Peur sur la ville : faire face à la nuit

Des espaces mobiles permettraient de créer des zones de rencontres en ville la nuit.

« Peur : état affectif plus ou moins durable, pouvant débuter par un choix émotif, fait d’appréhension (…) et de trouble (…) qui accompagne la prise de conscience ou la représentation d’une menace ou d’un danger réel ou imaginaire ». C’est ainsi que l’on définit ce sentiment qui nous anime tous et qui décuple à la tombée de la nuit. Car la nuit est un paradoxe à elle seule : pendant les quelques heures qui la différencient du jour, se mélangent magie et dérives. Films, médias, art, faits-divers, s’amusent d’ailleurs à utiliser la nuit comme scène ouverte laissant apparaître les travers de la société. La pénombre est un cadre idéal pour jouer avec les émotions, avec la crainte. Mais c’est aussi le reflet d’une réalité : la nuit ouvre les portes au danger, à l’économie souterraine, aux agressions. Alors comment pallier cette peur de la nuit, spécialement en milieu urbain ?

La nuit déclenche traditionnellement les peurs en milieu urbain.

Comment pallier la peur de la nuit en milieu urbain ? (c) Augustin Le Claire

Pourquoi la nuit ?

Parmi les peurs qui nous animent, celle de la nuit trouve ses racines dans des temps ancestraux. Car en réalité, ce n’est pas la nuit elle-même qui nous fait peur, mais l’ambiance qui en découle et les sentiments qui y sont associés. Pour un nourrisson, la nuit est synonyme d’abandon. La nuit est également synonyme d’inconnu. La nuit c’est aussi la peur du noir. Et dehors, cette peur se renforce. Ce dehors devient un espace hostile, hors de contrôle, hors de maîtrise. S’ajoutent à ces facteurs la peur des autres, mais aussi de son contraire, celle de la solitude. La ville elle-même peut être une espace angoissant pour un certain nombre de ces usagers. Mais la nuit est également synonyme de créativité, de magie, de fêtes ou encore de découvertes. Alors comment réconcilier ces deux univers ?

La nuit est un paradoxe car elle fait penser à la magie et aux rêves mais aussi à l'angoisse.

(c) Augustin Le Claire

Une diurnisation des nuits

De plus en plus nous assistons à une « diurnisation » progressive de la vie nocturne des villes. La nuit devient un champ d’activités, de ressourcement et d’inventions pour les métropoles et leurs habitants en quête de nouveautés et de repères. Loin de l’abandon des rues la nuit, nous voyons se créer une socialisation en masse la nuit, une amplification des horaires d’ouverture, gardant la ville en éveil la nuit. Progressivement la lumière artificielle a gommé les zones de pénombre des rues, et a fait place à différents acteurs faisant vivre la ville la nuit. En Europe aujourd’hui 18 % des salariés sont actifs la nuit. La législation s’assouplit sur les horaires d’ouvertures des différents établissements publics, notamment les magasins. La nuit attire de plus en plus, surtout les jeunes qui y voient un lieu de détente, de fêtes et de découvertes.

Cette appropriation de la nuit montre la quête de l’homme à vouloir découvrir ce que la ville peut cacher la nuit, comme un parcours de découvertes qui met en relation l’aventure et la peur. On y découvre une autre ville, une deuxième personnalité. La ville revoit petit à petit son rythme de vie, ne s’arrêtant plus au couvre-feu de 21h. Voyant l’homme conquérir doucement l’espace urbain nocturne, elle est donc devenue un terrain d’expérimentations. Face à ces usagers nocturnes croissants, il devient urgent de repenser notre rapport à la nuit.

Le design au secours de la nuit

La nuit peut devenir un écran noir qui permet de développer la création et la culture. Un sujet d’inspiration dont s’est emparé Augustin Le Claire, étudiant en deuxième année de cycle master Ville Durable à L’École de design Nantes Atlantique, pour son Projet de Fin d’Études. Augustin s’est ainsi demandé comment créer les conditions d’une déambulation sereine du piéton en ville. Car si le fait de vivre la ville la nuit se normalise de plus en plus, la peur est toujours présente.

Des espaces mobiles permettraient de créer des zones de rencontres en ville la nuit.

Augustin Le Claire propose des lieux physiques, sortes de points de repères et centres d’attractivités dans la déambulation nocturne ainsi qu’une application mobile permettant de faciliter les déplacements (c) Augustin Le Claire

L’idée est donc de créer des points de repères dans la ville, de créer une certaine attractivité à des points stratégiques. Ainsi, les gens qui se déplacent seuls savent qu’à cet endroit ils trouveront du monde, valorisant ainsi des points de passage. A l’instar d’une toile d’araignée géante, ces différents espaces, qui peuvent être mobiles, permettent de tisser un réseau de zones de rencontres. A ces espaces s’ajouterait une application numérique permettant de mettre en relation des usagers noctambules. On pourrait ainsi imaginer un système de pédibus qui permettrait aux gens de se déplacer ensemble. On pourrait également imaginer une carte géante projetée au sol qui montrerait la fréquentation en temps réel mais aussi les zones d’activités. Espace qui sert le jour et la nuit. Il s’agit donc de rassurer les gens en faisant en sorte que des espaces qui étaient évités puisse retrouver une vie dans la ville, ce qui permet d’éviter les points noirs. Augustin propose donc de se servir de la data pour rassurer les usagers et créer des points de repères.

Une carte géante projetée au sol montrerait la fréquentation en temps réel mais aussi les zones d'activités la nuit.

Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique.

L'École de design Nantes Atlantique
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