Handicap : comment rendre la ville accessible à tous ?
En matière de handicap, la France fait des efforts mais sa marge de progression reste énorme. Trois experts de l’accessibilité font le bilan et dressent des pistes pour que, demain, les personnes en situation de handicap trouvent enfin la place qu’ils méritent dans l’espace urbain.
Février 2005. La France vote une loi qui oblige les villes à offrir un cadre de vie adapté aux habitants handicapés en rendant l’espace urbain accessible à tous d’ici à 2015. À deux ans de l’échéance, tous les observateurs s’accordent à dire que l’objectif ne sera pas atteint. À qui la faute ? Comment faire évoluer les mentalités ? Quelles sont les initiatives les plus innovantes et durables pour faciliter l’intégration des personnes handicapées ? Comment changer le regard des acteurs de la ville pour transformer une contrainte en opportunité d’innovation ? Nous avons posé ces questions au président de l’Association des paralysés de France, au « responsable accessibilité » de la mairie de Grenoble (élue ville la plus accessible pour les handicapés en 2013) et à l’architecte Luc Givry.
Jean-Marie Barbier, président de l’Association des Paralysés de France (APF) :
« Chaque année, nous publions un baromètre des villes françaises les plus accessibles. Cette année, la note moyenne est de 13/20, + 1 point par rapport à 2012. C’est positif mais encore très insuffisant. Seulement 50% des écoles et 33% des bus sont aujourd’hui accessibles aux personnes en situation de handicap. Et la France a beau être le pays le plus touristique au monde, elle se prive de 12 millions de touristes supplémentaires par an à cause d’un déficit d’accessibilité, d’après un rapport de la Banque Mondiale. La loi de 2005 appellait à une véritable révolution culturelle qu’on attend toujours. »
Hervé Buissier, responsable du pôle accessibilité à la mairie de Grenoble :
« Aujourd’hui, c’est difficile d’être innovant en matière d’accessibilité : toutes les villes font plus ou moins les mêmes aménagements. Une initiative originale, c’est notre programme « Tourisme et handicap » : une offre élargie de loisirs pour les personnes handicapées, qui peuvent notamment accéder au site fortifié de la Bastille qui surplombe la ville. D’ailleurs, à Grenoble, tous nos bus et tramways sont accessibles aux personnes en situation de handicap. Nous accordons aussi des subventions aux commerces pour les aider à se mettre aux normes et nous organisons en septembre un « mois de l’accessibilité » pour sensibiliser le grand public au handicap, avec plus de 70 manifestations au programme. »
Luc Givry, consultant accessibilité, ARVHA (Association pour la recherche sur la ville et l’habitat) :
« J’ai été enchanté de voir arriver la loi de 2005. Mais, en ce qui concerne l’accessibilité des bâtiments, ce texte ambitieux et généreux s’est dilué dans les 2 arrêtés d’août 2006 qui en ont donné les règles à respecter. Nous avons assisté à une véritable dérive sémantique. Quand l’arrêté prescrit « Il faut au minimum que… », presque tous comprennent « Le minimum est ce qu’il faut », oubliant l’objectif fixé par la loi. Il faut bien sûr respecter les minima réglementaires, mais il faut surtout loger, accueillir, éduquer, employer, nourrir et distraire les personnes quelles que soient leurs capacités. Aujourd’hui, nous voyons certifiés « accessibles » des immeubles au seul fait qu’ils respectent a minima la réglementation alors qu’ils ne sont pas accessibles dans les faits. Sur 28 000 inscrits à l’Ordre des Architectes, une très petite minorité s’est formée à l’accessibilité. Et trop souvent, cette formation n’a porté que sur la seule connaissance de la réglementation. Pour faire bouger les choses, la volonté des donneurs d’ordre, élus locaux ou maîtres d’ouvrage, est essentielle. Il leur appartient de donner l’impulsion. Les architectes et les urbanistes suivront. »
Vos réactions
Il y a encore du chemin pour que les villes se mettent aux dernières normes pour handicapé. Par rapport aux villes des U.S.A., anglaises ou scandinaves nous les français, nous sommes très en retard parce que principalement il n’y a pas d’argent à gagner. Sauf si nos élus prennent en compte les douze millions de touristes de manque à gagner pour venir visiter la France et son histoire.