Quand la BD imagine la ville du futur (1/2)
Qu’elle fasse office de décor post-apocalyptique ou de cadre utopique à la gloire du progrès technologique, la ville a toujours excité l’imagination des dessinateurs de bande dessinée. Présentation des villes futuristes les plus spectaculaires du 9e art.
Winsor McCay : la ville moderne et vertigineuse
Avec sa série Little Nemo in Slumberland, dont la publication démarre en 1905 dans les colonnes du New York Herald, Winsor McCay va influencer plusieurs grands noms de la bande dessinée, au premier rang desquels Moëbius ou François Schuiten. L’artiste américain y met en scène les aventures imaginaires d’un petit héros rêveur dans un paysage urbain onirique. Ce pays des merveilles regorge ainsi de gratte-ciels vertigineux, d’arches finement ciselées et de pièces de mobilier urbain aux lignes résolument inspirées par l’Art Nouveau. McCay se fait ainsi le témoin d’une époque – le XXIe siècle naissant – où la ville moderne, à la fois verticale et gigantesque, apparaît comme l’espace de tous les possibles. Son New York ville futuriste s’inspire directement des palais de stuc et des fausses statues antiques de la Columbian Exposition, une installation fameuse de l’Exposition Universelle de 1893 à Chicago.
Hugh Ferriss : le père de Gotham City
S’il n’a jamais « réalisé » le moindre bâtiment, cet architecte américain a influencé la plupart des confrères de sa génération avec ses dessins de ville datant des années 1920-1930. Il est d’ailleurs considéré comme un « perspectiviste » plus que comme un architecte à proprement parler. Ses gratte-ciel, dont la silhouette rappelle parfois celle des temples mayas, ont contribué à définir l’architecture Art Déco, en particulier sa série de dessins de 1929 baptisée The City of Tomorrow (La métropole du futur), qui met en scène un univers urbain minéral, glacé, nocturne et dépeuplé, presque toujours traité avec de subtils clairs-obscurs et librement inspiré du Manhattan où vit et travaille Ferriss. C’est aussi au célèbre perspectiviste américain qu’on doit les premiers dessins de Gotham City, la fameuse cité sombre, décadente et malfamée où évoluera bientôt le superhéros Batman.
Alain de Saint-Ogan : trottoirs roulants et voitures volantes
Dans Zig et Puce au XXIe siècle, peut-être l’album le plus célèbre de cette série démarrée en 1925, le dessinateur français détourne avec un mélange d’humour et d’admiration les images futuristes d’Albert Robida réalisés dans les années 1880, qui mettaient en scène des mégapoles transformées par le progrès technique. Dans sa « ville du XXIe siècle », on retrouve donc des trottoirs roulants, des voitures volantes et même des ballons individuels pour se déplacer. Saint-Ogan imagine aussi une île flottante installée au milieu de l’océan Atlantique.
Archigram : la contre-utopie urbaine d’inspiration comics
Du début des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970, six architectes anglais bouleversent l’histoire de l’architecture avec la publication du magazine Archigram. S’inspirant des codes graphiques de la bande dessinée de science-fiction – et en particulier des couvertures souvent criardes des comics – ils mettent en scène leurs utopies urbaines, mêlant l’innovation technique à la culture populaire. Si Archigram est surtout connu pour le projet Plug-in City porté par Peter Cook (une ville en perpétuelle expansion où chaque immeuble et chaque commerce a sa propre durée de vie), d’autres projets de villes futuristes ont été dessinés sous forme de BD par les architectes anglais. C’est le cas notamment de la Walking City de Ron Herron, cette « ville robotisée ressemblant à une machine de guerre », comme la décrit le catalogue de l’exposition Archi & BD, La Ville dessinée.