Peut-on imaginer des prisons plus ouvertes sur la ville et ses activités ?

Dans l’imaginaire collectif, la prison ce sont des hautes tours et des barbelés pour isoler des individus dangereux. © Rennett Stowe
19 Fév 2020 | Lecture 4 minutes

Punir, isoler, enfermer. Quand on pense aux prisons, ce sont souvent ces mots qui viennent à l’esprit. Car la prison doit symboliser un lieu de mise à l’écart pour des dangereux individus dont la société ne voudrait pas. Mais ces prisonniers ne le sont qu’un temps, et la prison doit aussi être un lieu favorisant leur réinsertion. Pourtant, aujourd’hui la prison semble un lieu peu propice à l’ouverture sur la ville. Et bien souvent, à leur sortie, les anciens détenus ont perdu leurs repères et leur adaptation au monde libre est compliquée, menant parfois à la récidive. Alors comment faire de la prison un lieu de résilience ? Comment favoriser la transition entre le monde carcéral et la ville ?

Ouvrir la prison ?

La prison est un lieu ambiguë. Elle se doit d’être punitive mais également de faire en sorte qu’on en reparte meilleur qu’on y est entré. Or, bien souvent l’architecture de la prison symbolise davantage la première fonction. Peut-on alors imaginer des prisons plus ouvertes sur la ville et ses activités ? Au Danemark, la prison de Storstrøm construite par le cabinet d’architectes C. F Møller tente de renouveler l’approche de la prison. Conçue comme un petit village où différentes installations de loisirs et de travail sont reliées par des rues débouchant sur une place centrale, cette architecture a pour vocation de favoriser le côté humain mais aussi d’assurer de meilleures conditions de travail pour les gardiens. Ce nouvel environnement urbain s’harmonise avec le paysage alentour et favorise les espaces naturels. Ainsi, la prison de Storstrøm entend illustrer tout le défi de l’architecture carcérale : favoriser le bien-être intérieur par l’environnement immédiat, le tout sans négliger les conditions de sécurité et l’aspect punitif.

Vue aérienne de la prison de Storstrøm © C. F Møller

Vue aérienne de la prison de Storstrøm © C. F Møller

Faire de la prison une œuvre d’art

L’art peut-il être un moyen de redonner de la dignité à des détenus ? Peut-il permettre de créer du lien entre prisonniers, mais aussi entre prisonniers et personnels ? Peut-il élargir symboliquement les murs de la prison ? Autant de questions auxquelles le célèbre photographe JR a tenté de répondre. C’est dans la prison de haute sécurité de Tehachapi en Californie que l’artiste a souhaité mener un projet mêlant prisonniers, personnels de la prison et même victimes. L’idée de les rassembler dans un portrait monumental de groupe où tous poseraient ensemble, le regard face à l’objectif a vite germé. Et c’est par sa désormais célèbre technique du collage qu’ils ont pu collectivement déployer cette immense fresque dans la cour de la prison. Sur l’application mobile de l’artiste, les usagers ont la possibilité de zoomer sur des personnes et de pouvoir écouter leurs histoires. Adepte des réseaux sociaux, JR n’a pas hésité à partager son expérience en direct, provoquant tantôt des remarques positives, tantôt des réactions plus violentes. Et ces critiques ont été partagées avec les détenus dans le but de les amener à dialoguer. Ce projet mené au mois de novembre 2019 a été complété en ce début d’année par une gigantesque fresque collée sur les murs de la prison permettant de les faire disparaître symboliquement. Une façon de redonner de l’humanité à ces personnes mises au ban de la société.

Vue du travail collectif de collage de la fresque (©Marc Azoulay) et vue aérienne du projet (©JR-art)

Vue du travail collectif de collage de la fresque (©Marc Azoulay) et vue aérienne du projet (©JR-art)

Vue du travail collectif de collage de la fresque (©Marc Azoulay) et vue aérienne du projet (©JR-art)

Vue du travail collectif de collage de la fresque (©Marc Azoulay) et vue aérienne du projet (©JR-art)

Le logement post-carcéral : un enjeu particulier

La vie à l’intérieur de la prison n’est pas le seul moment de difficultés dans la vie d’un détenu. A sa sortie, le désormais ex-prisonnier se retrouve dans un monde qu’il ne connaît plus et dans lequel il n’a plus ses habitudes. Son logement forme alors une bulle protectrice dans laquelle il peut trouver refuge, quitte à s’enfermer à nouveau. C’est donc pour aider l’ancien détenu à retrouver sa place dans la vi(ll)e que Fauste Gilibert, étudiante en deuxième année de cycle master à L’École de design Nantes Atlantique, a choisi de travailler sur le logement post-carcéral pour son Projet de Fin d’Études. Elle a ainsi imaginé un dispositif intitulé « bouge ton mur ! » permettant d’adoucir la transition entre un espace collectif de 9m2 et un appartement standard de 30m2. L’usager peut grâce à un mur coulissant se recréer un espace type cocon et progressivement élargir son espace de vie au fur et à mesure de sa reconstruction personnelle. Ce processus architectural et thérapeutique permettrait ainsi une adaptation plus facile au monde extérieur.

« Bouge ton mur ! » un concept imaginé par Fauste Gilibert pour adoucir la transition entre la prison et le retour à la vi(ll)e © Fauste Gilibert

« Bouge ton mur ! » un concept imaginé par Fauste Gilibert pour adoucir la transition entre la prison et le retour à la vi(ll)e © Fauste Gilibert

Par Zélia Darnault-Orsoni, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique

L'École de design Nantes Atlantique
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