Et si on réinventait la commercialité pour sauver les centres-villes ?

Les centres des villes moyennes se vident de leurs commerces.
12 Juil 2017

Au cours de cette dernière décennie, la sonnette d’alarme n’a cessé d’être tirée pour venir en aide aux villes moyennes, car un constat national se dresse : les centres des villes moyennes se meurent !

Il y a maintenant un an se tenaient d’ailleurs les assises pour la revitalisation économique et commerciale des centres-villes à Bercy. Le bilan est lourd et se mesure en termes de vacance commerciale. Si ce taux dépasse les 5 %, cela signifie qu’on ne se situe plus dans une situation conjoncturelle, mais qu’on entre dans une dynamique structurelle plus profonde. Alors que la moyenne nationale était déjà de 6,1 % en 2001, elle est passée à 10,4 % en 2015. Dans les villes de 10 000 à 100 000 habitants, un commerce sur dix est durablement vacant. Dans le diagnostic national, on note également qu’au moins quatre villes dépassent les 20 %, avec un taux de vacance record de 24 % pour Béziers.

Les centres des villes moyennes se vident de leurs commerces.

Source : http://www.ouest-france.fr/economie/commerce/commerce-pourquoi-tant-de-magasins-vides-en-centre-ville-4472377

Ces villes en crise mettent le doigt sur l’engrenage de la perte d’activité et d’attractivité. Mais comme le veut le vieil adage, après la pluie vient le beau temps ! Dans chaque situation de crise naît un phénomène d’adaptabilité et de résilience qui entraîne une révolution via l’innovation. Après trois ans de mise en faillite, la ville de Détroit renaît de ses cendres. C’est dans une situation de crise urbaine, économique, politique et sociale extrême que ses habitants se sont réinventés en initiant une pratique de l’agriculture urbaine, devenue aujourd’hui un modèle de redéveloppement urbain à l’échelle mondiale ! La crise commerciale des villes moyennes françaises n’est que l’indicateur de l’existence de problèmes plus profonds tels que l’aménagement du territoire. Face à ce constat il semble intéressant de partir à la recherche des ces initiatives à l’avant-garde d’une nouvelle forme de commercialité. Aujourd’hui en situation de crise, les villes moyennes ne seraient plus un poids à porter mais le terreau d’une révolution structurelle dans notre façon de vivre la ville. Votre centre-ville ne se meurt pas : il renaît !

Il faut s’attaquer à un problème par la racine !

Bien souvent, l’arrivée des centres commerciaux est pointée du doigt. Si ces structures titanesques sont effectivement en cause, peut-on pour autant dire qu’elles sont les seules responsables ? Effectivement, l’arrivée fulgurante des centres commerciaux se fait en lien avec l’avènement d’une société de consommation, au cœur des années 70. A cette période, l’urbanisme des villes modernes place en grande partie la voiture au cœur de la logique de l’aménagement. Ces complexes commerciaux sont complémentaires à ce modèle : l’accès automobile y est simple et le stationnement facilité.

Majoritairement implantés en dehors des villes, ils sont aujourd’hui reconnus coupables de leur perte d’activité. C’est pourtant l’ensemble de ce modèle urbain qui est mis en cause dans cette crise. Basé sur une logique d’étalement spatial, permis par l’accession en masse à la voiture, cette période urbaine repousse les résidents en périphérie, si bien qu’aujourd’hui seul un tiers des français vit dans les centres. Or, qui dit moins d’habitants en centre dit moins de passage obligé. Il faut donc faire revenir les clients en centres-villes eux-mêmes hostiles à l’usage de la voiture. Les embouteillages, le stationnement payant ou encore le manque de parking repoussent les visiteurs. La question de l’accessibilité est à repenser.

Toujours autour de cette façade « centre commercial », un autre point nous inquiète. C’est en observant du côté des Etats-Unis, précurseurs de la ville moderne, que nous percevons les contours de la menace qui nous pend au nez : les Dead Mall. Ces surfaces commerciales sont devenues des villes fantômes, abandonnées de toute forme de vie. Ce phénomène est d’abord lié à un taux de création de surfaces commerciales exponentielles face à un taux de consommation qui reste faible. En France, celui-ci avoisine les 1 % annuels pour 4 % supplémentaires de surfaces commerciales. Là-bas, on se rend compte que cette désertification est liée à l’arrivée du e-commerce, un phénomène que nous devons prendre en compte. Faire ses courses de chez soi résout définitivement les problèmes d’accessibilité !

Les dead malls sont des centres commerciaux américains abandonnés.

http://money.cnn.com/2014/06/30/news/economy/dead-malls/

L’ensemble de ces logiques, loin d’être exhaustives, entraîne les centres-villes dans le cercle vicieux de la décadence. Face à cela, certains ont bien compris qu’il s’agissait de réadapter nos centres-villes à l’évolution de nos modes de vie qui n’a jamais été si rapide qu’au cours de ces dernières décennies. Ces villes moyennes, qui semblent avoir raté le tournant du numérique, ont une nouvelle chance à saisir pour répondre aux attentes de ses consomm’acteurs en créant une nouvelle forme de commercialité !

La fée du numérique comme médiateur d’une nouvelle commercialité dans les villes moyennes

Les arrivées respectives du numérique et d’internet ont révolutionné nos vies et nos rapports individuels. Cela implique que nous sommes de plus en plus connectés mais aussi que nous allons de plus en plus vite dans un flux de services non-stop. Or, les centres-villes ne semblent pas y répondre. Aussi, le temps des villes a changé, notamment avec des rythmes de travail qui ne sont plus uniformes. Télétravail, travail le dimanche, travail de nuit. Une multitude de formules s’offre à nous. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles nous avons adhéré au e-commerce : il n’y a pas d’horaires ni de contraintes et les livraisons s’adaptent à notre emploi du temps. Certains initiateurs de la nouvelle commercialité s’interrogent sur cette équation pour que l’offre et la demande puissent à nouveau communiquer, se comprendre et se rencontrer.

Comment rendre le petit commerce accessible pour tous, tout le temps ? Les prémices prennent la forme du « drive piéton », également appelé le “click-and-collect”. C’est sur cette logique que la startup Bluedistrib’ invente son « nouveau mode de ville ». Le principe est simple. Il se base sur la création d’un réseau de consignes partagées accessibles en voirie 24h/24 et 7j/7. Ainsi, vous pouvez faire vos achats en ligne, ou par téléphone, auprès de votre petit commerçant favori et les récupérer quand vous le désirez dans l’une de ces consignes. Grâce à ce système, les petits commerces sont favorisés et vous n’avez plus besoin de vous presser pour arriver avant la fermeture de votre commerçant préféré !

Le click and collect permet de récupérer des produits dans des consignes.

Source : https://www.bluedistrib.com/

Autre solution, la vitrine interactive ! Ce système est apposé sur la devanture des commerces et vous permet de conserver un contact avec votre commerçant 24h/24 et 7j/7. Cela vous permet par exemple de passer une commande lorsque celui-ci est fermé. Quand vous revenez, votre commande est prête !

La vitrine interactive permet de conserver un contact avec le commerçant 24h/24 et 7j/7.

http://www.lsa-conso.fr/magasin-connecte-15-innovations-digitales-pertinentes-pour-les-commerces-de-proximite-photos,245658

Si la mutation digitale est une solution pour la redynamisation des commerces en centre-ville, sa mise en application n’est possible que par la présence d’une offre diversifiée de commerces. Pour impulser ce cercle vertueux, il s’agit de mettre en place des stratégies innovantes pour faire revenir les commerçants en ville.

Faire revenir les commerçants et les badauds en ville

Comme nous avons pu le suggérer, le taux de vacance commerciale national révèle une tendance structurelle. Quand un commerce ferme, Il n’y a pas de repreneur. Cela commence donc par une façade vide. Puis deux. Puis trois. Puis une sur dix et de manière durable. A force d’inoccupation, les locaux se dégradent et, en plus de renvoyer une mauvaise image aux passants, cela chasse les potentiels commerçants. Le mauvais état des structures repousse l’acquisiteur dans l’idée qu’un coût supplémentaire de rénovation viendra s’ajouter à des charges et investissements déjà lourds.

Pour répondre à ces contraintes et inciter les nouveaux entrepreneurs à se lancer, de nouvelles définitions du commerce se mettent en place. Dans certaines villes moyennes, le concept de « boutiques à l’essai » est encouragé. Des locaux sont mis à disposition pendant six mois. Plusieurs avantages sont alors accordés à ces nouveaux arrivants : pas de fond de commerce à racheter, assurance gratuite pendant six mois ou encore garantie d’un loyer réduit. Si au bout des six mois l’aventure est compromise, le tout nouveau commerçant n’aura rien perdu dans l’aventure.

La nouvelle commercialité se définit également à travers le concept de boutique éphémère également appelé « Pop-up Store ». Des grandes enseignes ou petits commerçants s’installent pour une durée déterminée dans des locaux commerciaux désertés. Le caractère temporaire de leur installation induit plusieurs bénéfices. Il crée un effet de surprise chez les consommateurs et attise leur curiosité. Pour le commerçant, cet engouement lui offre une communication gratuite. Ce format commercial permet également une baisse des loyers, puisqu’il occupe de manière temporaire un local à l’abandon. Ces avantages lui offrent une phase test avant d’envisager une installation plus pérenne. Pour la ville, cela permet de lutter contre les vitrines vides.

Le retour à la vie commerciale, c’est un retour au dynamisme économique local, mais aussi à la vie sociale et à un cadre de vie de qualité. Nombreuses sont les formes que la nouvelle commercialité prend : cuisine de rue, commerces éphémères, marchés locaux, plateformes numériques.

Si le commerce est un indicateur de dynamisme et de bien-être d’une ville, le rapport pour la revitalisation économique et commerciale des centres-villes indique également que les villes moyennes les plus résistantes à cette crise sont celles qui assurent une activité événementielle et culturelle riche. Une qualité qui, elle, permet alors de maintenir une présence touristique élevée et continue. Le commerce n’est alors qu’un pendant d’un bien-être global.

 

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

Villat
2 août 2017

Des centre ville interdits aux voitures, pietonniers, ou de toute façon il est impossible de stationner…
Il n’y a qu’à regarder les photos illustrant l’article, édifiant !!!

mh evanno
3 août 2017

Il y a certainement de nouvelles voies à explorer pour à la fois redonner envie de flaner, acheter (y compris quand les commerces sont ouverts…) sans avoir à stationner ni reprendre des transports en commun chargés comme des mules… Au dela des consignes de type Click & Collect, pourquoi pas développer les services de « conciergeries » et/ou de livraison à domicile : vous effectuez votre parcours d’achat, vous réglez sur place et vous convenez d’un horaire de livraison ou de la récupération dans un C&C…

RICHY REGINE
13 novembre 2018

Depuis 2017 RIEN N’A ETE FAIT.
Je me suis installée à Orléans en 2013.
Des travaux de ravalement de façade ont aplati un fichier client de plus de 500 noms.
J’ai tenté d’ouvrir une boutique pour survivre : les travaux de la fibre sont venus s’ajouter aux ravalements : les clients ne pouvaient même plus passer dans la rue pendant des semaines.
Et encore des travaux, et puis le stationnement est devenu payant partout avec des centres commerciaux toujours plus grands et plus nombreux avec du stationnement à volonté gratuit.
Le maire et ses élus m’ont traitée de dommage collatéral pendant 3 ans ; aucune aide ni de la mairie, ni de l’artisanat ni de la chambre du commerce
La boutique et le cabinet ne pouvant toujours pas fonctionner, j’ai créé un atelier de fabrication d’encens artisanaux.
Mes clients ne pouvant toujours pas venir à moi facilement, j’ai décidé de changer d’endroit.
Horreur, Orléans ne veut plus de pas-de-porte, trop de travaux !!! donc celui que j’ai acheté 20.000 € ne vaut plus rien et la société de gestion fait tout pour qu’une vente n’aboutisse pas.
Aujourd’hui ruinée, couverte de dettes, hébergée parce que mes revenus ne me permettent même plus d’avoir un logement social (RSA 320 € dont 100 d prime d’activité) Cool de voir comment la France aide ses artisans.

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