Réduire la pollution de l’air renforce l’égalité des chances
La pollution de l’air n’est pas qu’un enjeu environnemental, mais aussi un enjeu social. Ainsi, plusieurs études démontrent que la pollution de l’air touche de manière inégale les populations et que ce sont surtout les plus vulnérables (familles défavorisées, enfants, personnes âgées) qui en pâtissent davantage.
L’INSEE considère comme pauvres les individus qui « vivent dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté », c’est-à-dire en dessous du seuil de 60 % du niveau de vie médian. La pauvreté est plus importante dans les communes denses, qui regroupent 46 % de la population dite pauvre.
Or, dans ces milieux urbains, les individus sont aussi exposés quotidiennement à divers types de pollution : au travail, dans les transports, au sein du domicile, et même dans les lieux de loisirs.
Si les personnes les plus favorisées peuvent avoir les ressources nécessaires pour se soustraire à ces conditions de pollution néfastes, il n’en va pas de même pour les groupes socio-économiques les plus défavorisés, qui sont d’autant plus vulnérables aux enjeux climatiques.
Des populations plus vulnérables à la pollution
De manière générale, les populations les plus démunies sont très touchées par l’aménagement du territoire et l’organisation de l’espace. En effet, l’exposition aux sources de pollution des populations est dépendante de facteurs tels que l’organisation de la ville et de l’espace, et les politiques d’aménagement du territoire.
Cette exposition aux pollutions s’illustre par exemple par le fait que certaines parties du territoire présentant des caractéristiques socio-économiques plus modestes sont localisées près de sources de pollution de l’air, comme notamment des voiries à fort trafic. Le risque d’être exposé à la pollution de l’air intérieur semble ainsi plus élevé pour les ménages les plus pauvres, en raison de facteurs liés à la localisation, à la densité d’occupation du logement, aux constituants du mobilier, ou encore aux appareils de combustion et aux modes de vie.
En plus du lieu de résidence, les inégalités sociales d’exposition à la pollution de l’air se retrouvent aussi sur le lieu de l’école. Les écoles situées dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) montrent ainsi des taux de pollution plus élevés que les écoles situées hors de ces zones. Ce phénomène peut être dû à la localisation de ces écoles, parfois situées à proximité de zones à trafic routier important, d’autant plus que ce trafic est responsable en moyenne de 63 % des émissions d’oxydes d’azote et de 18 % des émissions de particules fines.
Des études ont ainsi démontré que les enfants défavorisés étaient encore plus vulnérables à ces pollutions. En outre, cette exposition aux particules fines des enfants commence souvent dès la grossesse, dans la mesure où l’exposition à la pollution de l’air est plus élevée pour les femmes défavorisées.
Enfin, selon des études menées en Australie, au Canada ainsi qu’aux États-Unis, les populations les plus défavorisées souffrent également d’une moindre disponibilité des espaces verts à proximité de leur logement, ce qui rend plus difficile encore la possibilité de se soustraire même temporairement à l’exposition à la pollution de l’air.
Une timide prise en considération par les politiques publiques
Face à ces inégalités sociales liées à l’exposition à la pollution de l’air, des préoccupations de justice environnementale ont commencé à se développer en Europe à partir des années 2000, pour tenter d’agir en faveur de l’égalité des chances. Ces considérations ont émergé parallèlement à des travaux portant sur les inégalités sociales de santé, qui ont conduit à une meilleure prise en compte de ces inégalités, ainsi que sur la mise en place de politiques publiques et de santé.
Toutefois, les enjeux d’inégalités environnementales sont encore peu considérés. À ce jour, seul le second plan national santé-environnement (PNSE) a traduit d’une réelle volonté de réduire les inégalités environnementales. Un quatrième PNSE a été mis en place pour la période 2021-2025, qui prévoit de « renforcer les moyens de l’action des départements et des communes pour lutter contre les inégalités territoriales en santé environnement ».
Ces politiques peuvent permettre d’agir en faveur de la mixité sociale, afin d’éviter que des îlots contrastés ne se créent, au sein desquels les populations les plus défavorisées souffrent souvent d’une invisibilité sociale ainsi que d’inégalités dans leurs possibilités de porter et de faire valoir leurs intérêts.
En parallèle, l’UNICEF ainsi que le Réseau Action Climat ont appelé à faire de la lutte contre la pollution de l’air un levier d’action pour agir contre les inégalités sociales. Ces organismes recommandent ainsi de « renforcer la prise en compte des enjeux sociaux dans l’élaboration des politiques de lutte contre la pollution de l’air », « d’appliquer les exigences de justice sociale aux mesures de réduction du trafic routier » de « mieux protéger la santé des plus jeunes et d’améliorer la prise en compte des enfants dans l’élaboration des politiques de santé environnementale ». Ils préconisent également de « renforcer les exigences applicables aux établissements recevant des enfants », afin de lutter contre l’exposition aux pollutions au sein des écoles.
La sensibilisation et le contrôle du respect des obligations, notamment relatives à la qualité de l’habitat, sont également des leviers indispensables afin de lutter contre l’exposition à la pollution de l’air. La qualité de l’air intérieur peut être améliorée grâce au choix de matériaux émettant moins de polluants, à l’amélioration des systèmes d’aération des locaux, ou encore en entretenant les appareils à combustion au sein des foyers. Cette problématique, pour le moment encore peu visible, nécessite un réel travail de sensibilisation de la population.
Car, de façon générale, ce sont d’une part la réduction de la pollution de l’air et d’autre part la lutte contre les externalités environnementales qui permettront de soulager la vulnérabilité des populations les plus défavorisées à ces problématiques, ce qui permettrait in fine de renforcer l’égalité des chances.