Réinventer l’île de la Cité
L’architecte Dominique Perrault et Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, ont remis à la maire de Paris et au Président de la République un ambitieux rapport autour de l’île de la Cité. Le défi ? Faire de cette « île-monument » un véritable lieu de vie.
D’ici 2040, une île de la Cité complètement transformée ? Dans une lettre du 7 décembre 2015, François Hollande reprochait à ses bâtiments d’être « des blocs impénétrables » et a fait appel à Dominique Perrault et Philippe Bélaval pour remédier à cette situation. Intitulée « Mission île de la Cité, le cœur du cœur », le rapport, remis à l’Élysée le 16 décembre, est aujourd’hui librement consultable. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble sur le chantier de la BNF.
Notre-Dame, la Sainte-Chapelle ou encore la Conciergerie, l’île se distingue par ses monuments et par sa fréquentation touristique : 14 millions de visiteurs par an pour Notre-Dame, un million à la Sainte-Chapelle et 500 000 à la Conciergerie. Mais elle est peu habitée (seulement 1000 habitants) et nombre d’appartements sont loués via Airbnb. C’est un lieu de circulation entre les deux rives, les gens y passent, s’y arrêtent peu. Pour Dominique Perrault et Philippe Bélaval, l’île de la Cité « ne parvient pas à incarner sa fonction de cœur battant de la ville ».
35 propositions pour l’île de la Cité
Dominique Perrault observe que « les Parisiens la fréquentent très peu, sauf quand ils y sont convoqués ». Le rapport détaille 35 propositions et rappelle que « la dernière intervention d’ensemble des pouvoirs publics sur l’île est celle du baron Haussmann ». Le déménagement du Palais de justice en 2018 aux Batignolles et celui de la Police judiciaire constituent « une opportunité unique » de repenser l’espace disponible, soit 22 hectares.
L’île n’est plus « qu’un labyrinthe de citadelles administratives, de blocs monolithiques difficilement perméables. C’est une île-bâtiment lugubre qu’il faut réenchanter ». La démarche défendue par la mission est celle de l’acupuncture urbaine. « C’est l’accumulation de petites pressions sur des points isolés du corps humain qui agit pour le bien être du sujet tout entier. Il en est de même pour la thérapie proposée pour l’Île de la Cité : chaque intervention suggérée ici correspond à l’apposition d’une aiguille. »
« Faire renaître le désir d’une île »
L’objectif de Philippe Bélaval et de Dominique Perrault « est de proposer des mesures pour réveiller le cœur historique, géographique – avec le kilomètre zéro – et affectif de Paris et de la France en le transformant ». Le calendrier envisage un « triple horizon » : avec d’abord des mesures rapides à mettre en œuvre, comme la restriction de circulation, des aménagements entre 2017 et 2024 (une échéance qui rejoint celle de la possible organisation des JO en 2024 et de l’Exposition universelle en 2025) et une troisième étape échelonnée entre 2025 et 2040.
« Réaffecter le sous-sol de l’île »
L’approche de Perrault privilégie le sous-sol, un concept dénommé GroundScape et exposé l’année dernière à l’agence d’architecture DPA. « Explorer le paysage du sol et son épiderme. Offrir un prolongement racinaire à des bâtiments construits. » Les travaux envisagés se concentreraient ainsi en grande partie sur le sous-sol de l’île, en réaffectant par exemple les parkings existants. Le patrimoine de l’Île étant protégé par la France et l’Unesco, les chantiers proposés pourront rencontrer un certain nombre de détracteurs. Faire « renaître enfin le désir d’une île » est donc un défi urbanistique qui sera présenté et expliqué entre mi-février et mi-avril 2017 à la Conciergerie lors d’une exposition.
Exemples de propositions
- L’architecte Dominique Perrault propose d’ici à 2040 une gigantesque dalle transparente à la place du parvis de Notre-Dame, long de 135 m et large de 100 m. « La façade de pierre de la cathédrale va se refléter sur ce sol en verre, lequel permettra de baigner la crypte archéologique de lumière naturelle, et de faire le lien avec la Seine. »
- Les rapporteurs suggèrent d’édifier une grande serre de plusieurs étages, une sorte de « Crystal Palace », pour abriter l’actuel marché aux fleurs et aux oiseaux.
- Les quais sud de l’île de la Cité seraient entièrement piétonnisés et végétalisés
- Les places de stationnement seraient bannies entre la pointe du square du Vert-Galant, en aval, et celle du mémorial des Martyrs de la déportation, en amont.
- La rue de Lutèce, au cœur de l’île, deviendrait une place majeure, animée et identifiée par un pavement spécifique, « telle la place Saint-Marc de Venise ».
- Pour la Ville de Paris, « il est évident qu’à horizon 2040 le trafic automobile n’aura plus sa place sur l’île, à l’exception des bus, des véhicules de la préfecture de police et de l’AP-HP ».
Pour en savoir plus, c’est ici et là !