Pour une implication du citoyen dans les mutations urbaines
Construire une ville durable. Sur le papier l’idée a de quoi plaire, mais elle est en réalité synonyme de grands bouleversements. Densification, requalification, mise en accessibilité, construction de logements … Les chantiers ne manquent pas. Et ils s’accompagnent souvent d’un sentiment de mécontentement ou d’incompréhension des usagers et riverains qui regrettent de ne pas être plus partie prenante dans ces mutations urbaines.
Quitte à en arriver parfois à de lourds conflits, comme pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou le barrage de Sivens, car ce qui est durable pour les uns de l’est pas forcément pour les autres. Pour prévenir ces situations extrêmes, une profession peut tirer son épingle du jeu : le designer. En axant sa démarche principalement sur l’usager, il est obligé de se confronter à lui et de créer des méthodes de dialogue innovantes. Quelques pistes de réflexion proposées par les étudiants de l’Ecole de Design Nantes Atlantique.
Création et valorisation des repères
Dans des quartiers en perpétuelle évolution comment faire en sorte que les citadins s’y retrouvent ? Katel Le Bihan a décidé de traiter la question des repères et de l’ancrage dans ces zones en mutations. Pour elle, ces repères sont de trois ordres : ceux qui viennent du bâti, ceux qui viennent des usages et ceux qui viennent des usagers. Perdre ces repères est une crainte pour de nombreux riverains : difficile de les imaginer perdurer au-delà des changements. Pourtant, ils sont le vecteur de l’histoire d’un quartier et de son image. Ils peuvent même devenir des points d’ancrage : des repères auprès ou avec lesquels les habitants d’un même quartier ont grandi, qu’ils ont pu construire. Parmi ces repères, la mémoire des individus est constitutive de l’identité collective du quartier. Selon Katel « un travail sur la collecte au long terme des mémoires passées et futures puis la mise en œuvre d’un moyen de restitution permettrait à tous les habitants d’un quartier, aux nouveaux arrivants et même aux personnes extérieures de profiter de ces expériences, de créer de la connaissance ou tout simplement d’échanger autour des différents vécus qui coexistent au sein d’un même quartier ».
Le designeur comme médiateur
Rénion de concertation autour d’un projet d’aménagement urbain. Les quelques curieux qui auraient envie de pousser la porte pourraient se retrouver vite déçus, car bien souvent ces concertations sont organisées alors que le projet est déjà bien avancé. Et c’est souvent là que les conflits interviennent. Estelle Thébault s’intéresse justement aux mutations urbaines faisant l’objet de conflit : « Mon projet de fin d’études a pour objectif d’élaborer des outils design permettant la co-création de l’espace urbain. Actuellement, le design n’occupe pas une place importante dans les processus de transformations urbaines. Il s’agit d’intervenir en amont des mutations urbaines, pour amener le débat dans un esprit de démocratie participative ». Le designer devient alors un médiateur capable de proposer, d’interférer, de négocier, de dialoguer au moyen d’outils, de dispositifs, de services, d’espaces créatifs de partages, d’échanges et de communication. (Re)créer du lien entre habitants et environnement en mutation est donc la priorité.
Par Katel Le Bihan, Estelle Thébault, étudiantes en 5ème année à l’Ecole de Design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante.