Petite histoire des devises de villes 1/2

2 Mai 2018

Au lendemain des attaques sur Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, la devise de Paris “Fluctuat nec Mergitur” est devenue un cri de ralliement derrière lequel franciliennes et franciliens montraient leur soutien aux victimes des attentats et leur résistance face au terrorisme. Traduisible en “Battu par les flots, mais ne sombre pas”, elle illustrait la solidité d’une ville et de ses habitants contre l’horreur. En somme, cette devise a parfaitement rempli son rôle : l’expression symbolique (faisant écho du passé tumultueux de Paris, mais également aux importantes corporations batelières qui animaient la vie économique de la ville depuis l’Antiquité) a réuni derrière elle les membres de sa communauté…

L’art de naviguer sur les murs de Paris

L’art de naviguer sur les murs de Paris – Crédits Claudius Dorenrof sur Flickr

Mis à part cet épisode parisien récent, les aspects historique, traditionnel et symbolique des devises urbaines sont méconnus du grand public. Pourtant, ces éléments de narration et outils de pouvoir propres aux villes méritent un coup d’œil certain. Ce premier billet consacré se présente donc comme une petite introduction aux devises de villes, s’adressant tout autant aux passionnés d’Histoire que de marketing territorial !

La ville personnalisée

L’apparition des devises de villes est difficile à dater. Si on trouve des exemples de devises dès l’antiquité romaine, elles sont bien souvent peu notables car très laconiques. On pense par exemple à l’actuelle devise de Nice, “Nicaea Civitas”, que l’on traduira par “La cité de Nice”. De fait, le concept de devise de ville explose au Moyen Âge, indissociable de l’héraldique.

Armoiries de Nice

Armoiries de Nice en acte – Crédits Paul K sur Flickr

A partir des XIe-XIIe siècle, les grandes familles vont commencer à se doter de blasons pour asseoir leur autorité, être reconnaissables sur les champs de bataille et se construire une histoire autour d’une identité visuelle propre. Rapidement, ces blasons sont accompagnés de devises, enfonçant davantage le clou de la personnalisation. Attribut de la noblesse, ces blasons ornés de devises ont très vite été utilisés pour désigner les territoires administrés par les différentes familles. Et pour ne pas être en reste, les villes libres ont adopté un système similaire.

Les murs de la ville pour clamer son identité

Il faut attendre le tournant XIIIe-XIVe siècle pour que la pratique se répande largement en Europe. Car le phénomène est essentiellement occidental. En Afrique et en Asie, les nations, provinces et cités, si elles se dotent d’insignes visuels spécifiques pour se distinguer les unes des autres, n’ont pas (ou peu) opté pour la devise.

Alors que, dans la ville européenne, on retrouve la devise partout où le pouvoir municipal doit être signifié : sur les bâtiments administratifs (hôtel de ville, maison communale), religieux (les bourgeois des villes participant généralement au financement des constructions d’églises et de cathédrales), économiques (corporations, banalités). Et, évidemment, la devise marque les limites de la ville, figurant sur les portes et fortifications.  Bien souvent, son contenu rappelle les allégeances de la ville à Dieu, au souverain, à la patrie ou au travail. Le “Un Dieu, un roy, une foy, une loy” repris tant par Caen que Lyon, résume bien cet état de fait. Compte tenu de ce poids patrimonial, il est intéressant de se pencher davantage sur les spécificités du phénomène.

“Pax & Labor” sur l’hôtel de ville de Longueau

“Pax & Labor” sur l’hôtel de ville de Longueau (Somme) – Crédits Marc Roussel sur Flickr

Après tout, la devise de ville constitue une première ébauche de ce qui deviendra, bien plus tard, le marketing territorial… Certaines villes, comme Bry-sur-Marne et son “Movlt viel que Paris[1]” (Plus vieille que Paris) vont même jusqu’à à se comparer à leurs voisines ! Dans un second billet à venir, nous nous intéresserons donc plus spécifiquement aux formes des devises elles-mêmes, pour décrypter les façons dont ces unités politiques aimaient à se raconter…

Thomas Hajdukowicz

[1] Il est à noter que, malgré une formulation en vieux français qui peut laisser penser que cette devise remonte à bien longtemps, elle n’existe en réalité que depuis le début du XXe siècle, après que des fouilles aient prouvé que le le site de Bry-sur-Marne était habité depuis le Néolithique.

{pop-up} urbain
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Vos réactions

merci à vous
30 juin 2018

Toute contribution sur l’univers de l’héraldique montre à quel point le domaine demeure pertinent dans notre quotidien et sa science une richesse.
Erreur cependant qui perdure : « Attribut de la noblesse… », non ! Véritable idéologie construite sous la révolution.
Si vous continuez aussi à dire que nos ancêtres déversaient de l’huile bouillante du HT des remparts lors des sièges alors c’est à désespéré malgré tous les efforts de la recherche !
Un simple fait : nés et promus sur les champ de bataille par des rustres combattants… plus des deux tiers des blasons en usage au moment de leur suppression en 1790 étaient non nobles. Sur le plan juridique, un blason n’a jamais été une preuve de noblesse, autrement dit un signe de féodalité, mais d’identité, de propriété… Ne parlons pas des timbres, non nobles surtout bourgeois portaient couronnes, et féodaux se passaient souvent de ce privilège car le blason seul disait tout…

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