Plan Nature En Ville, un pas en avant pour la biodiversité urbaine ?

24 Mar 2025 | Lecture 3 min

De la crise de la biodiversité à la nature en ville

Cela fait désormais consensus : la sixième extinction de masse à laquelle nous sommes en train d’assister est entièrement due à l’activité humaine, dont 30% des impacts sont la liés à la destruction et l’artificialisation des milieux naturels. Chaque disparition d’espèce compromet un peu plus les équilibres naturels dont nous dépendons tous.

Dans ce contexte, toute une série de cadres institutionnels et réglementaires (aux échelles internationale, européenne, nationale) a été créée depuis les années 2000 pour lutter contre l’érosion de la biodiversité. Le Plan Nature En Ville 2024-2030, constitue l’une des mesures phares de la Stratégie nationale Biodiversité 2030 : « Ramener de la nature en ville pour s’adapter aux conséquences du changement climatique et améliorer le bien-être des citadins ». Il s’inscrit aussi dans un mouvement global de reconnexion ville-nature.

A Lille, une structure végétalisée pouvant servir de petit corridor biologique. Lamiot, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

A Lille, une structure végétalisée pouvant servir de petit corridor biologique.
Lamiot, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Le plan : comprendre, planifier, mettre en oeuvre et fédérer

Le Plan Nature En Ville 2024-2030, révision du plan Restaurer la nature en ville de 2010, cherche à répondre à certaines difficultés opérationnelles remontées par les collectivités locales et acteurs économiques dans un récent sondage européen : la compétition sur l’usage du foncier, le manque de connaissances et de ressources accessibles, la difficulté à anticiper les coûts et à démontrer la rentabilité des projets, le manque de cohérence entre échelles de gouvernance, ainsi que des problèmes d’acceptation par les habitants.

Il se structure donc en 4 axes : “comprendre → planifier → mettre en œuvre”, et l’axe transversal “fédérer”. Le premier axe Améliorer la connaissance (Comprendre) consiste à renforcer la recherche, consolider les données sur la biodiversité urbaine, faire de la prospective sur les vulnérabilités et potentielles solutions. Le second axe “Préserver et restaurer la nature dans les stratégies territoriales” (Planifier) prévoit une cartographie nationale du couvert végétal en ville, et un appui aux collectivités pour identifier et prioriser les espaces à enjeux et poursuivre le développement des trames écologiques dans leurs documents de planification et d’urbanisme (tels que les SCoT, PLU, etc). Le troisième, “Maintenir et développer la nature en ville dans les projets d’aménagement” (Mettre en œuvre) vise à faciliter la mise en application via des financements, des outils d’aide à la décision, des ressources documentaires, et la promotion de bonnes pratiques de gestion des espaces verts. Le quatrième et dernier axe, transversal, rassemble les actions destinées à “Fédérer les acteurs pour développer une culture partagée”. Cela passe notamment par la sensibilisation des publics, la promotion de la participation, et la formation des acteurs de l’urbain et de la rénovation.

Albi vue depuis le sentier de randonnée urbaine “L’échappée verte”.Florent Pécassou, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Albi vue depuis le sentier de randonnée urbaine “L’échappée verte”.
Florent Pécassou, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Pourquoi la nature en ville ?

La proximité de la nature est recherchée pour ses effets positifs sur le bien-être et la santé des citadins. C’est même devenu un atout différenciant pour l’attractivité de certaines villes. Cependant, on constate que la végétation a été progressivement repoussée aux périphéries par l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.

En parallèle, les objectifs de sobriété foncière invitent à densifier les villes et à limiter l’étalement urbain. Or ”la recherche d’un coin de nature, qui caractérise l’attraction pavillonnaire, est ainsi devenue au fil des décennies une raison importante d’artificialisation des sols” (d’après Aurélien Boutaud). La nature en ville permettrait ainsi de conserver l’attractivité des centre-villes malgré leur densification.

Mais ne serait-il pas plus simple de faciliter l’accès des citadins à la nature hors de la ville, via par exemple, une offre de transports adaptée ? Il faut donc aussi parler de ce que la nature fait pour la ville : la régulation des phénomènes climatiques (îlots de chaleur, inondations, etc), la production agricole urbaine, et plus encore. C’est une mesure essentielle d’adaptation au changement climatique, qui permet d’améliorer la résilience des villes face aux crises à venir auxquelles elles sont particulièrement vulnérables.

Le Plan Nature En Ville parle donc de “services écosystémiques” et de « Solutions fondées sur la Nature”. Il définit les actions en faveur de la Nature En Ville comme : “Un ensemble de dispositifs contribuant à préserver ou recréer au sein des milieux urbains des espaces de nature, des populations d’espèces sauvages, des services écosystémiques. Ces dispositifs entendent préserver et restaurer des écosystèmes ainsi que leurs services associés (biodiversité, gestion des eaux pluviales, adaptation au changement climatique, qualité de l’air, alimentation, prévention des risques, etc.).”

Services écosystémiques, “Solutions fondées sur la Nature”, de quoi parle-t-on ?

Cadre conceptuel simplifié de l'évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE)Philippe.puydarrieux, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Cadre conceptuel simplifié de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE)
Philippe.puydarrieux, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Cette approche écosystémique s’attache à préserver le fonctionnement d’un écosystème plutôt que de se focaliser sur la seule protection d’espèces ou d’espaces remarquables. Les services écosystémiques sont les services rendus aux sociétés humaines par ces fonctions écologiques. Ce concept, central en économie de l’environnement, possède une fort pouvoir d’acculturation pour permettre à des acteurs peu sensibles à la cause écologique “de mieux apprécier la valeur de la nature et de ses aménités”. C’est aussi une notion utile pour faire collaborer une diversité d’acteurs autour d’enjeux interdépendants, créer des synergies ou arbitrer sur des conflits d’usages. Par exemple, en aménageant un cours d‘eau pour faciliter la navigation, on limite aussi sa capacité à servir de zone tampon en cas de crue.

Les Solutions fondées sur la Nature (SfN) consistent à préserver, améliorer ou créer des écosystèmes afin de maximiser les services écosystémiques répondant à diverses problématiques humaines : du changement climatique au développement socio-économique. Parmi ces “infrastructures vertes” en ville : les toitures végétalisées, les forêts urbaines, les jardins de pluie, les cours d’eaux restaurés, les mares mises en réseau, l’agriculture urbaine …

Ces deux concepts sont cependant sujets de débats dans la communauté scientifique car ils porteraient la vision d’une nature instrumentalisée, voire marchandisée, pour répondre aux besoins de l’humanité.

Empire State Pigeon par ZeroOne, CC BY-SA 2.0

Empire State Pigeon par ZeroOne, CC BY-SA 2.0

Quelle place pour la biodiversité en ville ?

La lutte contre l’érosion de la biodiversité fait partie des trois grands objectifs du Plan Nature En Ville. Les deux autres objectifs, l’adaptation au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie urbain, correspondent à des services écosystémiques rendus par la présence d’une certaine biodiversité en ville. Cette biodiversité étant à la fois source et produit du bon fonctionnement des écosystèmes. Veut-on alors la préserver pour elle-même ou pour les services qu’elle rend aux villes ? Qu’adviendrait-t-il des espèces auxquelles on ne reconnaît pas d’utilité ? Quels rapports à la nature veut-on développer ? Si le concept de services écosystémiques constitue un outil puissant pour concilier planification urbaine et planification environnementale, il semble important de le placer en complémentarité de la valeur intrinsèque du vivant, notamment dans les actions de sensibilisation.

Et quelle place pour les classes populaires dans une ville renaturée ?

Le GIEC met en garde contre les risques de “gentrification environnementale” liés à la végétalisation des villes. La proximité d’espaces verts fait augmenter les prix immobiliers, et les grands projets d’éco-quartiers provoquent souvent une gentrification rapide. Comment alors s’assurer que la ville verte reste accessible à tous, y compris les populations les plus précaires ? Une solution serait l’approche « juste assez verte » : des interventions plus modestes et progressives, impliquant les habitants, pour assurer la soutenabilité sociale et économique autant qu’écologique.

LDV Studio Urbain
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