Réinventer la place des marques dans la ville : entretien avec JCDecaux Explore
La question de la publicité dans l’espace urbain soulève inévitablement certaines polémiques. On se souvient par exemple du maire de la ville de Grenoble qui, fraîchement élu, avait fait grand bruit en annonçant il y a un an la fin de la publicité dans l’espace public. Impossible évidemment de ne pas citer Sao Paulo, première ville estampillée « zéro pub » – à ceci près que la pub recommence à pointer le bout de son nez dans la mégapole brésilienne… Faut-il y voir un signe d’apaisement ?
Dans le même temps, on observe depuis quelques temps une véritable mutation de la publicité urbaine : toujours plus créative, elle s’immisce dans les interstices de la ville en inventant de nouveaux moyens de communiquer avec son audience, loin des simples affiches d’antan… Notre veille fourmille ainsi d’exemples, souvent enthousiasmants, démontrant la capacité des marques à se métamorphoser pour trouver leur place dans un espace public déjà bien saturé en signes et symboles. On pensera par exemple à ce mobilier urbain imaginé pour IBM par l’agence Ogilvy, et qui traduit bien la manière dont les annonceurs se transforment en véritables acteurs urbains le temps d’une campagne. Dans ce contexte, le curseur de l’innovation se déplace alors vers les marques, qui se découvrent de nouveaux besoins auxquels elles ne savent pas forcément répondre seules.
C’est en réponse à ce constat que JCDecaux a lancé le laboratoire JCDecaux Explore, annoncé fin 2015, et qui devrait connaître ses premières itérations dans les jours qui viennent. Nous avons donc interrogé ses deux co-directeurs, Adrien Figula (directeur des nouvelles interactions) et Damien Melich (directeur de la création et des contenus), pour mieux comprendre la manière dont un groupe tel que JCDecaux réfléchissait à la place des marques dans la ville de demain.
Pour commencer, pourriez-vous nous présenter le projet JCDecaux Explore ?
En un mot, il s’agit d’un programme de co-création entre annonceurs, agences de communication, agences médias, start-ups ou acteurs de l’économie numérique, avec pour objectif de faire émerger des innovations à destination des marques, et donc de toucher leurs audiences de manière inédite dans la ville de demain. Nous donnerons l’opportunité à ces différents acteurs de travailler tous ensemble, le temps d’une journée de Design Thinking appelée EXPLORE DAY qui aura lieu mi-février. Le maître-mot, c’est la connectivité, mais pas forcément comme on l’entend habituellement. L’idée n’est pas de mettre des écrans partout, mais d’inventer de nouvelles manières d’interagir avec les citadins. Concrètement, l’objectif est de faire émerger des projets pour connecter les marques et leurs audiences grâce à nos mobiliers, dans nos différents univers, que ce soit via leur smartphone ou par de nouveaux formats d’interactions qui restent à imaginer…
Avez-vous déjà une petite idée du type d’innovations qui pourront aboutir ?
Nous n’avons pas d’attentes précises sur le type d’innovations que nous aimerions voir naître de ce programme, mais nous savons sur quels axes de travail nous allons plancher : le multicanal, le parcours client enrichi (c’est-à-dire l’ultra-personnalisation), et la dimension servicielle des marques…
D’ailleurs, pouvez-vous nous en dire plus sur ce dernier point ?
En effet, c’est l’une des fortes tendances que nous observons ces dernières années : les marques souhaitent devenir de véritables “opérateurs de services” à destination des citadins (ou des passagers en transit dans le cas des aéroports). Mais comment traduire cela concrètement ? C’est notre rôle de les aider à trouver leur place dans cet environnement. Comme par exemple avec le sponsoring du Wifi gratuit dans les aéroports de Paris depuis juillet 2014 et sur les Champs Elysées, disponible au printemps prochain. Un nombre croissant de marques cherchent ainsi à expérimenter cette dimension servicielle – qui fait partie de l’ADN historique de JCDecaux.
Comment les collectivités perçoivent-elles cette mutation ?
Nous travaillons sur l’espace public, qui est régi par un ensemble de règles que nous devons respecter. Logiquement, une partie de notre travail consiste à dialoguer avec les parties prenantes, et notamment les élus, pour les convaincre de l’intérêt des innovations que nous souhaitons leur proposer. Mais notre rôle est clairement défini : faire de l’innovation en matière de publicité urbaine, tout en respectant ces règles nécessaires à l’équilibre de l’espace public.
Dans cette perspective, de quelle manière les acteurs urbains pourraient-ils s’associer à ce projet ?
L’objectif fondamental de ce projet, c’est de faire bénéficier les annonceurs de notre savoir-faire en matière d’innovation. C’est pour cela qu’au départ, JCDecaux Explore sera essentiellement centré sur eux et leurs besoins ; viendra ensuite un temps pour élargir à d’autres écosystèmes et pourquoi pas les collectivités ou les acteurs urbains !
En guise de conclusion, comment voyez-vous le futur de la publicité urbaine, à l’aune d’un projet tel que JCDecaux Explore ?
L’écosystème actuel est en pleine mutation, c’est indéniable. Les agences de publicité intègrent elles aussi ce type de lab, il était donc logique pour nous de s’inscrire dans cette dynamique. Cela fait d’ailleurs émerger de nouveaux métiers chez nous, qui rendent compte de cette mutation : le rôle du “creative technologist”, par exemple, sera de décoder les technologies émergentes pour les traduire en nouveaux usages ; le “brand content manager”, quant à lui, aura pour mission de décrypter la stratégie de communication de nos clients de manière à leur proposer des innovations qui leur correspondent… Ce que l’on souhaite, c’est accompagner les marques pour qu’elles puissent s’exprimer de la meilleure manière dans l’espace urbain, et toucher une audience toujours plus mobile !