Recherche investisseurs pour recycler des friches
De plus en plus, l’Europe de l’Ouest doit faire face aux délocalisations industrielles. Les friches urbaines se développent dans des quartiers devenus péricentraux et les municipalités sont en quête de solutions pérennes pour les reconvertir. En trois décennies, Milan a su résorber bon an, mal an, nombre de friches sans renoncer à sa soif de visibilité internationale. Le port du Havre, lui, s’est déplacé il y a 15 ans vers l’estuaire pour maintenir son rang européen, libérant des bassins historiques pour une opération urbaine d’envergure.
Laisser le privé prendre l’initiative : l’exemple de Milan
Au cours des années 1980, la requalification des friches urbaines devient l’objet principal de la planification milanaise avec la délocalisation d’anciennes usines situées en première couronne de la métropole, comme celles de Pirelli à Bicocca et d’Alfa Romeo à Portello, au nord. La municipalité en envisage une reconquête rapide en fonction de leur desserte par le train ou le métro et privilégie l’outil du grand projet sur la base d’un simple plan directeur. Bénéficiant d’une priorité de financement de la part des collectivités, le grand projet facilite la coopération entre acteurs publics et privés jusqu’à la définition d’un accord de programme. D’initiative privée, la première réalisation d’importance fait l’objet d’un grand concours remporté par l’architecte Vittorio Gregotti : l’entreprise Pirelli se mobilise entre 1985 et 1998 pour reconvertir à Bicocca les 71 hectares de terrains occupés par ses usines en un quartier mixte à vocation universitaire, aujourd’hui desservi par le métro.
Une série d’opérations confiées à des aménageurs privés et « signées » par des grands noms de l’architecture va suivre au cours des années 2000, avec la même volonté de dérégulation de la part des services d’urbanisme. Aussi grandes soient-elles, elles jouent davantage sur les credo d’attractivité urbaine d’une capitale de la mode, du design et du tourisme que sur une démarche de mixité sociale. De nouvelles tours élégantes viennent voler la vedette à leurs aînées pour signaler le talent et le dynamisme de la région, une façon d’attirer d’autres investisseurs.
Le Havre : mutualiser des forces très inégales
Au Havre, le centre-ville et le port se sont développés côte à côte jusqu’à ce que le second s’éloigne du premier avec le projet Port 2000, par nécessité de s’adapter à la course au gigantisme des navires. Un projet d’interface ville-port est alors monté sur 800 hectares par les autorités publiques de la ville, de la communauté d’agglomération et du port pour revaloriser les bassins originels du plus grand port français et leurs équipements ainsi que les quartiers adjacents, en déshérence. Pour attirer des investisseurs, les projets doivent développer à la fois des fonctions urbaines mixtes et des fonctions économiques à forte valeur ajoutée, notamment portuaires.
Mais comment créer une nouvelle centralité de type waterfront avec un site si vaste à réaménager au bénéfice des piétons et dans un contexte social tendu (taux de chômage élevé, perte de 1 000 habitants par an depuis les années 1980…) ? Il s’agit de faire venir une population aisée en créant équipements, logements de haut standing, commerces, activités culturelles et hôtels. Dans cette ville rasée à 85 % lors de la Seconde Guerre mondiale, la rénovation réussie des docks en est l’emblème, confortant le développement d’un campus étudiant. La réhabilitation du quartier Saint-Nicolas s’appuie aussi sur le signal fort d’une piscine neuve confiée à Jean Nouvel. Le chantier urbain avance désormais lentement vers le sud.
Afin de ne pas créer de fracture sociale lors de ces transformations, le maire veille à impliquer la population. Pour le renouvellement du quartier de l’ancienne prison, la conception du plan d’urbanisme à partir de plusieurs règles a mobilisé plus d’une centaine d’habitants, en lien avec des architectes, des urbanistes, etc. Sur cette base, les projets sont lancés.
Frédéric Mialet, architecte et commissaire de l’exposition Réver(cités), et Eve Jouannais, journaliste.
Eléments initialement présentés dans l’exposition « Réver(cités), villes recyclables et résilientes » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 12 octobre au 4 décembre. Plus d’informations dans la visite virtuelle de l’exposition.
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