Quels usages pour la smart city ?
Ville intelligente. L’expression est sur toutes les lèvres. Certains y voient une solution inéluctable pour entamer une transition vers la ville durable. Pour d’autres, le terme fait peur et incarne une sorte de surveillance généralisée. Car la ville intelligente fonctionne avant tout grâce à une récolte de données. Mais des données pour quoi faire ? La question mérite d’être posée pour éviter les fantasmes et ancrer une vision dans le réel. Quels usages pour la smart city ? Des étudiants du Design Lab Ville Durable, encadrés par Christine Vignaud, architecte dans le cadre de la chaire Banque Populaire Atlantique – Lippi, environnements connectés, ont apporté quelques réponses, ou plutôt posé quelques questions.
E-citoyenneté : de nouvelles interactions avec la ville et ses infrastructures
Et si l’on se servait de la ville connectée pour faciliter les interactions entre le citoyen et sa ville ? C’est le projet imaginé par Katel Le Bihan et Estelle Thébault. Pour récolter la parole du citoyen, elles ont pensé intégrer un système connecté dans les transports en commun, un appareil qui vient chercher la parole de l’usager où il se trouve. BlaBla-Tram, nom donné au projet, réinvente donc le concept de citoyenneté en incitant à la participation. Les usagers pourraient alors s’exprimer sur des projets urbains, s’informer sur les événements proposés par la ville ou même, via un mur d’expression, laisser libre cours à leur imagination. L’ensemble du tram est alors réinventé : la peau extérieure pourrait être le support d’une carte intéractive ou d’informations en temps réel, l’intérieur pourrait proposer des expositions d’artistes ou d’artisans et l’espace intermodal pourrait devenir une conciergerie multiservices. La collecte de données est utilisée ici au profit de l’amélioration du dialogue collectivité/citoyen.
L’îlot connecté
Capter et utiliser les données d’un îlot pour sensibiliser et améliorer la gestion de l’énergie. C’est l’idée d’Iris Devais et Alice Le Mouël. Les deux étudiantes ont totalement réinventé le fonctionnement d’un îlot urbain. Des panneaux solaires et des capteurs d’eau de pluie pourraient être installés sur les toits. Une des façades de la cour deviendrait un immense dashboard permettant de suivre en temps réel la consommation énergétique des habitants et de donner des informations sur la température ou encore la qualité de l’air. Enfin, elles ont imaginé qu’une double peau viendrait se greffer sur la façade existante pour créer de nouvelles parties communes, des espaces conviviaux et de partages. Grâce à une gestion intelligente de l’énergie et de l’eau, les ressources seraient réparties de manière plus équitable entre les différents logements. Avec l’îlot connecté, c’est tout un écosystème qui est réiventé.
Après Sao Paulo, c’est désormais Grenoble qui a décidé de retirer les publicités de son espace urbain. Et si la pratique se généralisait ? C’est de cette hypothèse que sont parties Manon Diesnis, Prune Ferré et Léonie Patron pour leur projet. L’exemple choisi s’insère route de Vannes à Nantes, une rue saturée d’espaces publicitaires et souvent congestionnée. Leur idée : retirer toutes les publicités le long de la voirie et les remplacer par un système d’affichage personnalisé qui viendrait prendre place directement sur le tableau de bord de notre véhicule, selon nos envies, nos goûts ou nos aspirations. Ce projet a un double objectif : dessiner un nouvel espace urbain en le désencombrant et réaliser une économie de la data. L’occasion également de ne plus subir les messages publicitaires mais d’en devenir les commanditaires.
Ces différents projets permettent de mettre des images sur ce qui est encore abstrait pour un grand nombre de citoyens : quels usages pour les données dans la ville intelligente de demain ? Ils nous permettent de nous interroger sur notre rôle en tant que citoyen consommateur d’énergie et sur la façon de nous réapproprier notre espace public. Ils ouvrent aussi les travaux de 3 ans de la 1ère chaire de recherche par le design de l’Ecole de design de Nantes Atlantique, soutenue par Banque Populaire et Lippi, sur les environnements connectés.
Par Zélia Darnault, enseignante à l’Ecole de Design Nantes Atlantique