Quelles solutions pour faire face aux retraits-gonflement des argiles ?
Le phénomène de retrait-gonflements des argiles touche aujourd’hui près d’une maison sur deux en France. Pour faire face à ce risque, qui devrait s’accentuer avec le réchauffement climatique, le secteur de l’assurance teste actuellement plusieurs solutions en partenariat avec les professionnels du BTP.
La sécheresse en France n’est plus une simple question climatique, elle est devenue un enjeu économique majeur. Selon la Caisse centrale de réassurance (CCR), la sécheresse de 2023 devrait ainsi coûter près de 900 millions d’euros. Une somme considérable, sachant que l’année 2022 avait déjà coûté un montant record de 3,5 milliards d’euros aux assureurs.
Ces coûts sont principalement le fait de ce qu’on appelle le retrait-gonflement des argiles (RGA), qui résulte des variations du sol dues à l’alternance de périodes de précipitations et de sécheresse. Près de 10,4 millions de maisons en France, soit 54 % du total, se trouvent dans des zones exposées de manière moyenne à forte à ce phénomène.
Or, avec le réchauffement climatique en cours, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que les phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les sécheresses et les inondations, vont devenir de plus en plus fréquents et intenses. Ce qui devrait donc accentuer les dégâts liés aux retrait-gonflement des argiles.
France Assureurs, la fédération professionnelle du secteur, a ainsi estimé que les sécheresses coûteront environ 43 milliards d’euros sur la période 2020-2050. Ce chiffre représente trois fois le coût enregistré au cours des trente années précédentes et illustre bien l’urgence d’adopter des mesures d’atténuation et d’adaptation pour faire face à ce contexte.
Un défi majeur pour l’assurance en France
Le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) préoccupe fortement le secteur de l’assurance en France, à la fois en termes de coûts et de tendances. Entre 1982 et 2020, ce phénomène a représenté 40 % des coûts liés au régime “CatNat” qui indemnise les dégâts liés aux catastrophes naturelles.
Le RGA est en effet très présent sur le territoire. Il affecte les sols argileux qui changent de volume selon le temps : rétrécissement en période de sécheresse, gonflement en cas de pluies. Ces variations de sol ont un impact direct sur les fondations des bâtiments et engendrent différents types de dégâts, dont les fissures sont les plus apparentes. À noter que les routes peuvent également subir des dommages importants lors de sécheresses, avec fissures et déformations.
Aujourd’hui, le RGA touche tout le territoire français. Le nombre de départements concernés est en constante augmentation, passant de 70 entre 2009 et 2012 à 92 après l’été 2019.
Une statistique alarmante révèle également que 75 % des communes françaises ont plus de la moitié de leurs maisons exposées à ce phénomène. Ainsi, sur les 19,2 millions de maisons individuelles en France métropolitaine, on estime que 10,4 millions d’entre elles sont en zone d’exposition moyenne ou forte aux retraits-gonflements des argiles. Certaines régions – Île-de-France, Occitanie, Paca et Nouvelle-Aquitaine – sont les plus exposées.
Face à la montée du RGA, les compagnies d’assurance sont donc confrontées à un défi majeur qui les pousse à rechercher des solutions pour réduire et éviter ces dégâts.
Assureurs, professionnels du BTP et pouvoirs publics cherchent des solutions
La question du retrait-gonflement des argiles (RGA) suscite une préoccupation grandissante parmi les collectivités locales, les pouvoirs publics, les professionnels de l’assurance et du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
Dans un récent rapport, la Cour des comptes propose des solutions concrètes visant à améliorer la gestion de ce risque. L’une de ses principales recommandations est la systématisation de l’information destinée aux particuliers résidant dans les zones exposées au RGA. Cette information serait diffusée par les mairies, sensibilisant ainsi les citoyens aux risques potentiels.
Elle propose également de renforcer les dispositifs énoncés dans la loi ELAN, notamment en obligeant les vendeurs à informer les acheteurs potentiels des risques liés au RGA dès la première visite, par le biais d’un état des risques et pollutions (ERP).
Une autre mesure envisagée consisterait à subordonner la délivrance d’un permis de construire pour les maisons situées sur des sols argileux à la présentation d’une attestation garantissant que les dispositions constructives sont adaptées au RGA, délivrée par un expert ou un architecte.
Parallèlement, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) recommande une meilleure formation des professionnels de l’urbanisme et de la construction pour faire face à ces enjeux. De son côté, la fédération France Assureurs, le réassureur public CCR, et la Mission risques naturels, une association créée par le secteur de l’assurance, collaborent actuellement pour tester quatre méthodes de prévention du RGA.
Cette initiative impliquera 300 maisons, dont 200 ont déjà subi des dommages, tandis que 4 solutions préventives seront appliquées sur les 100 autres. Les quatre méthodes de prévention testées comprennent la réhydratation des sols pendant les périodes de sécheresse, l’imperméabilisation des sols au moyen d’une géomembrane, l’injection de produits à proximité des fondations pour modifier la nature des sols, et le renforcement des fondations.
Cette approche expérimentale vise à déterminer l’efficacité de ces méthodes pour atténuer les effets du RGA et à contribuer à la gestion de ce risque en constante évolution.