Raconter le paysage
Que signifie vraiment le mot « paysage » ? Thierry Paquot, philosophe de l’urbain, pose la question dans son dernier ouvrage. Il y éclaire entre autres le rôle de ceux qui le « fabriquent » : les paysagistes bien sûr, les urbanistes, les architectes, les ingénieurs mais aussi les agriculteurs.
Sobrement intitulé Le paysage (La Découverte, 2016), le livre de Thierry Paquot retrace l’histoire du paysage pour mieux comprendre les nombreuses significations du terme, suivant les époques et les cultures. « Notre vie quotidienne se déroule au sein de paysages que nous ne savons pas toujours apprécier et qui, pourtant, conditionnent nos humeurs et constituent notre milieu de vie. » Thierry Paquot, urbaniste et éditeur de la revue L’esprit des villes, rappelle combien le paysage et sa « fabrication » sont des enjeux essentiels aujourd’hui. Partout dans le monde, le paysage s’homogénéise, notamment dans les villes.
Paysage et patrimoine
Thierry Paquot revient sur les discours idéologiques mêlant paysage et identité. Selon lui, le classement des sites de l’Unesco permet la « marchandisation des lieux dénommés patrimoine mondial, en négation même du sens étymologique du mot patrimoine ». Le label conforte avant tout le capital touristique d’un site et son attractivité. Se préoccupe-t-on vraiment du paysage, celui de la ville aussi, quand ce dernier est consacré « patrimoine » ? Thierry Paquot en doute et démontre pourquoi un tel artifice, notamment en ville, apparaît comme l’« aveu d’un échec urbanistique », qui fige parfois un centre-ville ou un quartier. Un urbanisme de qualité dure dans le temps par sa capacité à assimiler de nouvelles fonctions, à « se recycler ».
Le paysage c’est l’art dans la ville
Thierry Paquot s’intéresse aussi au métier de paysagiste et à ses missions dans la politique de la ville. La profession s’est précisée après les années 50 avec la multiplication des grands ensembles et la création des villes nouvelles à partir de 1965. L’appellation « espaces verts » remplace les parcs et jardins. L’auteur cite les travaux de l’anthropologue Françoise Dubost pour qui « le paysage c’est l’art dans la ville, c’est l’art social, aussi bien que le traitement de l’environnement naturel ». Les paysagistes doivent repenser la ville à l’heure de la rénovation urbaine et de la mise en place des trames vertes et bleues.
Tout paysage invite au langage
La guérilla jardinière se charge officieusement de verdir les villes, à Londres, Chicago, Paris ou Mumbaï. « L’action ne vise pas à transformer une friche en un jardin pérenne, mais à temporairement, magnifier, fleurir, embellir un terrain oublié de la ville et le convertir en un lieu pour tous les publics. » Le mouvement, pacifique, trouve un écho dans de nombreux pays car il appelle à une réappropriation de l’espace public par les citoyens. L’intérêt croissant des villes pour la végétalisation des toits témoigne d’une révolution en cours en matière d’urbanisme. Le sujet, vaste et sensible, invite à la réflexion. Thierry Paquot rappelle avec poésie qu’« aucun paysage n’est neutre. Tout paysage invite au langage, y compris celui qui vous laisse sans voix ».
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