principes fondamentaux en 1987. Il s’agit d’opter pour une approche positive de la contrainte et d’insister sur des qualités architecturales ou d’usages (visibilité, facilité). Sa mise en œuvre exige la transversalité des compétences, des métiers et des usages. Il faut passer d’une logique de réparation à une logique d’investissement.
La rue idéale : la rue accessible
L’accessibilité n’est pas le problème, elle révèle le problème. Dans le cas d’un commerce de proximité, l’effacement des marches à l’entrée et la pose d’une rampe réduisent de fait la surface commerciale. Et si le problème n’était pas l’accessibilité, mais une rue qui n’est pas à l’échelle du piéton ? Si l’on profitait de l’accessibilité pour mettre en œuvre la ville lente et amie des piétons ?
Les étudiants de l’Ecole de Design Nantes Atlantique ont été invités par la Ville de Nantes à penser des solutions simples pour rendre des commerces accessibles. C’est avec cette approche complète des usages, du passage et des utilisateurs que des solutions acceptables pour tous ont pu être trouvées. De plus, en ayant une vision élargie, il est parfois possible de trouver des systèmes communs à plusieurs commerces, ce qui réduit alors les coûts, rend par exemple visible un linéaire de commerces et augmente l’accessibilité. Il est nécessaire alors de coordonner les compétences des responsables de voirie et les envies des propriétaires de commerces pour une accessibilité à l’échelle de la rue. Le design de l’accessibilité pose donc des questions d’organisation des services et de stratégies urbaines.
A l’intérieur des commerces, en s’intéressant à l’aménagement et aux usages existants, aux contraintes et aux flux, les étudiants en sont venus à proposer des solutions simples et innovantes dépassant le cadre de la simple mise aux normes. Par exemple, quand il est impossible de créer un ascenseur pour monter à l’étage, pourquoi ne pas envisager une application numérique permettant de découvrir la marchandise, à distance et dans le magasin ? Grâce au DFA la contrainte imposée par la loi devient alors un vecteur d’innovation et d’amélioration globale des pratiques.
Par Aurore Colasson, Benjamin Gagneux, étudiants en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante